Par Galerie Thierry Matranga
Tableaux anciens, dessins, sculptures, objets religieux
Huile sur panneau de chêne, deux planches. Ecole française de la première moitié du XVIIe siècle, entourage de Lubin Baugin (c. 1612 – 1663).
Véritable énigme, notre composition interroge quant à son ou ses auteurs. En effet, le traitement classicisant dépouillé de la scène centrale est très éloigné du maniérisme aux notes émiliennes des figures qui l’entourent. Nous y voyons une œuvre exécutée à deux mains, par deux artistes. Et il n’est pas rare, au XVIIe siècle, que deux peintres collaborent à la réalisation d’une même œuvre, l’un peignant parfois le décor et l’autre les personnages.
Ces peintures de dévotion dont la scène centrale est encadrée par des motifs en grisaille (dans un camaïeu de gris) se rencontrent souvent chez les flamands au premier rang desquels Frans II Francken (1581 – 1641) qui a multiplié ainsi les représentations de la Passion. Mais notre peinture est bien française, et cela en fait une œuvre d’une grande ...
... rareté.
La crucifixion ne manque pas d’évoquer l’art sobre de Lubin Baugin qui fut parfois décrié pour le dépouillement de ses œuvres. Le paysage derrière la croix n’existe que par des jeux de couleurs et de lumière, offrant une grande intimité à la scène. Aussi, dans les années 1640-1642, Baugin a-t-il peint des sujets religieux sur des panneaux de bois de petit format.
Notre second artiste a ceint la composition d’anges aux silhouettes allongées tenant les instruments de la Passion. Ces anges ingénus évoquent la manière de Bartolomeo Schedoni (1578 – 1615) ou encore les figures élancées du Parmesan (1503 – 1540), deux peintres dont l’art avait conquis Lubin Baugin lors de son séjour en Emilie, ce qui renforce l’idée qu’il puisse être l’auteur de la scène centrale. Au sommet de ce cadre, le ciel nuageux s’ouvre pour laisser apparaitre Dieu le Père, et au pied de la composition, la terre sur laquelle repose le tombeau du Christ. Les deux bustes de part et d’autre de la partie supérieures ne sont autres que Joseph et Marie. Enfin, le coq est une représentation du Christ qui annonce le jour nouveau de la foi.
Notre composition revêt une dernière originalité : elle est traitée en trompe-l’œil. En effet, la crucifixion est entourée d’ombres, comme si elle avait été peinte sur un panneau indépendant posé sur celui où sont les figures en brunaille.
La peinture est présentée dans cadre en bois sculpté et doré à motifs de feuilles d’eau d’époque Louis XIII.
Dimensions : 52 x 40 cm – 63 x 51 cm avec le cadre
Vendu avec facture et certificat d’expertise.
Biographie : Lubin Baugin (Pithiviers ou à Courcelles-le-Roi c. 1612 – Paris 1663) se forme probablement dans l'entourage des peintres de Fontainebleau. C’est dans les années 1628-1629 qu’il rejoint Paris où il est reçu maître-peintre de la corporation de Saint-Germain-des-Prés et, au contact des nombreux artistes hollandais qui s’y trouvent, débute une carrière de peintre de nature morte. La fortune de ses parents lui permet de partir vivre en Italie dans les années 1630. De retour en France, sa production artistique témoigne d’une grande influence italienne, inspirée par le maniérisme de Parmesan et la peinture de Raphaël. En 1643, il devient enfin membre de la corporation des peintres parisiens et exerce pleinement son métier dans la capitale. Au sommet de sa gloire en 1651, il entre à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Tombé dans l’oubli, il est aujourd’hui connu grâce au travail de Jacques Thuillier qui lui consacre un article paru en 1963 dans la revue L’Œil et co-organise une exposition consacrée à son œuvre au musée d’Orléans en 2002.
Bibliographie :
- Thuillier Jacques, Notter Annick, Daguerre de Hureaux Alain, catalogue de l'exposition Lubin Baugin, Orléans, musée des beaux-arts, 21 février-19 mai 2002, Toulouse, Musée des Augustins, 8 juin-9 septembre 2002, RMN, 2002
- Mérot Alain, La Peinture française au XVIIe siècle, Electa, 1994
- Kazerouni Guillaume, Les Couleurs du ciel, peintures des églises de Paris au XVIIe siècle, Paris Musée, 2012
- Milovanovic Nicolas, Catalogue des peintures françaises du XVIIe siècle du Musée du Louvre, Louvre Editions, 2021
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