Par Antiquités Philippe Glédel
Mobilier XVIIIe parisien et régional, dont meubles de port.
Exceptionnelle commode Louis XIV en acajou moucheté de Cuba massif, à façade en arbalète, ouvrant par quatre tiroirs sur trois rangs. Travail portuaire. Nantes. Première moitié du XVIIIe siècle.
Cette commode, parmi les plus anciennes commodes de port produites à Nantes, entre dans la catégorie des meubles fabriqués à l'unité pour la haute aristocratie ou les plus riches négociants (soit les armateurs). Elle nous fait forte impression pas sa qualité de construction : façade, plateau et côtés exclusivement faits d'un acajou moucheté de Cuba massif, fonds de tiroirs, dos et planchers exclusivement en chêne de haute futaie, le tout dans une construction cossue et d'un remarquable fini. Elle est en outre, au niveau des lignes, parfaitement servie par des galbes prononcés, tant le mouvement en arbalète qui l'anime que les chantournements de la traverse basse. Enfin son acajou "rouge cerise" est "éclairé par de riches poignées et entrées de serrure en laiton ...
... moulé ajourées (on observe que ces vieilles poignées nantaises étaient d'ailleurs, pour les plus riches modèles, produites à l'unité et on en voit rarement d'exactement semblables, contrairement aux exemplaires malouins).
A propos de Saint-Malo justement, il est incontestable que cette nantaise prend des allures de malouine. On nous l'a d'ailleurs vendue pour une malouine et curieuse coïncidence, elle porte au dos une étiquette des chemins de fer bretons sur laquelle on peut encore lire : Départ - Saint-Malo & Arrivée - Nantes. Comme quoi il convient d'être circonspect dans toute expertise. Cette commode aura légitimement plu à un malouin avant que de s'en retourner sur ses terres d'origine et ainsi traversé par deux fois la Bretagne (car oui, quoiqu'on dise, Nantes c'est en Bretagne!). Plusieurs détails font en effet quelque peu écho au style des commodes de la cité corsaire : le plateau débordant largement en côté, l'importance des garnitures de laiton et leur belle rutilance, l'impression générale d'une combinaison de grâce et de robustesse. Cependant, une malouine ne présentera pas ainsi deux tiroirs au rang supérieur et, pour un modèle de cette époque, ce dernier glissera directement sous le plateau sans traverse intermédiaire, le plateau, pour sa part, sera maintenu par des crochets de fer et non pas, comme ici "à la nantaise" (justement), soit par des chevilles déportées aux traverses hautes des côtés, les poignées enfin seront "à l'anglaise" avec une seule platine et non comme ici "à la hollandaise".
Coiffée d'un épais plateau (30 mm) en deux larges planches, aux bords ourlés d'un bec-de-corbin à ressauts aux angles, la commode ouvre à trois rangs de tiroirs, et on remarque que, encore au goût pour la symétrie du début du siècle, ses deux plus petits tiroirs du rang supérieur simulent parfaitement un seul et même grand tiroir, un compartiment secret astucieusement dissimulé derrière la traverse médiane leur tenant lieu de contre-coulisseaux.
La façade est animée de galbes et contre-galbes puissants à découpe dite "en arbalète". Les bordures des tiroirs sont soulignées d'un quart-de-rond et il faut noter que les tiroirs dont dits "débordants", c'est à dire qu'ils viennent recouvrir les traverses en surplomb et non pas "rentrants" comme sur la plupart des commodes nantaises plus tardives. Les montants sont décreusés de moulures et ponctués de pieds qui viennent s'emboîter dans des chaussons (ou sabots) moulurés qui ajoutent encore à l'architecture du meuble. La traverse basse, large et généreusement chantournée, est ourlée d'un quart-de-rond enrichi de volutes dites "en queue de cochon". Le tout est superbement mis en valeur par ses poignées de tirage et ses entrées de serrure d'origine en laiton qui sont typiquement de la première période nantaise.
Meuble d'une grande élégance et de grande qualité, se présentant dans un rare état d'origine et constituant un exceptionnel spécimen de commode de port nantaise, modèle que nous jugeons parmi les plus anciens, les plus rares et les plus riches de cette production.
Très peu d'exemplaires de ce type nous sont connus, le plus référant étant la commode du musée du château des ducs de Bretagne à Nantes.
(Voir en documentation)
Superbe finition en rempli-ciré (4 couches de vernis et 2 couches de cire).
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