Par Stéphane Renard Fine Art
DEMANDE D'INFORMATIONS
Nous tenons à remercier Madame Hattula Moholy-Nagy qui a aimablement confirmé l'authenticité de cette œuvre sur la base de photographies numériques.
333 x 210 mm (encadré 40 x 54.5 cm)
Ce dessin expressionniste de László Moholy-Nagy, récemment redécouvert, fait partie d'un petit groupe de dessins réalisés par l'artiste au début de sa carrière, à Vienne et à Berlin. L'utilisation de courbes entrelacées, typique de la technique de l'artiste, donne à ce portrait hiératique un rayonnement magnétique, tandis que l'absence de tout lien avec le reste du corps évoque une Sainte Face profane.
1. De la Hongrie à Chicago, la vie ardente de László Moholy-Nagy
Moholy-Nagy naît à Borsod, aujourd'hui Bácsborsód, dans le sud de la Hongrie, en juillet 1895. Il étudie le droit à Budapest en 1913, date à laquelle il est appelé dans l'armée austro-hongroise pour servir comme officier d'artillerie sur les fronts italien et russe. Dans les postes d'observation ...
... de l'artillerie, Moholy-Nagy réalise de nombreux dessins, témoignant de son expérience traumatisante de la guerre, au dos de cartes postales militaires qu'il pouvait facilement emporter avec lui. En 1917, il est gravement blessé et hospitalisé. L'année suivante (vers 1918, à l'âge de 23 ans), il abandonne son projet de devenir avocat au profit d'une carrière d'artiste, avec les encouragements de son ami, le critique d'art Iván Hevesy.
Les dessins exécutés au cours de ces premières années révèlent les puissants traits expressionnistes de Moholy-Nagy. Dans son autobiographie de 1944, Abstract of an Artiste, Moholy-Nagy explique son style figuratif précoce en écrivant que l'art contemporain de l'époque était trop chaotique et que tous les "-ismes" étaient incompréhensibles et déroutants pour lui. Il expérimente cependant des compositions dadaïstes dès 1919 et s'installe ensuite à Vienne, puis à Berlin, où il réalisera bientôt ses premières œuvres dans son style constructiviste du début des années 1920.
À Berlin, il rencontre la photographe et écrivain Lucia Schultz, qui deviendra sa femme l'année suivante. En 1922, il rencontre Walter Gropius. Pendant des vacances sur le Rhône avec Lucia, elle l'initie à la réalisation de photogrammes sur du papier photosensible. Walter Gropius l'invite à enseigner au Bauhaus de Weimar en 1923, où il remplace Paul Klee à la tête de l'Atelier du Métal. Le Bauhaus est réputé pour la polyvalence de ses artistes et Moholy-Nagy ne fait pas exception : tout au long de sa carrière, il maîtrise les domaines de la photographie, de la typographie, de la sculpture, de la peinture et du dessin, de la gravure, du cinéma et du design industriel.
En 1928, Moholy-Nagy quitte le Bauhaus et crée son propre studio de design à Berlin. Il se sépare de sa première femme Lucia en 1929. En 1931, il rencontre l'actrice et scénariste Sibylle Pietzsch. Ils se marient en 1932 et ont deux filles, Hattula (née en 1933) et Claudia. Après l'arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne en 1933, il n'est plus autorisé à y travailler. Il déménage sa famille à Londres en 1935. En 1937, sur la recommandation de Walter Gropius, Moholy-Nagy s'installe à Chicago pour devenir le directeur du New Bauhaus, mais l'école ferme en 1938. Moholy-Nagy reprend ses activités de design commercial, qu'il poursuivra jusqu'à la fin de sa vie.
En 1939, Moholy-Nagy ouvre l'école de design de Chicago, devenue en 1944 l'Institut de Design puis intégrée à l'Institut de Technologie de l'Illinois en 1949. Atteint de leucémie en 1945, Moholy-Nagy meurt de cette maladie à Chicago en 1946.
2. Description de l'œuvre
Ce dessin nous livre la représentation frontale d'un homme d'une trentaine d'années, dont le regard pénétrant semble nous dévisager. Ce visage, très symétrique, est modelé par des lignes noires courbes. Le front très haut et la pupille gauche légèrement dilatée renforcent son caractère expressif.
Comme la Sainte Face qui apparaissait sur le linge tendu pour essuyer le visage du Christ par Sainte Véronique, seul le visage du modèle est représenté sur la pièce de carton. Les lignes courbes qui définissent le visage, creusant les tempes, les paupières, les joues et le pourtour de la bouche, créent une sorte de rayonnement magnétique autour d'un point médian situé entre les sourcils.
A certains égards, ce visage peut d’ailleurs évoquer l'une des représentations les plus célèbres de la Sainte Face : l'extraordinaire gravure de Claude Mellan (1598 - 1688) qui a été gravée d'une seule ligne tournante partant du bout du nez du Christ (dernière photo de la galerie).
3. Œuvres en rapport
La technique de ce dessin, basée sur l'utilisation de courbes entrecroisées, évoque d'autres portraits réalisés par l'artiste dans les années 1918 - 1920, à commencer par son autoportrait réalisé en 1918 (vendu par Sotheby's Londres pour 145 200 £ le 23 juin 2010 - 5ème photo de la galerie).
Généralement dessinés au crayon de cire, parfois au fusain ou à la mine de plomb, les quelques portraits que nous avons pu retrouver dans les catalogues de vente n'ont pas le caractère hiératique de celui que nous présentons : le modèle est généralement représenté de trois quarts, à mi-buste.
Nous n'avons pas été en mesure d'identifier le modèle de notre portrait. La moustache étroite et les cheveux aplatis sont typiques des canons masculins des années 1920, comme on peut le voir, par exemple, dans ce portrait photographique d’Herbert Bayer (1900 - 1985), que Moholy-Nagy a réalisé quelques années après notre portrait (6ème photo de la galerie).
4. Encadrement
Nous avons choisi pour encadrer ce portrait un cadre plat du début du XXème siècle en bois noirci et jonc en noyer qui confirme le caractère hiératique de ce portrait tout en lui apportant une certaine sophistication.
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