Par Galerie Léage
France, début du XVIIIe siècle
Bois, verre, verre églomisé
De forme rectangulaire à doubles encadrements, ce miroir est composé d’un cadre en bois sculpté, guilloché et doré, entouré de plaquettes de verre églomisé disposées en biseau créant une forme polygonale à fond noir se dégageant sur les plaquettes à fond vert insérées dans un encadrement en bois noirci. Un décor de volutes fleuries vertes à fleurettes rouges agrémente les plaquettes à fond vert répondant aux volutes jaunes et blanches des plaquettes à fond noir.
Des fleurs et volutes en reliefs viennent ponctuer ces plaquettes en leurs extrémités.
Le verre églomisé
Apparue dès l’époque romaine, la technique de l’églomisé est une catégorie particulière de la peinture sur verre qui connut un vif succès sur une très courte période à la toute fin du XVIIe siècle et au tout début du XVIIIe siècle, avant de redevenir à la mode à la fin du XVIIIe siècle. Elle consiste à ...
... décorer une plaque de verre sur son revers travaillé, au moyen de dorure ou de différentes couleurs. Les contours des motifs sont dessinés avec un crayon d’agate, puis le décor est appliqué. On ne le fixe pas à la chaleur mais on le protège par une autre plaque de verre, une couche de vernis ou une couche de tain.
Le procédé fut employé de nombreuses fois au Moyen Âge et à la Renaissance. Pourtant, il tire son nom d’un Français, Jean-Baptiste Glomy (1720 ? – 1786), encadreur, qui se fit une spécialité de cadres ornés de feuilles de verre dépassant les petites dimensions auxquelles étaient habituellement réservée cette technique.
La technique de la peinture sous verre, ou plutôt à travers le verre devrait-on dire puisque le sujet est vu en transparence, est en elle-même déjà un énorme défi puisque non seulement l’artiste est obligé d’inverser le processus de création, c’est-à-dire de l’avant-plan vers l’arrière-plan, ou encore des éléments de détails vers le fond mais l’erreur n’est pas autorisée car impossible d’apporter au sujet sur verre une quelconque correction.
L’origine de cet engouement sous Louis XIV pour les verres églomisés répond probablement à la volonté des artisans d’imiter les décors en écaille à la manière d’André-Charles Boulle, qui étaient alors particulièrement prisés. Objets d’exception dont le prix très élevé les destinaient aux demeures princières ou à celles des grands seigneurs, leur décor s’inspire généralement des recueils d’ornements de Jean Ier Bérain ou de Daniel Marot.
Les miroirs au XVIIIe siècle
C’est à la fin du XVe siècle qu’apparaît en Italie, dans l’île de Murano, la technique de fabrication des glaces dite « au mercure », la seule capable de produire des glaces de qualité et d’une taille conséquente. Sur une plaque de verre, on y appliquait une décoction d’étain et de mercure mélangés à chaud. Ce procédé fût très toxique coûta la vie à de nombreux ouvriers et qui fut remplacé en 1837 par la technique de l’argenterie, puis définitivement interdit en 1850.
La République de Venise veillait jalousement sur cette production d’objets de luxe dont elle gardait le monopole. L’importation de ces verres étaient donc extrêmement coûteuses (30,000 livres or par an).
Souhaitant l’autosuffisance pour les arts et manufactures de la France, Jean-Baptiste Colbert, ministre des Finances de Louis XIV, envoya des espions à Murano et fit venir à prix d’or des ouvriers vénitiens dans le faubourg Saint-Antoine de 1665 à 1667. Ces derniers étaient menacés de mort par la République de Venise s’ils trahissaient le secret de la fabrication des miroirs. C’est à cette époque que fut créée la Manufacture royale de glaces de miroirs qui fut transférée près de Cherbourg en 1668, obtenant alors privilège exclusif de fabrication de « glaces de miroirs ». Fabriquant alors des miroirs grâce à la technique du « verre blanc soufflé en manchon », la Manufacture royale a pu à partir de cette date rivaliser avec les productions vénitiennes. Pour obtenir un verre plat, celui-ci était d’abord soufflé dernier pour former une bouteille creuse appelée « manchon » puis découpé aux extrémités. Le cylindre obtenu était ensuite coupé dans le sens de la longueur et déployé pour obtenir une feuille de verre.
Elle fusionne en 1695 avec une autre manufacture installée dans l’ancien château des sires de Coucy, à Saint Gobain dans l’Aisne. Avec les 357 miroirs d’une taille exceptionnelle soufflés pour la Galerie des Glaces, s’impose définitivement le luxe à la française. À la fin du règne de Louis XIV, l'industrie miroitière avec à sa tête, la Manufacture royale de glaces de miroirs, exporte des glaces dans toute l'Europe pour un équivalent de 300,000 à 400,000 livres or par an. Le monopole vénitien est remplacé par le monopole français.
La Manufacture royale de glaces de miroirs perdit ses privilèges à la Révolution.
Elle se métamorphosa ensuite en compagnie de Saint-Gobain.