Par Franck Baptiste Paris
Rare et importante bibliothèque en marqueterie boulle de placage d’ébène incrusté de filet de laiton.
Modèle ouvrant par deux portes séparées par un dormant en façade.
Les montants à larges pans coupés sont cannelés de cuivre et rudentés d’asperges en bronze ; comme le dormant ils sont traités en pilastres terminés par des chapiteaux en bronze doré.
La corniche à double évolutions imite les toitures pagode de la Chine.
L’ensemble repose sur un socle rectangulaire à ressauts à la grecque qui est agrémenté de cornières à frises godronnées, de plates bandes d’encadrement et d’un masque de déesse en bronze doré.
Les portes et cotés reçoivent un décor incrusté de filets de laiton.
Les bordures des panneaux vitrés et de la corniche sont quand à eux soulignés de larges cannelures en cuivre.
Serrure d’origine à crémone en fer forgé dissimulée dans le bâti.
Verres soufflés anciens.
Les quatre charnières poinçonnées du ...
... « C » couronné probablement à l’occasion d’une restauration entre Mars 1745 et Février 1749, dates entre lesquelles la taxe sur le cuivre était en vigueur.
Ame en sapin, fonds en chêne.
Trés bel état de conservation.
Travail parisien de la fin de l’époque Louis XIV vers 1700-1715 attribuable à l’ébéniste Alexandre Jean Oppenordt (1639-1715).
Dimensions :
Hauteur : 244 cm ; Largeur : 190 cm ; profondeur : 49,5 cm
Notre avis :
Notre bibliothèque aux formes trés architecturées est parfaitement représentative de l’opulence et de la puissance du style Louis XIV.
Sa corniche avec ses multiples ressauts qui imitent les toitures des pagodes asiatiques est une prouesse technique et reflète parfaitement le goût pour l’orient qui toucha la France au début du 18 ème siècle.
On peut facilement imaginer qu’une telle pièce servait d’écrin à des porcelaines et autres objets montés.
Elle fait partie d’un tout petit corpus de bibliothèques et d’armoires aux formes et bronzes similaires.
En effet nous connaissons seulement une poignée d’exemplaires, dont une bibliothèque anciennement dans les collections Rothschild (vente Sothebys Mentmore 18 Mai 1977 lot 7), une bibliothèque au musée du Louvre (N°Inv OA 10448) ou encore une paire d’armoires conservée au musée du châteaux de Versailles.
Cette dernière paire est intéressante car sa trajectoire est connue, elle est inventoriée dans l’inventaire après décès de Noël Gérard en 1736, avant que l’une des deux soit vendue en 1749 au contrôleur des finances Jean Baptiste Mauchaud d’Arnouville.
L’autre appartiendra pendant un certains temps aux collections des princes russes Beloselski-Belozerski, et les deux seront plus tard réunies dans les collections du chateau de Versailles ou elles sont toujours exposées.
Ces deux bibliothèques qui présentent des grands dauphins en bronze furent probablement produites pour le jeune Duc de Bourgogne qui portait le titre de Dauphin de France.
Elles constituent la version la plus luxueuse du modèle ; la nature du décor et l’utilisation de nacre et de corne teinté permettent une attribution à l’ébéniste de Louis XIV Alexandre-Jean Oppenordt, plutôt qu’à Noël Gérard qui oeuvra uniquement comme Marchand mercier dans les dernières années de sa vie.
Cette attribution est intéressante car outre les formes et les bronzes similaires, la paire conservée à Versailles présente aux revers des portes un décor atypique de quadrilobes et d’enroulements de filets de laiton qui est identique au décor de notre bibliothèque, ce qui nous permet d’attribuer également notre bibliothèque à l’ébéniste royal.
Une trés belle étude de ce corpus est publiée dans le livre de Calin Demetrescu « Les ébénistes de la couronne sous le règne de Louis XIV ».
Elle permet de mettre en lumière cette production atypique qui fût réservée à une élite trés restreinte.
Alexandre Jean Oppenordt (1639-1717) est un ébéniste d’origine hollandaise, né à Gueldre, ville sous domination espagnole, Oppenordt vint se fixer à Paris au début du règne de Louis XIV et devint l’un des principaux ébéniste de cette époque. Il commença à travailler dans l’enclos privilégié du Temple, là où les artisans libres, pas membres d’une guilde, pouvaient continuer leur métier sans être poursuivis. Quelques années plus tard il épousa une française et obtint sa naturalisation en 1679. Après avoir effectué un stage à la manufacture des Gobelins, il reçut, en 1684, un logement dans les galeries du Louvre. Preuve de l’estime du roi, et commença à travailler pour le service des bâtiments royaux pour lesquels il exécuta meubles et parquets, décorés de marqueterie de laiton et d’ écaille ainsi que de nombreux ouvrages de décoration. Les oeuvres d’ Oppenordt sont moins connus que sa vie. Il exécuta vraisemblablement « Douze cabinets de marqueterie pour les médailles du Roy » en ébène incrusté de cuivre, oeuvre toutefois souvent attribuée à Boulle, qui, comme lui, était logé au Louvre et avec lequel il a certainement collaboré pour de nombreux ouvrages. Son activité semble avoir cessé peu de temps aprés 1705, date à laquelle il est cité pour avoir contribué aux embellissements de l’hôtel que le Prince de Condé possédait à Versailles. Il habitait alors rue Fleury, près de Saint-Germain l’Auxerrois et c’est là qu’il mourut en 1715.
Retrouver le mobilier ou les objets d''art similaires à « Bibliothèque Boulle à toiture en pagode, Paris vers 1700 » présenté par Franck Baptiste Paris, antiquaire à Paris dans la catégorie Bibliothéque, vitrine Louis XIV, Mobilier.