Par Franck Baptiste Paris
Rare modèle à larges pans coupés qui ouvre par un tiroir et un abattant en partie haute, et par deux vantaux en partie basse. L’intérieur dévoile un théâtre composé de quatre tiroirs et cinq casiers.
L’ensemble est décoré toutes faces en vernis Martin jaune de type jonquille, avec des réserves néo-classiques imitant la sanguine et les grisailles.
La partie haute est ceinturée d’une frise à fleurettes et feuilles d’oliviers entrelacées.
L’abattant est orné d’une magnifique scène imitant une sanguine d’Hubert Robert (1733-1808) représentant divers personnages dans un environnement de ruines antiques (temples, colonnes, etc).
La partie basse, décorée d’une réserve à la grecque, arbore un médaillon surmonté de guirlandes de lauriers. Ce dernier illustre une scène représentant une Vénus accompagnée de deux jeunes faunes musiciens.
La scène, inspirée des productions de Piat Joseph Sauvage (1744-1818), est traitée en grisaille, à ...
... l’imitation d’un bas-relief en marbre, tandis que le fond de la réserve simule du marbre rouge.
Les réserves hautes des côtés à décors de déesses antiques, et les réserves basses à décors de cassolettes à la grecque.
L’ensemble des ornementations (cornières, écoinçons, cannelures, feuilles d’acanthes) en bois doré à l’imitation du bronze. Le décor intérieur (tiroirs et faces internes de l’abattant) en vernis Martin à l’imitation de la marqueterie de bois précieux.
Dessus de marbre rouge d’origine.
Très bel état de conservation.
Travail parisien d’un atelier de vernisseurs du faubourg Saint Antoine, vers 1780, probablement sous les ordres de René Dubois*.
Dimensions :
Hauteur : 147 cm ; largeur : 105 cm ; profondeur : 46 cm.
Provenance :
- Collection des princes de Sagan, famille de Talleyrand-Périgord, au château du Marais, Île-de-France.
Secrétaires proches par René Dubois :
- Musée du Petit Palais, numéro d’inventaire ODUT 1506.
- Christie’s Paris, 31 mars 2011, lot 733 (361 000 euros).
Notre avis :
Notre secrétaire en vernis Martin reprend le grand principe des productions de René Dubois, c’est-à-dire des scènes en camaïeux dans des encadrements polychromes très vifs, et fait partie d’un tout petit corpus de meubles réalisés à Paris, dans les années 1780-1790. Il est fort probable que le fils du grand ébéniste Jacques Dubois ait commercialisé l’ensemble de ces meubles dans son magasin de la rue Montmartre. En effet, après avoir passé une vingtaine d’années à réaliser lui-même du mobilier dans l’atelier paternel qu’il reprend en 1763, il se consacre uniquement à la vente dès les années 1780. Comme l’indiquent quelques meubles portant son estampille, il semble s’être fait une spécialité de ces meubles en vernis Martin, qu’il commande probablement à un atelier du faubourg Saint-Antoine. Le décor est innovant et correspond à la période d’émancipation de la laque française. Après des décennies à essayer de percer le secret des laques de la Chine et du Japon, plusieurs ateliers rencontrent le succès en mettant au point un vernis capable d’imiter à la perfection les productions asiatiques. Forts d’une grande expérience, les vernisseurs parisiens vont commencer à s’émanciper du modèle oriental en utilisant des couleurs nouvelles, notamment du bleu, du rose, et du jaune.
Si dans un premier temps le décor reste « chinoisant », très vite, à partir de 1760, on rencontre des décors français inspirés des productions de François Boucher, Oudry, Huet, etc… C’est dans ce contexte que fut produit notre secrétaire, avec les tout derniers décors à la mode, influencé par la redécouverte des grands sites antiques tels que Pompéi et Herculanum. Cette production néo-classique, inspirée par les plus grands peintres français, représente la quintessence de la laque française. Notre secrétaire au rare décor et à la prestigieuse provenance est tout simplement une pièce de musée.
*Fils et élève du grand Jacques Dubois, René Dubois reprend, en 1763, l'atelier paternel rue de Charenton et s'associe avec sa mère. Quoiqu'il ait obtenu très jeune sa maîtrise, il continua d'employer l'estampille de son père. Il acquiert rapidement une grande notoriété. En 1779, "L'Almanach Général des Marchands" le mentionne comme ébéniste de la Reine. Ses productions sont très importantes jusqu'en 1780, année de l'acquisition d'un magasin rue Montmartre, magasin uniquement consacré à la vente de meubles. Il cesse ses activités au début de la Révolution. Si, à cause de leur estampille commune, les meubles néoclassiques ne peuvent pas être attribués de façon certaine à René Dubois, par contre les productions de style Louis XVI le sont sans hésitation. Ses œuvres sont très architecturées et démontrent une nette préférence pour les secrétaires. Ceux-ci, de forme étroite et sévère, sont principalement revêtus de laque ou de vernis de goût chinois, souvent surmontés d'une vitrine ou d'un corps supérieur en forme de pagode, et encadrés de bronzes disposés de façon géométrique. On peut citer également des secrétaires en bois de placage marqueté de fleurs ou à décor laqué en camaïeu, de bas-relief en trompe-l'œil, représentant des amours.
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