Par Antiquités Philippe Glédel
Mobilier XVIIIe parisien et régional, dont meubles de port.
Commode de port galbée toutes faces en acajou moucheté de Saint-Domingue massif.
Coiffée d'un plateau au pourtour souligné d'un bec-de-corbin à cavet et fait d'une seule large planche, elle ouvre par trois tiroirs sur trois rangs intercalés de larges traverses. Trait caractéristique des belles malouines, outre ses entrées de serrure et poignées typées en laiton coulé élégamment découpées destinées à mettre en valeur le poli de l'acajou, notre commode présente des montants galbés soulignés d'un gracieux élégi ou gorge et ponctués de pieds sabots équins nervurés et ourlés de stries rappelant les terminaisons du poil animal et enfin des côtés lisses dits "en oreiller". Comme pour une commode malouine de nos anciennes collections (figure 3 en documentation) le plateau amovible s'emboîte par deux gros tasseaux fixés sous le plateau, ici chevillés en parement du plateau, et jointés par deux longues chevilles traversant les planches supérieures des ...
... côtés, juste en dessous du plateau.
Les galbes contenus et les lignes fluides de cette commode en font un beau classique malouin d'évolution entre le modèle Régence en arbalète et le modèle Louis XV.
A propos de l'acajou.
Les acajous présentent de nombreux aspects, mais il n'en existe que trois variétés (dont une africaine qui ne nous intéresse pas ici, et qui d'ailleurs présente bien moins d'intérêt à tous points de vue) tandis qu'il existe une multitude de variétés de bois exotiques. Pour être précis il conviendra même d'abandonner le terme d'acajou de Cuba (par trop générique et en vérité inexact) pour distinguer l'acajou de Saint-Domingue (soit de l'île d'Hispaniola -aujourd’hui Haïti- ancienne colonie française), Swietenia mahagoni, que nous appelons volontiers des Antilles et l'acajou du Honduras, Swietenia macrophylla, et plus volontiers désigné sous l'appellation des Caraïbes.
Ici nous avons affaire à la plus belle des deux variétés, le Saint-Domingue (et la distinction n'est pas difficile puisque le Honduras ne présente jamais d'aspect moucheté).
Contrairement à une idée admise (encore qu'hélas beaucoup ont tendance à l'oublier) et défendue par les meilleurs spécialistes, l'acajou peut présenter quelques trous de vers, cela nous l'avons vu, mais il s'agissait de prédations très anciennes et uniquement présentes dans de rares parties d'aubier). Ceci est vraiment très exceptionnel (pour ne pas dire extraordinaire) et c'est pourquoi tout un chacun, qui a bien peu de chance d'en rencontrer, se devra absolument de considérer que si un bois présente des attaques xylophages c'est qu'il n'est pas en acajou.
L'acajou et les bois exotiques n'étant achetés en massif (hormis un cercle très restreint d'ébénistes parisiens) que par les menuisiers et ébénistes des grands ports français, et ce à grands frais, nombre d'artisans, y compris travaillant dans les ports et surtout dans des régions limitrophes, se sont servis du noyer, teinté à l'acajoutine et au bichromate, pour l'imiter. L'imitation est trompeuse pour un simple amateur si ce n'est qu'elle se trahit presque toujours par la présence de trous de vers. Ainsi voyons-nous sur des sites d'antiquaires (quand bien même ils se disent "Pro") des commodes "de port en acajou" cironné.
Façade, plateau et côtés du meuble en acajou massif, façade en moucheté (d'emploi rare à Saint-Malo), foncures des tiroirs et dos en hêtre. Très bel état d'origine du meuble, aucune greffe notable à signaler, serrures manquantes.
Le meuble a été entièrement révisé (fond et coulisseaux restaurés ainsi que le dos de la commode avec remplacement de la traverse basse) et on peut l'apprécier dans la superbe patine qui lui a été faite en rempli-ciré.
Travail de Saint-Malo du XVIIIe siècle.
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