Par Galerie Lamy Chabolle
Mobilier et objet d'art des XVIIIe, XIXe et XXe siècle
Paire d’aquarelles avec vues du Colisée romain et du Panthéon d’Agrippa attribuées à Antonio del Drago.
Aquarelle, encre brune, rehauts de gouache, gomme arabique sur papier vergé contrecollé.
Italie.
Fin du XVIII? siècle.
h. 54 cm ; l. 67 cm (chaque, hors cadre).
Deux aquarelles représentant le Colisée romain et le Panthéon d’Agrippa attribuées au védutiste Antonio del Drago, actif à Rome à la fin du XVIIIe siècle.
Beaucoup de paysages de Rome peints au XVIIIe siècle sont des vues imaginaires, des vedute dans lesquelles l’artiste montre souvent la ville telle qu’elle devrait être, et non telle qu’elle est réellement. Cette tendance s’explique sans doute par l’état dans lequel se trouvaient encore les grands monuments romains au XVIIIe siècle, car, comme l’écrit l’historien Christopher Hibbert :
Ces antiquités étaient moins ouvertement visibles qu’elles ne le sont aujourd’hui, car, au dix-huitième siècle, la Rome impériale ...
... était pratiquement enfouie sous des murailles médiévales sur le point de s’écrouler, sous l’ensemble des bâtiments érigés au seizième siècle sous les pontificats de Paul V et d’Urbain VIII, et sous des siècles de décombres et d’ordures. Les arches du théâtre de Marcellus étaient comblées et habitées par des familles indigentes ; le Mont Palatin était recouvert de jardins et de végétation ; deux fois par semaine, le marché prenait place sur le Forum ; l’Arc de Septime Sévère était à moitié enseveli ; et le Colisée était loué aux habitants, qui avaient installé là des étables pour leurs animaux.
La technique de ces deux vedute, aquarelles réhaussées à la gouache et dont les traits sont dessinés à l’encre brune, est la technique employée par Antonio del Drago, védutiste romain actif à la fin du XVIIIe siècle. D’Antonio del Drago, on peut retenir surtout une autre vue du Colisée, celle-ci signée : elle aussi peinte à l’aquarelle avec des traits à l’encre brune, cette vue se rapproche d’autant plus de notre paire qu’il s’agit d’une vue exactement complémentaire du Colisée romain. Cette vue, vendue chez Christie’s 10 200 € le 22 mars 2007, montre le Colisée depuis l’actuelle Via Claudia ; notre vue, quant à elle, le montre depuis la Via dei Fori Imperiali.
L’identité de ces deux vues du point de vue de la technique, du parti pris esthétique, de la perspective et leur rapport quasi complémentaire, bien que les deux vues ne sont pas du même format, laissent à penser que ce type précis de vue du Colisée, réalisé avec la même technique, était dans le répertoire d’Antonio del Drago, et que le peintre avait pour habitude de représenter le même monument avec cette même technique, mais selon plusieurs points de vue.
À cette vue du Colisée romain, en vérité l’Amphitheatrum Flavium, amphithéâtre flavien, édifié sous Vespasien sur le site de la Domus aurea de Néron, s’ajoute une vue du Panthéon romain, construit sous le troisième consulat d’Agrippa, entre -27 et -25 av. J.-C., endommagé et frappé par la foudre, a été reconstruit sous Hadrien, qui lui donna sa forme actuelle.
Le Pape Boniface IV l’ayant consacrée en 610, c’est plutôt sous le nom de Santa Maria ad Martyres, ou comme basilique Santa Maria Rotonda, que l’édifice était connu des Romains. Au début du XVIIe siècle, probablement sous Urbain VIII, deux clochers ont été ajoutés au-dessus de la façade de Santa Maria Rotonda. Ces deux clochers, édifiés sur les plans du Bernin ou de Carlo Maderno, selon les hypothèses, n’étaient pas aimés de tous les Romains, au point que certains d’entre eux moquaient du nom d’orecchie d’asino, les oreilles d’âne ; ces clochers, Antonio del Drago devait les avoir devant les yeux, tout comme Giovanni Panini ou Hubert Robert lorsqu’ils peignirent eux-mêmes leurs vedute. Comme Panini et Hubert Robert, Antonio del Drago a décidé de représenter un Panthéon partiellement idéalisé, et libéré des oreilles d’âne. Piranèse, quant à lui, représente et ne représente pas les deux clochers : ici il représente le Panthéon moderne, tel qu’il était devant ses yeux ; là il le représente tel qu’il imagine qu’il devait être avant qu’il ne fût restauré, ou tel qu’il devrait être selon lui. On voit aussi, sur cette même vue, l’obelisco Macuteo, installé sur la Piazza della Rotonda en 1711 au-dessus de la vasque de Giacomo della Porte, érigée à cet endroit un siècle et demi plus tôt. Antonio del Drago a ici encore pris quelques libertés de perspective afin que l’obélisque ne masque aucune partie du portique du Panthéon.
Il n’a pas non plus représenté les grilles qui barraient les huit colonnes corinthiennes du portique, et qui sont pourtant représentées par Piranèse et que l’on voit sur une veduta célèbre de la Piazza della Rotonda peinte à l’aquarelle par Rudolf von Alt en 1835, aujourd’hui exposée au palais Albertina à Vienne.
Sources
Jean-Jacques Gloton, « Les obélisques romains de la Renaissance au néoclassicisme », dans Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. 73,? 1961.
Christopher Hibbert, The Grand Tour, Londres, 1969.
William Lloyd MacDonald, The Pantheon. Design, Meaning and Progeny, Cambridge, 2002.
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