Par Stéphane Renard Fine Art
195 x 310 mm (encadré 405 x 495 mm)
Provenance :
Collection Dominique-Vivant Denon (cachet en partie effacé en bas à droite). Vente Denon le 1er Mai 1826
Collection Marquet de Vasselot – Vente du 28-29 Mai 1891 – lot numéro 157
Collection particulière londonienne
Laurin-Guilloux-Buffetaud vente du 4 avril 1974 – lot numéro 25
Ader-Picard-Tajan vente du 7 juin 1989
Galerie Gilbert Butler – New York (d’après une étiquette collée au dos)
Ce dessin, qui porte la signature « Fr Guardi », est inclus dans le catalogue raisonné des dessins de Guardi (Guardi – I designi) publié par Antonio Morassi sous le numéro 435 (reproduction numéro 433).
Dans ce dessin sans doute éxécuté à la fin de sa vie, Francesco Guardi (1712-1793) représente une vue en partie imaginaire des villas bordant le canal de la Brenta. Les villas le long de ce canal qui relie Venise et Padoue étaient un des lieux traditionnels de villégiature des familles aristocratiques ...
... vénitiennes. La longue succession des ventes dans lesquelles ce dessin apparaît nous permet de remonter jusqu’à son premier propriétaire connu, Dominique-Vivant Denon, qui l’a certainement acheté en Italie, soit lors de son long séjour vénitien (1786-1793), séjour contemporain de la réalisation par Guardi de ce dessin, soit pendant la période napoléonienne.
1. Francesco Guardi, un artiste protéiforme
Francesco Guardi nait dans une famille d’artistes : son père Domenico (1678 – 1716) est également peintre, comme le seront ses deux frères Gianantonio, dit Antonio (1699 – 1760) et Nicolò. Sa sœur Cecilia épouse le peintre Giovanni Battista Tiepolo.
Les historiens d’art estiment aujourd’hui que Francesco Guardi aurait peint ses premières vedute vers 1755 - 1756; la peinture de vedute constitue donc une deuxième étape dans sa vie de peintre, abordée alors qu’il a une quarantaine d’années. Ses premières vues de Venise sont peintes sous l’influence de Canaletto dont il a peut-être fréquenté l’atelier. La mort en 1760 de son frère qui avait jusque-là dirigé l’atelier familial, tourné largement vers la production de scènes religieuses et historiques, lui permet de s’épanouir dans ce genre pictural nouveau pour lui alors qu’il prend la tête de l’atelier, dans lequel le rejoindra son deuxième fils Giacomo (1764 – 1835). Francesco restera jusqu’à sa mort un peintre d’une grande fécondité, peignant avec une facilité et une rapidité extrême, qui expliquent le grand nombre de toiles (plus d’un millier) et de dessins qui constituent son corpus.
Les thèmes abordés par Guardi dans cette deuxième partie de sa vie sont multiples mais peuvent être classés en trois grandes catégories d’ailleurs assez perméables : à côté des vues de Venise, qui constituent la partie la plus connue de son œuvre tant dessinée que peinte, Guardi sera le grand illustrateur des fêtes vénitiennes et donnera un souffle nouveau au Caprice, genre pictural qui mêle représentations architecturales de fantaisie, souvent inspirées des sites de la lagune et scènes de genre.
Dans ses Vedute, Guardi réussit le tour de force de renouveler radicalement un genre dans lequel s’était épanoui Canaletto. S’éloignant de la réalité descriptive de son prédécesseur, il crée une vision nouvelle, pour ainsi dire magique. A rebours des tendances générales de l’art européen de son temps, marqué par l’avènement du néo-classicisme, Guardi développe pendant les trente dernières années de sa vie un style de plus en plus personnel, s’affranchissant peu à peu du cadre de la figuration stricte en privilégiant l’évocation.
2. Description de l’œuvre
Ce dessin reconnu par Antonio Morassi comme une œuvre autographe de Francesco Guardi constitue un unicum dans l’œuvre de l’artiste. Bien qu’il puisse s’apparenter aux autres dessins de villas vénitiennes exécutés à la demande de John Strange, il est vraisemblablement plus tardif et mêle éléments réels et éléments imaginaires.
Dans un coude de la Brenta nous apercevons sur la droite une importante villa palladienne et sur l’autre rive deux villas séparées par une sorte de nymphée, isolées de la route qui longe le canal par de hauts murs dans lesquels s’ouvrent trois portails monumentaux dont l’un est orné de statues.
Toute la magie de Guardi se retrouve dans la représentation de l’eau du canal, mouvante et souple, dans laquelle semble se refléter le ciel. Au milieu du canal avance le Burchiello.
Ce bateau était utilisé par les vénitiens les plus aisés pour se déplacer de Venise à leurs villas de campagne. Ces bateaux voyageaient à la rame de Saint-Marc à Fusina, d’où ils étaient ensuite tirés par des chevaux jusqu’à Padoue. L’absence de chevaux nous indique que le bateau est probablement en train de descendre le canal vers Venise. En avançant le Burchiello laisse sa trace dans les eaux du canal, trace éphémère saisie par le dessinateur avant qu’elle ne se referme.
Dans un détail amusant à l’extrême gauche du dessin, Guardi a représenté de manière elliptique une voiture à cheval, tiré par un seul cheval qui semble lancé en plein galop, comme pour prendre de vitesse le Burchiello.
La demeure sur la droite s’ouvre par un péristyle majestueux d’où s’échappe une volée de marche. La façade de la Villa ne semble pas correspondre à une villa existant mais plutôt à une évocation de deux fameuses villas qui bordent la Brenta : la Villa Foscari à Mira (surnommée la Malcontenta) et la villa Pisani (également appelée la Villa Nazionale) à Strà. Alors que le péristyle évoque la Malcontenta, les statues sur le fronton et les deux étages de fenêtres sont plus proches de la Villa Pisani.
3. La provenance Denon
Les dix dessins de Guardi que possédait Denon sont répartis sous trois numéros (en page 117 du catalogue) :
329 - Quatre très beaux dessins à la plume et au lavis, représentant divers points de vue de la ville de Venise
330 - Un dessin à la plume et au lavis représentant le Buccentaure, monté par le Doge de Venise pour faire la cérémonie d’épouser la mer
331 - Quatre paysages à la plume et au lavis.
Notre dessin faisait donc partie soit du lot 329 soit plus probablement du lot 331. Le dessin correspondant au lot 330 est aujourd’hui conservé au Musée des Beaux-Arts de Lille, qui l’a acquis en 1885 (Morassi 284/ reproduction 282) en revanche nous n’avons pas trouvé trace des sept autres dessins qui constituaient avec les Villas sur la Brenta ces deux lots.
Cette provenance Denon est confirmée par le catalogue de la vente de la collection Marquet de Vasselot, les 28 et 29 mai 1891 dans lequel notre dessin réapparaît sous le lot 157 avec une description beaucoup plus explicite : « GUARDI (François) – Canal avec Maison de plaisance – Plume et lavis – Vente DENON ».
Il semble possible d’un point de vue chronologique que Denon ait directement acheté ce dessin auprès de Francesco Guardi, même si aucun élément ne permet de confirmer cette hypothèse.
Nous avons réencadré ce dessin dans un cadre vénitien du XVIIIème siècle de type « Canaletto ».
Conditions générales de livraison :
Les prix indiqués sont les prix au départ de la galerie.
En fonction du prix de l'objet, de sa taille et de la localisation de l'acheteur nous sommes en mesure de proposer la meilleure solution de transport qui sera facturée séparément et effectuée sous la responsabilité de l'acheteur.