Par Galerie Léage
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Ce petit tableau de forme rectangulaire, en feuille d’étain estampée, rehaussée d’or et d’argent et aquarellée représente une vue du Palais Bourbon, qui accueille aujourd’hui l’Assemblée nationale. Au premier plan, la Seine est agrémentée de nombreuses embarcations qui précèdent le quai, surplombé d’un jardin fait de parterres se prolongeant dans la partie centrale et formant ainsi un axe légèrement décentré à la composition. De part et d’autre, les deux façades « à l’italienne », de plain-pied, des palais Bourbon sur la gauche et de l’hôtel de Lassay sur la droite, anticipent les multiples cours aménagées dans les années qui précèdent cette œuvre de Compigné.
En effet, si le palais Bourbon tout comme l’hôtel de Lassay furent construit entre 1722 et 1728, des ailes furent ajoutées à la demande du Prince Louis-Joseph de Bourbon-Condé à partir de 1768 autour de la cour du palais Bourbon se prolongeant vers l’ouest à l’arrière ...
... de l’hôtel de Lassay en petits appartements dont l’extrémité en forme d’hémicycle est bien visible sur la partie droite de ce Compigné.
À l’arrière-plan, le quartier de la plaine Saint-Germain est encore peu construit mais on distingue la silhouette dorée caractéristique du dôme des Invalides, construit entre 1671 et 1706, par l’architecte Libéral Bruand (vers 1636-1697) et sur la droite les bâtiments de l’École Militaire alors en cours de construction (1751-1780).
L’ensemble de la composition est animé de petits personnages naviguant sur les bateaux, se promenant sur les quais de Seine ou les jardins, d’autres circulant dans les cours des hôtels particuliers. Toute la subtilité de la technique de Compigné se déploie ici, associant à la polychromie de l’aquarelle un subtil travail de micro-gravure de la plaque d’étain, qui souligne
quasiment chaque détail de l’élévation des palais, murs et embarcations. L’ensemble est ensuite rehaussé d’or et d’argent, ajoutant ainsi à la finesse et à la préciosité de l’œuvre.
Celle-ci se poursuit par un encadrement aquarellé à motifs de rinceaux feuillagés vert sur fond étain estampé argenté, encadré de frises de rinceaux feuillagés blancs sur fond vert, souligné d’un filet or sur fond guilloché.
Le palais Bourbon et l’hôtel de Lassay
Le palais Bourbon et l’hôtel de Lassay furent édifiés simultanément, de 1722 à 1728, sur des terrains acquis par la duchesse de Bourbon, Mademoiselle de Nantes, fille légitimée de Louis XIV et de Madame de Montespan, qui avait épousé Louis III de Bourbon-Condé, duc de Bourbonnais et sixième prince de Condé en 1720 et dont elle céda une partie à son amant, le marquis de Lassay. Suivant le parti architectural dit « à l’italienne », les deux bâtiments étaient construits de plain-pied entre cour et jardin.
Après la mort de la duchesse, le palais fut acquis par Louis XV qui le céda en 1764 au prince de Condé. Celui-ci confia à Antoine Matthieu Le Carpentier puis à Claude Billard de Bélisard de vastes travaux d’agrandissement : la cour d’honneur fut entourée de bâtiments prolongés à l’ouest jusqu’à l’Hôtel de Lassay, qui avait été racheté en 1768 aux héritiers du marquis.
Les Petits appartements adossés aux remises et écuries furent construits en 1771 et 1772 pour Louise-Adelaïde, l’une des filles du Prince de Condé. De ceux-ci, Mme d’Oberkirch, après la visite qu’elle fit en 1784, a écrit : « c’est un bijou, M. le Prince de Condé en a fait le plus joli colifichet du monde. » Le palais avait alors une forme vaste dans le style du Grand Trianon à Versailles et proche de l’hôtel de Lassay, construit simultanément et auquel il fut bientôt rattaché par une galerie. Il demeura la propriété des princes de Condé, ducs de Bourbonnais, jusqu’à la Révolution française. Sous la Restauration, le prince de Condé voulut récupérer son bien. Il reprit possession de l’Hôtel de Lassay mais fut obligé de louer le Palais transformé en hémicyclique à la chambre des députés « par un bail de 3 ans ». L’État devint définitivement propriétaire du Palais Bourbon en 1827 et de l’Hôtel de Lassay en 1843.
Les tableaux en Compigné
D’une grande préciosité et variété de matériaux, les tableaux en Compigné étaient réalisés selon un procédé mystérieux à partir d’une feuille d’écaille de tortue ou de papier cartonné sur laquelle était appliquée une feuille d’étain ou d’or. La surface pouvait ensuite être décorée à l’or, à l’argent, à la gouache et aux vernis colorés. Ces « miniatures » connues aujourd’hui sous le nom de Compigné, eurent un très grand succès dans les années 1760. Le petit format,
caractéristique de cette production, nécessitait de travailler avec une extrême précision, probablement à l’aide d’une loupe, pour développer le perfectionnement des détails techniques et des coloris.
Thomas Compigné
Arrivé d’Italie probablement vers 1750, Thomas Compigni prit le nom de Compigné en s’installant à l’enseigne du Roi David, rue Greneta à Paris. En tant que tabletier, il était spécialisé dans la fabrication et la vente de boîtes, de jeux de trictrac, de dames et d’échecs, de tabatières et autres poignées de canne en écaille blonde incrustées d’or. Réputé pour la qualité de ses objets, il passa à la postérité par la production de tableaux précieux dont la technique reste aujourd’hui mystérieuse. En 1773, il présenta au Roi deux vues du château de Saint- Hubert et obtint le titre de tabletier privilégié du roi sous Louis XV et sous Louis XVI. Ses thèmes de prédilection sont le plus souvent des vues de villes, monuments et châteaux dans des perspectives de parcs ou de paysages animés de petits personnages.
Bibliographie
Anita Semail, « Ces délicats chefs-d’œuvre de la tabletterie au XVIIIe siècle : Les Compigné et leurs créateurs », Plaisir de France, n° 427, mars 1975.
Ouvrage collectif, Compigné, peintre et tabletier du Roy, catalogue d’exposition., Grasse, Villa- Musée Jean-Honoré Fragonard, juin-juillet 1991.
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