Par Stéphane Renard Fine Art
Ce très joli dessin provenant d’une collection privée parisienne est typique de la première manière d’Oudry pendant laquelle il réalise, encore sous l’influence de son maître Nicolas de Largillière (1656 – 1746), de très nombreux portraits.
1. Jean-Baptiste Oudry
Jean-Baptiste Oudry est né le 17 mars 1686 à Paris, rue de la Ferronnerie. Le 4 février de la même année son père Jacques Oudry avait été reçu à l’Académie de Saint-Luc en qualité de maître peintre. Il exercera toute sa vie en marge des cercles officiels en joignant à son activité de peintre celle de marchand de tableaux. Le jeune Jean-Baptiste commence vers 1705-1707 son apprentissage chez Nicolas de Largillière chez qui il restera pendant cinq ans.
Dès 1713 Oudry établit son « livre de raison » dans lequel il reproduit au lavis, et ce jusqu’en 1718, toutes ses œuvres de jeunesse. Durant cette première période d’environ 7 ans Oudry produit des œuvres d’une grande ...
... diversité, tant dans les genres que l’artiste aborde que dans les influences qui s’exercent sur lui. On estime qu’il peint durant cette période environ 150 tableaux : principalement des portraits, mais aussi des natures mortes et quelques peintures religieuses et paysages.
Sur la centaine de portraits qu’Oudry aurait réalisée pendant cette période une quinzaine seulement sont identifiés aujourd’hui, un certain nombre étant sans doute encore confondus avec des œuvres de Largillière.
D’abord reçu à l’Académie de Saint-Luc en 1708, il sera ensuite agréé à l’Académie Royale en 1717, puis reçu comme peintre d’histoire en 1719. Son morceau de réception l’Abondance présente une synthèse de tous les talents déployés pendant cette première période puisqu’Oudry peint avec autant d’aisance les fruits, les fleurs, les légumes, le paysage et les animaux.
Cette année marque un tournant à partir duquel Oudry va s’affirmer en tant que peintre animalier. La rencontre en 1723 de Louis Fagon, Intendant des Finances et du Marquis de Beringhen, premier écuyer du Roi, qui deviennent les amis et les mécènes de l’artiste lui permettent de bénéficier de commandes royales et d’être nommé en 1726 peintre de la Manufacture Royale de Tapisserie de Beauvais.
La création de tapisserie devient à partir de 1728 le cœur de son œuvre, même si en parallèle Oudry développe une activité d’illustrateur d’abord pour le Roman Comique de Scarron puis pour les Fables de La Fontaine.
Artiste prolifique, Oudry honore de très nombreuses commandes en parallèle de ses envois réguliers aux Salons auxquels il participe régulièrement jusqu’en 1753. Victime d’une attaque d’apoplexie en 1754 il décède l’année suivante.
2. Description de l’œuvre
Selon la formule typique des grands portraits d’apparat de la première moitié du dix-huitième siècle, le modèle est représenté à mi-corps, de face et accoudé à un piédestal. Il tient de sa main gauche une lettre. Un riche manteau à l’étoffe soyeuse est posé sur son épaule renforçant la magnificence du personnage qui se détache sur une colonnade classique.
Il est difficile d’établir avec certitude si ce dessin est préparatoire à un portrait peint ou au contraire le souvenir, le ricordo d’une œuvre exécutée antérieurement. Son style diffère assez sensiblement des autres portraits reproduits dans le « livre de raison » : l’exécution du lavis est beaucoup plus fine et l’étoffe qui drape le personnage est réhaussée par l’emploi du pastel. A noter dans les détails la coquetterie de la perruque, dissymétrique et ornée du coté droit d’un étrange nœud.
Il est très intéressant de rapprocher ce dessin d’un grand portrait (149 x 114 cm) exposé en 1983 lors de l’exposition monographique consacrée au peintre au Kimbell Art Museum de Fort Worth (Etats Unis d’Amérique) , alors dans une collection privée. Ce portrait a depuis été vendu à Paris chez Ader-Tajan, le 10 avril 1992 (pour l’équivalent de 77, 749 euros sans les frais).
Ce portrait est signé et daté de 1720, soit la toute fin de l’activité d’Oudry en tant que portraitiste. Alors qu’il reprend la composition générale de notre personnage (habit ouvert sur une écharpe de dentelle bouffante, main droite appuyé et main gauche ouverte vers la paume, vaste manteau qui drape le personnage), ce tableau introduit également de nombreuses variantes : la colonnade du fond a été remplacée par l’évocation d’un paysage luxuriant, le piédestal aux lourdes formes Louis XIV a été remplacé par une console Louis XV, la lettre a disparu etc.
Le visage du modèle dans ce tableau apparait un peu plaqué dans la perruque qui l’entoure et pourrait suggérer la réutilisation et l’adaptation au goût du jour (en particulier pour le mobilier) d’un modèle plus ancien, suggérant par la même une antériorité de notre dessin.
Un point commun transcende les différences entre les deux œuvres : la qualité de l’exécution des mains. Comme l’écrivait au sujet de ce tableau Hal Opperman dans le catalogue de l’exposition de 1983 : « les mains d’Oudry sont toujours ainsi : des doigts minces, l’articulation exagérée de la main ouverte, une peau douce traitée comme de l’émail ».
Nous avons découvert en ouvrant l’encadrement pour changer la Marie-Louise que ce dessin a été collé sur une page de papier fort qui pourrait provenir d’un livre de comptes. La nouvelle Marie-Louise rouge met particulièrement en valeur les rehauts de pastel qui animent l’étoffe dans laquelle est drapé notre modèle. Ce dessin est vendu encadré dans un cadre en bois sculpté et doré d'époque Louis XIV (dimension 28.3 x 22.3 cm).
Principales sources bibliographiques :
J.-B. Oudry catalogue de l’exposition des Galeries nationales du Grand Palais, Paris 1er octobre 1982 – 3 janvier 1983 par Hal Opperman – Editions de la Réunion des Musées Nationaux 1982
J.-B. Oudry 1686-1755 par Hal Opperman – Kimbell Art Museum 1983
Le dessin français au XVIIIe siècle Louis-Antoine Prat Edition Musée du Louvre/ Somogy éditions d’art mars 2017
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