Par Stéphane Renard Fine Art
DEMANDE D'INFORMATIONS
Ce dessin d’intérieur évocateur, exécuté dans les années 1830, nous transporte dans un monde disparu : le salon de la Princesse Charles de Prusse, née Marie de Saxe-Weimar-Eisenach, dans son palais de Berlin. Différentes vues nous permettent de suivre l’évolution de la décoration de cette pièce…
1. Les aquarelles d’intérieur
Les aquarelles d’intérieur peuvent être rattachées à deux traditions artistiques bien distinctes : la « conversation piece », et le croquis préparatoire des décorateurs.
Apparue en Angleterre vers 1730 sous le pinceau de William Hogarth (1697-1764), la conversation piece est un renouvellement de l’art du portrait par la représentation d’un groupe de personnages dans un paysage ou un intérieur, présenté avec une précision qui accorde presque autant d’importance au décor qu’aux personnages. Le but du croquis préparatoire, largement développé au XVIIIe siècle et particulièrement en France est tout autre ...
... puisqu’il s’agit au contraire de permettre à un commanditaire d’imaginer ce que pourrait être son intérieur revu au goût du jour, et ensuite de coordonner les différents corps de métier autour de ce même projet.
Apparue à la fin du dix-huitième siècle, l’aquarelle d’intérieur connaît son apogée dans la première moitié du XIXe siècle, avant de céder la place à la photographie à partir de 1860. Son propos est tout autre puisqu’il s’agit de fixer la mémoire d’un décor existant, décor qui devient le véritable sujet de la représentation dont est souvent bannie toute présence humaine. Représentation à l’origine profondément aristocratique, elle se répand dans la société bourgeoise et épanouie du XIXe siècle dont elle reflète les désirs matériels et la recherche du confort. Elle est ainsi à l’image de la vie d’une société aisée, cosmopolite, tissée de relations familiales ou amicales. Son développement suit celui d’une « civilité européenne » : Paris, les palais Russes ou Germaniques, la vie à Baden-Baden ou à Naples sont les lieux d’un même art de vivre qui jette ses derniers feux.
Restées généralement anonymes au début du XIXe siècle, leur développement amène l’apparition de peintres spécialisés qui signent généralement leurs œuvres. Wilhelm Schumann, l’auteur de notre aquarelle dont on connait également quelques scènes de genre à l’huile, est certainement l’un d’eux.
2. La Marquise de la Rochelambert, une aristocrate cosmopolite
Apollonie de Bruges voit le jour en 1803 à Berlin, où son père, le vicomte de Bruges, a émigré et s’est marié à Henriette, comtesse de Golowkin. De retour à Paris, elle se lie d’amitié avec Aurore Dupin, future Georges Sand, au couvent des Dames Augustines Anglaises, puis elle épouse, en 1822, le marquis de La Rochelambert, commandant de cuirassiers de la Garde Royale et gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi Charles X. Le jeune couple vit au domaine de Montretout, à Saint-Cloud.
En 1830, lorsque la Révolution de Juillet porte le duc d’Orléans sur le trône, la famille retourne à Berlin où elle est très favorablement accueillie à la cour royale. Le couple La Rochelambert ne retournera en France qu’en 1837.
Ce dessin, dont on peut imaginer qu’il constitue un cadeau fait par la Princesse de Prusse à la Marquise de La Rochelambert, provient d’un important album amicorum aujourd’hui démembré que celle-ci avait constitué pour retracer l’essentiel de sa vie à travers des souvenirs en tous genres : lettres, portraits, dessins …
3. Un palais disparu
Charles de Prusse (1801-1883) est le troisième fils du Roi Frédéric-Guillaume III (1770-1840). Ses deux frères ainés succèdent à son père sur le trône de Prusse et sa sœur Charlotte épouse le Tsar Nicolas Ier de Russie. Charles poursuit lui une carrière militaire et devient un grand collectionneur d’art et d’armures.
Il épouse le 26 mai 1827 la Princesse Marie de Saxe-Weimar-Eisenach (1808 – 1877), dont la sœur cadette Augusta devait épouser deux ans plus tard son frère aîné Guillaume (1797 – 1888), qui deviendra le 18 janvier 1871 Empereur d’Allemagne.
Après leur mariage les époux s’installent en 1829 dans l’Ordenspalais (le palais de l’ordre de Saint-Jean), également renommé Palais Prinz Karl, situé sur la Wilhemsplatz à Berlin qu’ils font remodeler dans un style néoclassique par l’architecte Karl Friedrich Schinkel. Devenu en 1933 le Ministère de la Propagande sous la direction de Joseph Goebbels, il sera détruit dans les derniers mois de la deuxième guerre mondiale.
4. Dans le salon de la Princesse
Trois pièces d’une grande opulence se succèdent en enfilade : un premier salon aux murs de damas rouge dont le sol est recouvert d’une moquette aux motifs chamarrés qui évoquent un décor persan, une deuxième pièce décorée dans un style néo-classique, et enfin un vaste jardin d’hiver dans lequel la statue d’une déesse de marbre blanc émerge d’une profusion de plantes vertes. Les sièges du premier salon, en bois noir faisant ressortir leurs ornements de bronze doré, sont recouverts d’un velours rouge également utilisé pour les rideaux de cette même pièce.
Deux éléments décoratifs attirent plus particulièrement le regard : sur la gauche un tableau représentant Judith et Holopherne, alors que sur la droite se trouve une étonnante vitrine en bois doré de style néo-classique dont les étagères sont inclinées.
On peut reconnaître dans ce tableau de Judith et Holopherne une reprise du chef d’œuvre de Christofano Allori (1577 – 1621). Une autre vue de ce même salon, récemment passée en vente, (visible sur www.stephanerenard-fineart.com) nous permet également de comprendre la disposition assez étonnante de la pièce, puisqu’une grille agrémentée de feuillages sépare un espace central légèrement surélevé, créant ainsi un espace plus intime.
Une troisième vue du même salon, conservée elle au Cooper Hewitt Museum de New York (visible sur www.stephanerenard-fineart.com), nous présente un état postérieur de la décoration de cette même pièce, devenue le bureau du prince Charles et redécoré dans un style plus austère. Elle nous permet de comprendre l’utilisation de cette curieuse vitrine d’angle qui servait à présenter des parures et des décorations.
La présence de ces bijoux dans la vitrine nous amène à formuler l’hypothèse que cette aquarelle serait peut-être restée inachevée car il nous semble étonnant que les étagères soient restées vides alors que le reste de la pièce est représenté dans ses moindres détails (comme par exemple les cale-portes qui retiennent les portes séparant ce salon rouge du suivant).
Pouvons-nous par exemple imaginer que la Princesse Marie voulant donner un souvenir à la Marquise de La Rochelambert alors que celle-ci s’apprêtait à repartir à Paris en 1837 lui aurait donné cette aquarelle encore inachevée ?
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