Par Antiquités Philippe Glédel
DEMANDE D'INFORMATIONS
Mobilier XVIIIe parisien et régional, dont meubles de port.
Très important et très rare buffet de chasse en chêne massif ouvrant par deux tiroirs "à couteaux" et deux portes "à double évolution".
Estampillé de Jean-Baptiste Fromageau et frappé du poinçon de la Jurande parisienne.
Paris - Époque milieu du XVIIIe siècle.
Ce meuble d'appui très architecturé constitue le véritable modèle de buffet de chasse, tel qu'il en a été fabriqué tout au long du XVIIIe siècle par des menuisiers et des ébénistes parisiens. Celui-ci se distingue cependant par la rare importance de ses proportions.
Il convient en effet de souligner l'impression de puissance harmonieuse qui se dégage de ce buffet, les larges sections de bois employées et les épaisses moulures poussées, le parfait découpage de son architecture : largeur des tiroirs s'alignant sur celle des petits vantaux, excellentes proportions des grands vantaux (entre hauteur et largeur) déterminant le cintre et la taille des panneaux, bon rapport de proportion également ...
... entre marbre et plinthe, côtés grassement moulurés en arc dits "en chapelle".
Sa largeur de 1,80 m le désigne comme un meuble de château, l'épaisseur de son marbre (matériaux très onéreux à cette époque) et sa qualité (un Rouge Royal), comme un meuble de provenance aristocratique.
Jean-Baptiste Fromageau, ébéniste, menuisier et mercier, est un cas particulier à cette époque de réglementations strictes entre les différentes corporations, car à l'inverse de Georges Jacob, il a produit essentiellement des meubles d'ébénisterie mais aussi des meubles de menuiserie (et en particulier des sièges). Si on a longtemps considéré que cela était dû à sa position de marchand-mercier, on s'accorde désormais plus volontiers à penser qu'il était à la fois menuisier (comme l'était son père) et ébéniste (comme l'indiquent ses documents de maîtrise).
Il n'est pas inutile de rappeler (sans parler ici des exemplaires aux appellations imprudemment galvaudées par divers amateurs) qu'au moins soixante dix pour cent des buffets bas de chasse peuvent être présumés comme faux, tant en effet ont été fabriqués depuis le XIXe siècle et jusqu'à nos jours dans des ateliers de Paris et du Nord de la France, à partir d'anciens éléments de boiserie, d'armoires ou de buffets à deux corps (certains éléments récupérés déjà dotés de la double évolution, d'autres entièrement refaits, ferrures comprises) des exemplaires "semblables" à ceux, devenus fort rares, meublant autrefois les grandes propriétés, les relais de chasse et surtout les châteaux de L' Île de France et quelquefois même ceux de province.
C'est pourquoi la présence d'un tel marbre, mais aussi d'une estampille et surtout d'une marque de Jurande, sont, sur un buffet de chasse, des garants d'authenticité.
Notre exemplaire reprend encore les principales caractéristiques du classique buffet parisien : cintre allongé des portes et épaisses moulurations à cadre, base à plinthe, étroits et profonds tiroirs dits "à couteaux", car en effet destinés à recevoir les couteaux utilisés pour la découpe des gibiers, d'où l'appellation du meuble. Il est coiffé d'un marbre Rouge Royal d'origine d'une exceptionnelle épaisseur de 55 mm (et d'un poids extraordinaire : 200 kg) et ouvre par deux tiroirs à couteaux (d'une profondeur de 49 cm) munis de leurs serrures en fer et de clés, et par deux vantaux brisés, cet accommodement à double repliement permettant d'ouvrir les portes au maximum et même de les rabattre en côté, et ceci dans un double dessein de présentation ainsi que de service des vaisselles, plats d'argent et services de tables qui y étaient entreposés. Précisons même qu'il était au XVIIIe siècle fort en usage de laisser le buffet portes grandes ouvertes pendant le repas, et Roubo décrit cette habitude en soulignant que cela se pratiquait "plus cependant par ostentation que par nécessité". On comprend mieux, face à ce meuble de château de près de deux mètres de large, que la double évolution est conjointement née d'un soucis de maintient de l'équerrage des battants. Observant l'épaisseur du marbre, on comprend mieux aussi pourquoi ce type de meuble était fabriqué sur plinthe (ainsi le poids du marbre est réparti sur tout la longueur et la largeur du meuble).
Il faut noter d'ailleurs que ce type de buffet a été réalisé tant par des maîtres-menuisiers parisiens, qui étaient en effet spécialisés dans le mobilier en bois naturel (tel que commodes parisiennes en bois naturel de chêne, noyer ou hêtre), que par des ébénistes, sans doute du fait d'une forte demande de la clientèle aristocratique.
Huit gonds, deux entrées de serrures losangées, deux serrures de tiroir,
quatre charnières intérieures découpées (petits manques),
une grosse serrure sur le battant droit et une espagnolette à bascule sur le gauche, deux entrées de serrure à tête de coq, trois clés.
Meuble entièrement réalisé dans un superbe chêne rouvre massif de haute futaie (sans doute de la forêt de Tronçais / y compris le bâti et toutes ses fonçures).
Très bel état de conservation de l'ensemble.
Travail parisien d'époque milieu du XVIIIe siècle.
Bibliographie de documentation :
Les Ébénistes du XVIIIe siècle. Leurs œuvres et leurs marques – Comte François de Salverte.
LE MOBILIER FRANCAIS DU XVIIIe SIÈCLE - PIERRE KJELLBERG.
L’ART ET LA MANIÈRE DES ÉBÉNISTES FRANCAIS AU XVIIIe SIÈCLE - JEAN NICOLAY.
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