Par Stéphane Renard Fine Art
31x30.5 cm (50x49.5 cm encadré)
Signée sur le vase à droite de la nymphe « MESKENS Fec. 1721 »
Cadre en bois noirci et frises d’acanthe dorées - Italie début du XVIIIe siècle.
Ce tableau réalisé par Johann Franz Meskens représente un satyre découvrant une naïade assoupie. Il est facile de voir derrière l’alibi mythologique une allégorie du désir masculin, mais surtout l’occasion de représenter un corps féminin partiellement dénudé, dans l’abandon du sommeil. La richesse décorative de ce panneau, le rendu des étoffes, témoignent de la persistance du grand goût baroque dans le premier tiers du XVIIIe siècle à Anvers et dans les cours princières allemandes. La présence de la signature du peintre, par ailleurs peu connu, nous permet de l’identifier avec certitude et de débuter une reconstitution de son corpus, grâce à l’identification d’une autre de ses œuvres que nous présentons également.
1. Johann Franz Meskens, un peintre flamand ...
... sous l’influence d’Herman van der Mijn
Johann Franz Meskens, appelé parfois aussi Frans Meskens est un peintre flamand pour lequel nous disposons de très peu d’éléments biographiques. Il est mentionné comme maître faisant partie de la Guilde de Saint-Luc à Anvers entre le 18 septembre 1725 et le 18 septembre 1728. En 1731 il rentre au service du Cardinal Damian Hugo Philipp Comte de Schönborn en tant que peintre de cour et agent pour ses achats artistiques à Anvers.
Damian Hugo Philipp de Schönborn (1676 – 1743) est nommé Cardinal en 1713 et Prince-Evêque de Speyer, une des plus petites principautés du Saint-Empire Romain Germanique, en 1719. Il réside à Bruchsal (une petite ville faisant aujourd’hui partie du district de Karlsruhe dans le Baden-Württemberg), où il fait construire à partir de 1722 par Balthazar Neumann (1687 – 1753) un important château baroque.
L’art de Meskens nous semble être sous l’influence directe de son aîné Herman van der Mijn (Amsterdam 1684 – Londres 1741), lui-même élève de Willem van Mieris (Leyde 1662 – 1747), par lequel il se rattache au courant des Leidse Fijnschilders, les « peintres minutieux » de l’école de Leyde.
Herman van der Mijn accède à la maîtrise au sein de la Guilde de Saint-Luc d’Anvers en 1712, soit une dizaine d’années avant Meskens. Il part ensuite à Düsseldorf en 1713 comme peintre de cour auprès de l’Electeur Palatin Jean-Guillaume où il restera jusqu’en 1716. Alors qu’il avait commencé comme peintre de fleurs, il aborde la peinture d’Histoire lors de ce séjour à Düsseldorf. Son parcours illustre l’attrait des cours princières allemandes pour les peintres néerlandais du début du XVIIIème siècle et constitue un autre point commun avec celui de Johann Franz Meskens.
2. Description de l’œuvre
Le thème du Satyre surprenant une nymphe endormie est un thème récurrent dans l’art italien depuis la fin de la Renaissance. Dans sa série de treize gravures appelées Les Lascives, publiées sans doute vers 1590-1595, Agostino Carracci traite deux fois ce thème, qui sera largement repris par la suite.
Meskens nous donne ici une interprétation toute personnelle de ce thème. Un faune barbu représenté de profil découvre une naïade endormie dans une grotte. Il est drapé dans une étole de fourrure doublée de brocard qui s’entoure autour de sa taille et révèle la forte musculature de son dos et de ses épaules. Son bras droit soulève délicatement le drap transparent qui enveloppait la nymphe alors que son index gauche pointe son œil, comme pour nous adresser un clin d’œil.
Sa peau cuivrée contraste avec la blancheur de la naïade. Accoudée sur un coussin soyeux orné d’un énorme pompon de passementerie, elle semble endormie sur un luxueux tapis oriental dont les plis sinueux captent la lumière. Cette couche improvisée est surmontée de rideaux soyeux frangés d’argent. Une urne de bronze sur le couvercle de laquelle repose une brassée de fleurs et une coupe du même métal ornée de profils d’empereurs constituent l’unique ameublement de cette chambre. Cette urne se reflète dans une étendue d’eau située au pied de la naïade (dont elle constitue d’ailleurs un des attributs), renforçant encore le caractère onirique de la scène.
La gorge généreuse de la nymphe confirme le caractère grivois de la scène. Dans ce contexte on pourrait peut-être interpréter le clin d’œil du faune – et le très léger sourire de la nymphe - comme une indication de sa duplicité : faisant semblant de dormir pour mieux être dévêtue, elle se livre ainsi à une sorte de jeu érotique avec le satyre venu la séduire, sans toutefois parvenir à le duper.
Il faut souligner la richesse chromatique de ce panneau : la diagonale rouge-rosée allant des rideaux à la robe de la nymphe est encadrée par les masses cuivrées du torse du faune et des vases de bronze, qui se détachent d’un côté sur un ciel rosé évoquant les premières lueurs de l’aurore et de l’autre sur les transparences grisées des reflets dans l’eau.
Le dos musclé du satyre nous semble être une citation directe des gravures représentant (sur une base inversée) le Torse du Belvédère. De nombreux exemples existent depuis la Renaissance, et nous savons l’importance des gravures dans la diffusion des motifs décoratifs dans les ateliers.
3. Œuvre en rapport
Une fiche de collection de Cornelis Hofstede de Groote, datée de 1926, nous signale un autre panneau de Meskens, signé et daté 1720, mesurant 31x25 cm et représentant Cléopâtre se donnant la mort, dont nous n’avons malheureusement pas trouvé de reproduction. Il est tout à fait possible que ce panneau formât une paire avec la Lucrèce que nous avons récemment découverte et qui est de dimensions similaires (31.5x26 cm), ces deux sujets proches étant souvent représentés en paire.
Les nombreuses similitudes qui existent entre nos deux tableaux nous ont permis sans hésitation de rendre cette Lucrèce, dont la signature est en grande partie effacée, à Meskens. Au-delà de l’équilibre général du tableau (un personnage féminin dont le corps occupe une des diagonales, présenté dans un riche encadrement de draperie), signalons en particulier les détails très proches des pieds et des draperies, des plis du tapis, et le traitement des fleurs.
De format pratiquement carré, notre panneau était probablement rectangulaire à l’origine. Il a vraisemblablement été diminué dans sa hauteur car il est aminci au dos sur trois côtés uniquement. Nous avons choisi de l’encadrer dans un riche cadre italien noir et or, de goût parfaitement baroque, qui met en valeur son exubérance décorative.
Principale référence bibliographique :
Vom Adel der Malerei – Holland um 1700 par Ekkehard Mai, Sander Paarlberg & Gregor J.M. Weber - Cologne 2006
Augustin Carrache – les Lascives Textes de Lionel Dax et d’Augustin de Butler – Les Editions de l’Amateur – Paris 2003
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