Par Stéphane Renard Fine Art
110.5x85.5 cm (130x105 encadré)
Cadre cassetta toscan de la fin du XVIème siècle en bois sculpté et doré (vraisemblablement son cadre d’origine)
Ce portrait de Santi di Tito récemment redécouvert représente un sénateur florentin. Il tient une lettre à la main qui nous indique que ce tableau a été réalisé en 1574 alors que le modèle était âgé de 66 ans. Il est tentant sur la base de ces indices d’y voir un portrait de Bartolomeo Panciatichi, réalisé une trentaine d’années après son célèbre portrait par Bronzino (1503 – 1572). Alors que le traitement des mains rappelle la tradition florentine des portraits maniéristes, la comparaison avec celui de Bronzino illustre chez Santi di Tito la recherche d’un plus grand réalisme, et ce malgré une composition assez stéréotypée.
1. Santi di Tito, peintre de la Contre-Réforme et portraitiste
Santi di Tito est le grand peintre de la Contre-Réforme florentine. Il propose un langage artistique ...
... nouveau qui se détache du Maniérisme.
Peu de choses sont connues sur sa formation à Florence (peut-être aux côtés de Bronzino ou de Baccio Bandinelli) mais cette période de formation lui permet de s’inscrire en 1554 à la Compagnie de Saint-Luc, la guilde des peintres florentins. Santi di Tito réalise entre 1560 et 1564 un séjour à Rome au cours duquel il fréquente l’atelier de Taddeo Zuccari. Ce séjour aura une influence fondamentale sur son œuvre, grâce à la découverte de l’oeuvre tardive de Raphaël, mais aussi à la rencontre des peintres Francesco Salviati et Federico Barocci.
Santi di Tito revient à Florence vers 1565, il y demeurera jusqu’à la fin de ses jours, partageant ses talents entre la réalisation d’une série d’importantes peintures religieuses et celle d’innombrables portraits. Il devient un des principaux peintres de la ville, s’illustrant en particulier dans la réalisation de grandes compositions religieuses dans lesquelles souffle l’esprit de la Contre-Réforme.
En 1568, Santi di Tito devient membre de la confraternité de Saint Thomas d’Aquin, dont les membres étaient des observateurs fidèles des principes développés pendant le Concile de Trente. Il réalise autour de 1574 (l’année de notre portrait) un de ses chefs d’œuvre, La Résurrection, pour la Basilique de Sainte-Croix à Florence dans laquelle il s’éloigne des réalisations florentines précédentes en offrant une représentation proche des textes sacrés, exempte de tout élément lascif ou purement ornemental.
Son style, marqué par la préférence florentine pour le dessin, continuera d’évoluer vers une peinture lumineuse et naturaliste qui inspirera les peintres de la génération suivante.
2. Santi di Tito portraitiste
Malgré ou peut-être à cause de l’ampleur de sa production, les portraits de Santi di Tito n’ont pas fait l’objet à ce jour d’une étude monographique, à la différence de ses peintures religieuses. Il est établi que Santi di Tito dirigeait un atelier extrêmement actif dans la production de portraits, bénéficiant à la fois des commandes des Médicis, mais aussi de celles des grandes familles florentines. L’inventaire des biens de Santi di Tito, réalisé après sa mort le 5 novembre 1603 inclut une longue liste de portraits qui témoigne de l’importance de cette activité.
Cette démultiplication du portrait dans la deuxième moitié du XVIème siècle est le reflet de l’évolution politique de Florence dans laquelle Cosimo 1er (qui disparait en 1574, l’année de notre portrait) instaure une cour à l’organisation hiérarchique. La société florentine se transforme d’une société républicaine et bourgeoise en une société aristocratique, dans laquelle les grandes familles imitent la famille grand-ducale des Médicis et commandent de nombreux portraits souvent destinés à constituer des galeries d’ancêtres.
Une des caractéristiques des portraits de Santi di Tito est la description psychologique des personnages, au-delà de la mise en scène du status social par le choix des vêtements et des objets représentés. Deux autres portraits de sénateurs réalisés par Santi di Tito sont connus, démontrant l’intérêt des Florentins pour ces portraits d’apparat.
3. Description du portrait
Notre sénateur est représenté à mi-corps, de trois-quarts, dans un décor d’architecture qui pourrait être son cabinet de travail. Il est revêtu de l’habit de cérémonie des sénateurs florentins : une veste bleu nuit recouverte d’une chasuble gansée de rouge, constituée d’une gaze transparente à l’avant et d’un tissu de la même couleur que la veste, doublé d’une étoffe rouge, à l’arrière. Le traitement de la gaze, tout en transparence, est d’une grande fluidité et le peintre arrive, par les ondulations qu’il donne à la chasuble, à traduire la vie qui anime ce corps imposant.
Notre sénateur tient une lettre pliée de sa main droite, dont le poignet repose sur une table drapée d’un tissu vert et une paire de gants de sa main gauche. Deux autres objets figurent sur la table à sa droite : un livre aux tranches ornées, dont on peut voir le fermoir ouvragé, et sur lequel repose un béret quadrangulaire.
Comme souvent cette lettre est l’occasion de nous donner quelques éléments de contexte sur ce tableau. Si le nom du modèle n’y figure pas, nous savons par l’inscription « annus aetatis suae 66 – PAD 1574 » qu’il s’agit d’un homme de 66 ans, représenté en 1574. Notre attention est attirée par le regard impérieux du personnage ; la photographie rend son visage encore plus imposant, celui-ci étant légèrement allongé pour pouvoir être vu sans déformation d’en dessous.
4. Proposition d’identification du modèle
Giuseppe Manni publiait en 1722 un recueil intitulé Serie de’ senatori fiorentini indiquant les principaux repères chronologiques de tous les membres du Sénat des Quarante-Huit depuis la création de cette institution en 1532.
Trois sénateurs seulement pourraient correspondre à notre portrait : nés entre 1507 et 1508, ils ont eu 66 ans révolus en 1574. Le premier est Bartolomeo Panciatichi, né le 21 juin 1507 et décédé le 23 octobre 1582. L’autre est Giovanni Ugolini né le 11 mai 1508 et décédé le 18 août 1588. Elu sénateur en 1540, il sera commissaire de Cortone et nommé ambassadeur auprès de Sa Sainteté le Pape Grégoire XIII en 1572, ce qui semble exclure la réalisation de son portrait par Santi di Tito à Florence en 1574. Quant à Simone Corsi (8 décembre 1508 – 31 mars 1587, élu sénateur en 1556) sa date anniversaire nous semble trop proche de la fin de l’année pour permettre la livraison du portrait en 1574.
L’hypothèse de Bartolomeo Panciatichi nous semble la plus intéressante, et ce d’autant plus que vers 1545 celui-ci avait commandé un célèbre portrait à Bronzino (dernière photo de la galerie) dans lequel nous retrouvons un certain nombre de traits caractéristiques du personnage.
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