Par Stéphane Renard Fine Art
39.2 x 56.3 cm (Encadré : 52.5 x 71 cm)
Provenance : Sotheby's Londres, 7 décembre 1994, lot 165
Cadre guilloché en bois noirci – Italie XVIIe siècle
Alors qu’il n’est peut-être jamais allé lui-même à Venise, Louis de Caullery nous présente ici une sorte de caprice architectural représentant une scène de marché sur la Piazzetta à Venise. Ce tableau nous a séduit par la souplesse de sa représentation et par la richesse et la diversité des costumes qui mêlent personnages orientaux et vénitiens.
Si nous reconnaissons le palais des Doges et les deux colonnes de la piazzetta, le caractère parfaitement imaginaire de la ville représentée en arrière-plan et la lumière sourde typique des atmosphères nordiques nous amènent à émettre l’hypothèse qu’il s’agirait en effet d’une évocation de Venise créée dans son atelier d’Anvers, cet autre grand port cosmopolite en ce début du XVIIème siècle.
1. Louis de Caullery, des Pays-Bas ...
... Espagnols en Italie ?
Peu d’éléments sont connus sur la vie de Louis de Caullery. Il serait né à Caulery, une bourgade des environs de Cambrai entre 1579 et 1581. Il part très jeune pour Anvers où il devient de 1539 à 1594 l’élève du peintre Joos de Momper (1564-1635). En 1602-1603 il est reçu comme maître dans la guilde anversoise de Saint-Luc.
Louis de Caullery se spécialise dans la représentation de scènes animées, profanes ou religieuses, comportant de nombreux personnages. Le style de ses personnages présente une certaine affinité avec Frans Francken le Jeune, tandis que ses créations architecturales suggèrent l'influence de Hans Vredeman de Vries. La présence d’éléments architecturaux inspirés par les grandes villes italiennes a amené un certain nombre d’historiens de l’art à faire l’hypothèse qu’à l’instar de son maître Joos de Momper, Caullery se serait rendu en Italie mais aucune preuve n’a jamais été apportée à un tel voyage.
Le très grand nombre de tableaux attribuable à Louis de Caullery et à son entourage amène à penser qu’il devait avoir un assez vaste atelier à Anvers. Le tableau que nous présentons est assez caractéristique de ces œuvres d’atelier réalisées sous la supervision du maître qui mêlent des parties assez finement réalisées (la plupart des personnages du premier plan, y compris les deux chiens sur la droite !) à des personnages plus esquissés, le tout dans une architecture largement imaginaire. La souplesse de la représentation nous ferait dater cette œuvre de la dernière décennie de l’artiste (1610-1620).
2. Description et œuvres en rapport
Deux groupes dominent le premier plan central de notre scène : sur la gauche, deux personnages vêtus à l’oriental avancent en devisant ; sur la droite un jeune homme soulève son chapeau pour intervenir dans une conversation entre deux entre deux élégants. Les costumes de nos orientaux (et particulièrement celui du personnage de gauche) évoquent ceux des Rois Mages des Adorations de cette période. Il est possible que Caullery s’en soit inspiré, à moins qu’il n’ait utilisé comme source d’inspiration des planches de costumes fréquentes à cette époque, ou des orientaux croisés dans le port d’Anvers !
Les deux personnages à la robe rouge bordée d’hermine en arrière-plan sont certainement des sénateurs vénitiens, alors qu’une femme voilée de blanc sur la droite nous rappelle les liens économiques et culturels qu’avait Venise avec l’Empire ottoman.
Deux scènes de marché encadrent de part et d’autre cette scène principale. Nous trouvons sur la gauche plutôt des marchands de légumes. Derrière une paysanne assise au premier rang entre un panier de champignons et un panier d’oignons, trois marchands se tiennent dans leurs casemates construites au pied du campanile et abritées par un large auvent. La partie droite du tableau représente l’espace réservé aux étals de poissons. Plusieurs points lumineux répartis dans la composition attirent l’œil et font ressortir certains personnages. L’un d’eux, comme un véritable rayon de soleil, fait étinceler la robe d’une élégante qui s’avance au milieu de la foule tandis que derrière elle deux bateleurs montés sur les tréteaux d’un théâtre improvisé attirent l’attention des badauds qui se massent devant eux.
L’atmosphère de cette scène, ses couleurs assez sourdes et la présence de bateleurs en arrière-plan évoquent un autre tableau de Louis de Caullery, cette Scène de carnaval vendue en 2003 chez Tajan (8ème photo de la galerie). Mais la présence en toile de fond du palais des Doges et des deux colonnes qui bordent la Piazzetta du côté de la mer nous rappelle toutefois que nous sommes bien à Venise et non dans les Flandres. L’attrait du public flamand pour les représentations des grandes villes italiennes a amené Louis de Caullery à situer plusieurs de ses compositions en Italie et il s’est vraisemblablement là encore appuyé sur des sources imprimées (estampes et récits de voyage) pour créer ces paysages imaginaires, dont un très bon exemple est la Vue de la Place Saint-Pierre à Rome pendant l’élection du Pape Clément VIII en 1592 (9ème photo de la galerie).
3. Encadrement
Nous avons encadré notre tableau dans un cadre italien guilloché en bois noirci (à l’imitation des cadres hollandais) du XVIIème siècle.
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