Par Franck Baptiste Paris
Rare et important paravent, de type byobu*, à six feuilles articulées en papier.
Décor panoramique représentant la visite de l’immortel Dong Fang Shuo à la reine mère de l’Ouest.
La scène est inspirée de l’antiquités chinoise, plus précisément de la dynastie des Han mais les peintres de l’école Kano la représentent avec leur vision japonaise contemporaine.
Le lieu choisit pour décrire cette scène antique est probablement une partie du palais d’Edo correspondant au harem des femmes (Ooku*).
Le quartier, qui est interdit aux hommes, est situé dans une partie isolée entourée de douves.
Il est réservé à la mère du shogun, à sa femme et à ses nombreuses maitresses.
Ces dernières n’ont pas le droit de quitter ce périmètre sacré et occupent leurs journées
avec des activités nobles comme l’écriture, la couture, la musique ...
Toute la partie droite du paravent nous montre cette vie quotidienne des suivantes de la reine mère
avec des ...
... petits groupes éparpillés.
Les couturières sont assises sur la terrasse du palais, d’autres regardent un groupe de
canards depuis un salon confortable, d'autres encore apportent différents mets à un groupe
de musiciennes qui sont affairées à faire danser une des leurs au son de leurs flûtes.
Cette musique traditionnelle qui était dénommée “gagaku”, était jouée à l’aide de flûtes traversières
(shinobue) et d'orgues à bouches (sho), et exclusivement réservée à la cour impériale.
La partie gauche représente l’Hanami qui est une grande fête populaire au Asie.
Cette coutume qui consiste à apprécier la beauté des cerisiers en fleurs (sakura) marque
l'arrivée du printemps, à la toute fin du mois de mars.
On peut voir un petit groupe de femmes s'extasier sous les grands cerisiers et lancer des cordes
munies de grelots dans le but de faire tomber les sublimes fleurs.
Sur la droite, un cortège de maîtresses précède le shogoun et l'impératrice qui est
reconnaissable avec sa couronne ornée d’un phénix.
Une multitude d’animaux domestiques comme des chiens tenus
en laisse ou des oiseaux portés en cages par leurs propriétaires évoluent dans le parc du palais.
En arrière-plan, le cratère du Mont Fuji émerge au-dessus des nuages.
Encre, gouache et feuille d’or sur papier.
Bel état de conservation, petites restaurations d’usage et petits frottements épars.
Japon, école de Kano, période d’Edo, première moitié du XVIIe siècle.
Dimensions:
Feuilles: hauteur 169 cm ; largeur 59 cm.
Largeur totale: 360 cm
Pour des paravents représentant le hanami:
- Un célèbre paravent de Kano Naganobu au Tokyo Museum, dont l'iconographie est
reprise sur les timbres postes au Japon (n° inv A-11530).
- Un paravent daté de 1630 au Metropolitan Museum de New York (n° inv
2015-300.108.1.2).
- Un paravent aux “réjouissances printanières” est cité dans l’inventaire après décès du
Cardinal Mazarin (1661).
Notre avis:
Notre sublime paravent représente un sujet de l’antiquité chinoise remis au gôut du jour par les peintres de l’école Kano.
Ils incorporent des sujets japonais, ainsi que l’iconographie très rare du hanami, c’est à dire de la contemplation des cerisiers en fleurs.
Quelques rares exemplaires avec ce sujet sont connus mais ils ont toujours un caractère populaire alors que
notre scène se déroule dans un parc privé réservé aux femmes.
La reine mère de l’Ouest est représenté accompagné de lettré Dong Fang Shuo , ce qui est tout à fait
exceptionnel tout comme la profusion de personnages, d’animaux et de scènes
compartimentées.
Le luxe inouï et la préciosité des tenues de la cinquantaine de suiveuses de la reine mère et
leurs délicates activités nous renseignent sur l'extrême raffinement de la dynastie Tokugawa,
qui régna sur le Japon durant près de trois siècles.
Notre paravent est à la fois une pièce de décoration et un document de qualité muséale.
La reine mère de l’Ouest :
La reine mère de l'Occident, connue sous divers noms locaux, est une déesse mère de la religion et de la mythologie chinoise, également vénérée dans les pays asiatiques voisins et attestée depuis l'Antiquité. De son seul nom, certaines de ses caractéristiques les plus importantes sont révélées : elle est royale, féminine et est associée à l'Occident.
Les premières informations historiques sur elle remontent aux inscriptions sur os d'oracle de la dynastie Shang qui enregistrent les sacrifices à une « Mère occidentale ». Même si ces inscriptions illustrent qu'elle est antérieure au taoïsme organisé, elle est le plus souvent associée au taoïsme. La popularité croissante de la reine mère de l'Occident, ainsi que la croyance selon laquelle elle était la dispensatrice de la prospérité, de la longévité et du bonheur éternel, ont eu lieu sous la dynastie Han, au IIe siècle avant notre ère, lorsque les régions du nord et de l'ouest de la Chine ont pu être mieux connus grâce à l'ouverture de la Route de la Soie.
Elle réside dans un palais de jade situé sur le Kunlun céleste, lieu magique où pousseraient les herbes d’immortalité et les pêches de longue vie qui mûrissent tous les 3000 ou 9000 ans. Chef des immortelles, toutes les femmes aspirant à obtenir le Dao sont considérées comme ses disciples.