Par Galerie Léage
France, seconde moitié du XVIIIe siècle
Écaille de tortue, feuille d’or
D’après un tableau de Joseph Vernet (1714-1789) représentant Une vue de la fontaine Saint-Jean à Marseille
Exemple comparable
• Le Metropolitan Museum conserve une gravure de Pierre François Laurent (1739-1809) d’après le tableau original de Joseph Vernet représentant Une vue de la Fontaine Saint-Jean à Marseille (INV. 53.600.1501)
Ce petit médaillon en écaille de tortue, gravé et doré à la feuille, représente une vue de la fontaine Saint-Jean à Marseille. Révélés à la lumière, les effets de couleur de l’écaille de tortue sont très délicats, du brun foncé rougeâtre à l’ocre clair. Au premier plan, sur un embarcadère hommes et femmes s’activent autour de la fontaine : les uns remplissent des jarres d’eau afin de les apporter au navire resté au large dans la baie tandis que les autres puisent l’eau nécessaire à l’usage quotidien. La scène est ...
... surmontée à gauche par le mât d’un petit bateau. Au second plan à droite est figurée, à flanc de colline, une grande tour bordée de remparts, probablement le fort Saint-Jean, caractéristique du Vieux-Port de Marseille. À l’arrière-plan, un navire est resté au large en attendant le ravitaillement. La scène figurée est entourée d’une inscription : « Seconde Vue de Marseille Fontaine St Jean exécutée sur le tour par Compigné tourneur du Roi à Paris d’après le Tableau original de M. Vernet peintre de sa Majesté ».
L’inscription est bordée d’une frise à motifs ovoïdes dont les contours sont à liserés.
Les tableaux en Compigné
D’une grande préciosité et variété de matériaux, les tableaux en Compigné étaient réalisés selon un procédé mystérieux à partir d’une feuille d’écaille de tortue ou de papier cartonné sur laquelle était appliquée une feuille d’étain ou d’or. La surface pouvait ensuite être décorée à l’or, à l’argent, à la gouache et aux vernis colorés. Ces « miniatures » connues aujourd’hui sous le nom de Compigné, eurent un très grand succès dans les années 1760. Le petit format, caractéristique de cette production, nécessitait de travailler avec une extrême précision, probablement à l’aide d’une loupe, pour développer le perfectionnement des détails techniques et des coloris.
Thomas Compigné
Arrivé d’Italie probablement vers 1750, Thomas Compigni prit le nom de Compigné en s’installant à l’enseigne du Roi David, rue Greneta à Paris. En tant que tabletier, il était spécialisé dans la fabrication et la vente de boîtes, de jeux de trictrac, de dames et d’échecs, de tabatières et autres poignées de canne en écaille blonde incrustées d’or. Réputé pour la qualité de ses objets, il passa à la postérité par la production de tableaux précieux dont la technique reste aujourd’hui mystérieuse. En 1773, il présenta au Roi deux vues du château de Saint-Hubert et obtint le titre de tabletier privilégié du roi sous Louis XV et sous Louis XVI. Ses thèmes de prédilection sont le plus souvent des vues de villes, monuments et châteaux dans des perspectives de parcs ou de paysages animés de petits personnages.
Un médaillon d’après une œuvre de Joseph Vernet (1714-1789), peintre de marines
Formé dans le sud-ouest de la France, Claude Joseph Vernet devint dès son plus jeune âge un jeune artiste prometteur dans le milieu local. Le marquis de Caumont intervint en sa faveur pour un voyage à Rome, qu’il entreprit en 1734 : à l’étude des grands maîtres de la Renaissance et de l’art antique, il préféra celle des paysagistes et des peintres de marines telle que l’œuvre de Claude Gellée, dit le Lorrain. Sa peinture trouva dans ces genres toute sa résonnance, à tel point que la réussite de Joseph Vernet auprès des commanditaires français, puis italiens et anglais, est attestée dès sa période romaine. Son nom fut bientôt connu dans l’Europe entière, un succès favorisé par les voyages, entrepris notamment par les aristocrates à l’occasion du Grand Tour. En 1745, Joseph Vernet est agréé par l’Académie royale de peinture et de sculpture. En 1753, il rentre en France : il séjourne d’abord à Marseille, où il réalisa plusieurs vues du port sous différents angles, puis il s’établit à Paris. Il reçut alors l’une des commandes les plus importantes de sa carrière grâce à l’intermède du marquis de Marigny, directeur général des Bâtiments du Roi, auprès de Louis XV : celle de 27 tableaux représentant « les plus beaux ports du royaume ». Il ne réalisa que 15 toiles, conservées aujourd’hui au Musée national de la Marine et au Musée du Louvre, cependant cette série des Vues des ports de France assura sa complète postérité.
Bibliographie
Florence Ingersoll-Smouse, Joseph Vernet, peintre de marine (1714-1789) : étude critique suivie d’un catalogue raisonné de son œuvre peint, avec trois cent cinquante-sept reproductions, Vol. 1, Paris, Étienne Bignou éditeur, 1926.
Plaisir de France, « Les Compignés et leurs créateurs, ces délicats chefs-d’œuvre de la tabletterie au XVIIIe siècle », n° 427, mars 1975.
Compigné, peintre et tabletier du Roy, catalogue d’exposition., Grasse, Villa-Musée Jean-Honoré Fragonard (Juin-Juillet 1991).
Bon état général. Usures au niveau du cadre.