Par Stéphane Renard Fine Art
124 x 178 mm (encadré 31 x 42.5 cm)
Ce dessin à sujet mythologique provenant de la collection de Sir Joshua Reynolds a longtemps été attribué à Pietro da Cortona, comme en témoignent les inscriptions au bas et au verso. Alors que le cachet de collection italienne (antérieur à celui de Reynolds) suggère que ce dessin a bien été réalisé en Italie au XVIIème siècle, il nous semble beaucoup plus proche des dessins réalisés à Rome dans l’entourage de Simon Vouet. Sa facture qui repose sur de nombreuses hachures, annonciatrices du travail du burin, et sa lumineuse composition nous amènent à suggérer une attribution à Claude Mellan, qui se lie à Vouet lors de son arrivée à Rome en 1624.
1. Le séjour dans l’atelier de Vouet, une phase importante dans la formation de Claude Mellan
Claude Mellan naît le 23 mai 1598 à Abbeville où son père exerce le métier de chaudronnier planeur de cuivre. En 1615, à l’âge de 17 ans il est mis en apprentissage ...
... chez Jean V Leclerc, un médiocre graveur parisien. Neuf ans plus tard, en 1624, il part pour Rome grâce au soutien du savant provençal Nicolas-Claude Fabri de Peiresc.
Entré en rapport avec le graveur Francesco Villamena (qui décède deux mois après son arrivée à Rome), Mellan se lie très rapidement avec le peintre Simon Vouet, alors au sommet de sa réputation à Rome grâce à sa récente nomination à la direction de l’Accademia de San Luca. Simon Vouet et Gian Lorenzo Bernini (dit Le Bernin) seront les deux grands maîtres de Mellan dans l’apprentissage du dessin, étape essentielle pour celui qui souhaite se consacrer entièrement à la gravure au burin. Vouet pousse en particulier Mellan dans la pratique du portrait dessiné ; comme le notait Mariette «il lui recommanda avant tout de dessiner et de soumettre à cette étude toutes les autres, persuadé, et avec raison, que cette partie qui est le fondement de la peinture le doit être aussi de la gravure » .
Vouet lui confie la reproduction en gravure de quelques-unes de ses œuvres et le succès de ces estampes consacre Mellan comme un graveur reconnu, lui permettant de rester à Rome au départ de son maître en 1627, grâce à des commandes prestigieuses comme l’interprétation par la gravure de quelques sculptures de la Galleria Giustianiana.
En 1636 Claude Mellan quitte à son tour Rome, passe par Gênes, et rentre en France. Il se rend à Aix-en-Provence chez son ancien protecteur le savant Peiresc, où il arrive au début du mois d'août. C’est chez Peiresc qu’il réalise trois estampes fameuses représentant trois vues des phases de la lune, observées sous la direction de Pierre Gassendi à travers un télescope fourni par Galilée.
Logé au Louvre à partir de 1642, Claude Mellan y reste jusqu'à sa mort en 1688. Il renoue avec son ancien maître Simon Vouet dès son installation à Paris. C’est en 1649 qu’il grave son estampe la plus connue, la Sainte Face, dans laquelle il reproduit le visage du Christ miraculeusement apparu sur le linge que lui a tendu Sainte Véronique en modulant la largeur d’un seul et même trait de burin concentrique partant de la pointe du nez.
2. Description du dessin
Représenté assis sur une sorte de balustrade ornée d’un vase, un satyre (reconnaissable à ses jambes de cheval) regarde avec une certaine concupiscence une nymphe assise en face de lui à même le sol, vraisemblablement au pied d’un arbre. Tous deux sont coiffés de pampre.
Alors que le dos de la nymphe et le torse du satyre sont exécutés avec une grande délicatesse grâce à des petits traits précis, l’écorce de l’arbre, le pelage des jambes du satyre, mais aussi le ciel sont évoqués par des traits plus larges, assez souples. La technique du dessin évoque tout particulièrement l’art de Claude Mellan en tant que buriniste : celui-ci recourt en effet à « une syntaxe qui rejette le croisement des tailles et qui se fonde exclusivement sur la variation de l’épaisseur des lignes, autant que sur la fluidité de leurs courbes, cherchant à créer une illusion d’optique qui permette de restituer par le simple partage des noirs et des blancs une « tonalité spatiale » : toute scène est ainsi plongée dans un bain de lumière censé donner le sentiment de la couleur ».
3. Œuvres en rapport
Si Claude Mellan est surtout connu pour ses estampes, il fut également un dessinateur important. La plupart des dessins de Claude Mellan parvenus jusqu’à nous sont des portraits même s’il existe également quelques rares compositions comme celle que nous proposons. Examinons maintenant quelques dessins sur lesquels nous nous sommes appuyés pour cette attribution.
Deux dessins de composition conservés au Musée du Louvre nous semblent particulièrement intéressants pour leurs similitudes techniques. Nous retrouvons par exemple les hachures assez larges des jambes du satyre dans le cou et le toupet surmontant la tête de l’âne de la Fuite en Egypte (4ème photo de la galerie).
La représentation de la nymphe dont les jambes sont enroulées dans un drap et le traitement de l’écorce sur la droite nous semblent pouvoir être mis en parallèle avec la Sainte-Marie Madeleine (qui a également la particularité d’avoir du fait de l’essai de raccourci un pied plus grand que l’autre - 5ème photo de la galerie !).
De manière peut-être plus anecdotique, il nous semble que les visages de nos deux personnages peuvent également être mis en relation avec deux œuvres de Mellan, conservées cette fois-ci au NationalMuseum de Stockholm. Il nous paraît intéressant de rapprocher la tête du satyre du Portrait du doge de Gênes (7ème photo de la galerie), et le profil perdu de la nymphe coiffée de pampre de la Tête coiffée d’un turban (dernière photo de la galerie).
4. Provenance et encadrement
Bien que non identifiée, la marque présente en haut à droite sur le recto de notre feuille est considérée être celle d’une collection d’Italie centrale au milieu du XVIIème siècle, ce qui nous amène à penser que notre dessin aurait vraisemblablement été réalisé lors du séjour de Mellan à Rome, entre 1624 et 1636.
Notre dessin se retrouve ensuite dans la collection de Sir Joshuah Reynolds, le chef de l’école anglaise du XVIIIème siècle et sans doute le meilleur collectionneur de dessins parmi les peintres de son temps.
Notre dessin est encadré dans un cadre bolonais du XVIIème siècle à profil renversé en bois sculpté et doré, décoré de rinceaux.
Principales références bibliographiques :
Claude Mellan l’écriture de la méthode - catalogue de l’exposition organisée au Musée Jenish de Vevey du 30 octobre 2015 au 7 février 2016
Louis-Antoine Prat – Le dessin français au XVIIème siècle – musée du Louvre / Somogy éditions d’art, Paris 2013
Jacques Thuillier / Barbara Brejon de Lavergnée / Denis Lavalle – Vouet - catalogue de l’exposition organisée aux Galeries nationales du Grand Palais du 6 novembre
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