Par Franck Baptiste Paris
Portrait présumé d’Elisabeth Thérèse de Lorraine par Pierre Gobert et son atelier.
Important portrait allégorique taille nature à mi-jambes de la princesse de la maison de Lorraine, représentée en déesse de la source.
Sur fond d’un paysage rocheux, la jeune femme est portraiturée debout, vêtue d’une ample robe de satin blanc aux reflets gris-argentes et enveloppée dans une large étole rose.
Les cheveux abondamment poudrés et partiellement relevés encadrent son visage oblong aux larges yeux gris clairs, un nez allongé et des lèvres carmin. Ses joues abondamment rosies contrastent avec sa teinte fraiche. Elle fixe directement le spectateur avec assurance et confiance.
Outre l’ornement de quelques fleurs, la jeune femme ne porte pas de bijoux, afin d’être en harmonie avec la nature.
Elle s’appuie de son bras droit sur une jarre d’où s’écoule l’eau, tandis qu’elle indique de sa main gauche les iris qui se déploient a ses côtés.
Loin des ...
... toilettes de cour habituelles, les draperies roses et blanches constituent ici un costume de fantaisie, qui place la princesse dans une composition hors du temps dans le rôle de nymphe des eaux.
Les étoffes flottantes enveloppent la figure de la jeune femme et apportent du dynamisme à la composition tandis que la palette de couleurs pastel associée aux fonds d’un environnement naturel rendent l’œuvre plus intimiste et rompent avec la tradition des portraits d’apparats statiques aux lourdes draperies, robes de brocart et innombrables bijoux.
La délicatesse et la légèreté de son costume antiquisant modulé dans une palette douce, les reflets argentés de la robe blanche s’accordent dans une belle harmonie aux nuances rosées de l’écharpe, et contrastent avec le ciel chargé en l’arriere plan.
Le choix de se faire portraiturer en nymphe des eaux est évidemment dicté par la mode en ce début du XVIIIeme siecle afin de souligner le charme et l’élégance naturelle du modèle. Cependant notre artiste s’efforce à nous offrir un portrait empreint de la personnalité de la princesse, car l’eau coule doucement, mais peut rapidement se transformer en flot menaçant, cette force tranquille du caractère est perceptible dans les traits habsbourgiens de la jeune femme, lui venant de son père.
Très bel état de conservation.
Pierre Gobert et atelier, vers 1730
Huile sur toile, dimensions : h. 138 cm x l. 104 cm
Important cadre d’époque Régence en bois doré à décor de coquilles et fleurs stylisées.
Dimensions avec cadre h. 165 cm x 130 cm
Les œuvres par Pierre Gobert en rapport:
Portrait de femme en source, Dépôt musée du Louvre, Hôtel Matignon
Portrait de Louise-Hyppolite en source, Princesse de Monaco, Palais princier,
Portrait de Louise-Diane d’Orleans, princesse de Conti, vers 1735, Château de Versailles
Pierre Gobert (1662-1744)
Fils de Jean Gobert, sculpteur du Roi, petit-fils de Jean Gobert l’ainé, menuisier sculpteur, frère de Jean Gobert dit « peintre ordinaire du Roi » Pierre Gobert serait né à Paris ou à Fontainebleau en 1662. Formé peut-être au contact de Claude Lefèvre, il aurait travaillé dès 1679 pour la cour de Bavière, en réalisant le portrait de Marie-Anne, future dauphine de France. Renouvelant sa confiance à l’artiste, celle-ci commande à Versailles le portrait de son fils le duc de Bourgogne en 1682. Reçu à l’académie de peinture le 24 septembre 1701, avec les portraits de Corneille van Clève et de Bon Boullogne, Pierre Gobert expose quinze portraits au salon de 1704, et démontre son accès privilégié à la cour : parmi ces portraits figurent celui de la duchesse du Maine et du petit duc de Bretagne, futur Louis XV. Grâce à cette réputation, et sans doute grâce à l’entremise d’Elisabeth-Charlotte, Gobert fut approché par la cour de Lorraine en 1707, afin de réaliser le portrait des ducs de Lorraine, d’Elisabeth – Charlotte d’Orléans et des quatre princesses. Il est probable que Gobert développa un atelier à cette période, puisqu’il semble avoir opéré des allers et retours entre Paris et la Lorraine, et même fait envoyer des portraits depuis Paris. Gobert obtint ainsi le titre de peintre ordinaire du duc de Lorraine, et continua de livrer des portraits à la cour, notamment en 1719 et en 1721. Il participa ainsi au rayonnement artistique de la cour de Lunéville, qui cherchait à s’inscrire dans le sillage de Versailles.
De retour à Paris, fort de cette prestigieuse introduction dont il se prévaudra en arborant le titre de «peintre ordinaire du duc de Lorraine », Gobert travailla ensuite pour les Condé et les Conti, et pour le prince-Électeur Max Emmanuel de Bavière. En 1737,le peintre brillait une ultime fois en présentant au Salon l'un de ses portraits les plus ambitieux, celui de la famille du duc de Valentinois (Monaco, palais princier). Par le choix de ses attitudes un peu figées, par la disposition affectée et gracieuse des doigts de ses modèles féminins, par l'emploi de travestissements historiés, par le type dépersonnalisé et flatteur de ses visages résolument placides, Gobert était parvenu à créer grâce à son travail acharné et reconnu, un style qui tranchait avec les œuvres de Largillierre et de Rigaud, ses contemporains.
Élisabeth-Thérèse de Lorraine, née à Lunéville le 15 octobre 1711, sœur de l'empereur François Ier du Saint-Empire, devint reine de Sardaigne par son mariage avec Charles-Emmanuel III de Sardaigne.
Elle est la neuvième enfant du duc Léopold Ier de Lorraine et d'Élisabeth-Charlotte d'Orléans, et fut à un moment envisagée comme épouse de Louis XV et ensuite du Duc d'Orleans.