Paysage rocheux avec des arbres et les ruines d’un temple, un dessin de Giulio Parigi

... artistes nordiques, librement inspirés du paysage réel de Tivoli.

1. Giulio Parigi, un artiste aux multiples talents au cœur de la vie artistique de son époque

Giulio Parigi naît à Florence le 6 avril 1571. Il est le fils d'Alfonso di Santi Parigi, originaire de Prato, et d'Alessandra di Berto Fiammeri. Formé par son père architecte et son grand-oncle Bartolomeo Ammannati, il est rapidement intégré au milieu artistique de la cour, travaillant dès son plus jeune âge sous la direction de Bernardo Buontalenti, avec qui il collaborera plus tard en tant que décorateur et dessinateur. En 1594, il est inscrit à l'Académie de dessin en tant que "peintre" ; en 1597, il est pensionné par la Cour grand-ducale.

À partir de 1613, Giulio Parigi travaille intensément en tant qu'ingénieur civil pour le compte du Grand-Duc ce qui l’amène à se rendre à Rome en 1616. A son retour à Florence, Parigi est le vainqueur du concours lancé par Cosimo II pour l'agrandissement du palais Pitti ; il commence par édifier la "Grotticina di Vulcano" dans les jardins de Boboli (1617) et pose la première pierre de l'aile nord du palais le 29 mai 1620. Parigi conserve la direction des chantiers jusqu'en 1633, date à laquelle lui succéde son fils Alfonso, qui poursuivit l'agrandissement selon les instructions de son père.

Dans la production graphique de Giulio Parigi et des graveurs de son entourage, nous trouvons un grand nombre d’illustrations des fêtes et des représentations théâtrales de la cour des Médicis qui témoignent de la prééminence de la Cour sur la vie publique florentine. Architecte et scénographe, graveur et dessinateur, Giulio Parigi est l'un des exemples les plus convaincants de la relation entre ces réalisations éphémères liées au théâtre ou aux grandes fêtes et le langage maniériste, fortement influencé par les courants nordiques présents dans la culture artistique de la Florence grand-ducale.

Avec la formation de la célèbre Accademia, Giulio Parigi réunit autour de lui un nombre important d'élèves : outre Jacques Callot , nous pouvons citer ses fils Alfonso et Andrea , Antonio Cantagallina , et des artistes comme Giovanni da S. Giovanni et, pendant un certain temps, Stefano della Bella, Baccio del Bianco ou Agostino Tassi.

Giulio décède à Florence le 13 juillet 1635 et est enterré dans la chapelle de l'église de S. Felice in Piazza qu'il avait conçue.

2. Sujet et identification de notre dessin

La feuille, en bon état de conservation, montre une forêt d'arbres aux troncs complexes et noueux, dont le feuillage clairsemé est évoqué par des hachures obliques et parallèles. Le sol est constellé de blocs rocheux, également modelés par des hachures. La composition est fermée à gauche par un entablement rocheux, qui court le long du bord. Cet expédient scénographique est caractéristique des décors scéniques destinés à des représentations théâtrales, tandis qu'à droite un tronc s'incurve, avec une physionomie typiquement nordique.

L'espace est habilement structuré en plusieurs plans : du premier, contrasté et fortement en clair-obscur, on passe à une clairière plate, claire et lumineuse, au-delà de laquelle s'élèvent des monticules rocheux aux profils aigus, dessiné d'un seul trait de plume à l'encre brune, qui ponctuent le paysage et donnent une vibrante sensation de mouvement. Au-dessus des rochers s'élèvent les ruines d'un ancien temple dont les six colonnes de la cella indiquent la forme ronde d'origine.

Ce temple est librement inspiré de celui de la Sibylle (ou de Vesta) à Tivoli, situé au-dessus de l'éperon rocheux accolé à l'ancienne acropole de Tibur qui domine la vaste vallée de l'Aniene. Les artistes flamands Paul Bril (1554-1626) et Jan Brueghel l'Ancien (1568-1625) furent les premiers à être fascinés par la puissance et le mystère de ce lieu, où les éléments naturels, impétueux et pittoresques, se fondent dans le paysage.

Dans la clairière du premier plan en bas à droite, avec une calligraphie fine et anguleuse exécutée à la pointe de la plume, l'auteur laisse l'inscription suivante : "Di Flaminio Giuletto/ Venari Saturn [ale ?]". Si la seconde partie, difficile à déchiffrer, pourrait faire référence à une représentation théâtrale (peut-être exécutée à l'époque des festivités hivernales connues sous le nom de Saturnales ?), la première partie est une référence claire à la manière nordique qu’a Giulio de représenter les paysages, qui, en le distinguant de ses contemporains florentins, lui avait valu le surnom de "flamand".

Selon toute vraisemblance, notre feuille a été exécutée, vraisemblablement autour de 1615, lors d'une séance à l'Accademia, comme un test d'habileté sur un thème naturaliste qui adhérait au goût pour le fantastique transposé dans le monde réel en utilisant un langage artistique moderne, inspiré par les peintres nordiques. Il est possible que ce dessin ait été destiné à la gravure, comme en témoignent les hachures parallèles du ciel parsemé de nuages.

Notre dessin peut être rapproché de deux dessins de l’artiste conservés aux Offices. Dans le Paysage toscan, nous retrouvons cette manière caractéristique d’entourer le paysage par des éléments dessinés sur les côtés, l’utilisation de larges traits parallèles pour rendre les ombres, tandis qu'à l'arrière-plan le village est évoqué légèrement à la plume.

Dans le Paysage avec une ferme, nous retrouvons le même traitement des arbustes représentés entrelacés, marqués par des traits de plume nerveux, le feuillage légèrement esquissé. Comme dans notre dessin, le sol est accidenté, et un village aux contours anguleux dessiné d’une plume légère apparaît à l'arrière-plan.

3. Encadrement

Notre dessin est proposé dans un cadre en merisier doté d’un décor très original à base d’écailles de pomme de pin. Datable du début du XIXème siècle, Datable du début du XIXème siècle, il provient vraisemblablement du Nord de l’Italie.