Par Franck Baptiste Paris
Rarissime plateau constitué d’une âme en ardoise plaquée d’échantillons de pierres dures (pietra dura) encadrés par une double bordure en marbre jaune de Sienne et marbre portor.
La partie centrale à décor en perspective géométrique de cubes offre une riche variété de pierres dont du traditionnel basalte et de rares pierres volcaniques aux tonalités claires et sombres comme la rhyolite, trachyte, syénite, rhyodacite, gabbro, diorite… issues des différentes éruptions du Vésuve.
Bel état de conservation, petites restaurations d’usage aux bordures.
Mattia Valenziani*, Naples vers 1780-1790
Dimensions :
Largeur : 100 cm ; Profondeur : 54 cm
Un exemplaire similaire, réalisé avec des marbres issus des fouilles de la villa de Tibère à Capri, daté 1787 et dédicacé à Ferdinand IV publié dans le livre d’Alvar González-Palacios, « Il Tempio del Gusto, Roma e il Regno delle Due Sicilie », Milano, 1982, pl. LX, pages ...
... 24, 369.
Une paire de plateaux similaires, Collection Giovanni Pratesi, vente Sotheby’s Milan, 20 mars 2023, lot 156 (330 200 euros).
Un plateau similaire, vente Christie's Londres 13 Décembre 2018 lot 15 (40 000 livres sterling)
Bibliographie : Massimo Tettamanti, « Oggetti vulcanici a Napoli nel Settecento », 2021.
Notre avis :
Ces pierres volcaniques, issus des différents sites d’éruption du Vésuve et leurs positionnements géométriques reprenant la forme des pâtisseries napolitaines « Mostaccioli » nous permettent d’attribuer ce plateau à Mattia Valenziani.
Le choix judicieux d’une bordure jaune et d’un décor géométrique de cubes nous donne une composition très lumineuse qui attire inlassablement l’œil.
Les cubes aux faces inférieures sombres et supérieures claires sont encadrés de baguettes noires et blanches qui permettent un effet tridimensionnel en trompe-l’œil.
Il faut saluer la maîtrise technique de M.Valenziani qui nous livre ici un plateau constitué de plus de trois cents pièces de pierres patiemment taillées et polies.
Ce travail, caractéristique des productions italiennes, était permis grâce à plusieurs facteurs, la présence de ruines antiques, recouvertes par les couches éruptives du Vésuve et leurs fouilles qui fournissaient une manne quasi inépuisable de pierres dures à la richesse chromatique infinie, mais aussi la présence à Naples de la noblesse européenne venue visiter les ruines de Pompéi et d’Herculanum et qui seule, pouvait se permettre d’acheter ces pièces aux tarifs exorbitants.
Une fois arrivé à destination, les plateaux étaient montés sur des piètements, sur des meubles réalisés sur mesure ou simplement accrochés au mur, tel un tableau.
*Les Valenziani, le père Tommaso (Rome 1725 – 1780 Naples) et le fils Mattia (Rome 1746- Naples vers 1820) étaient des restaurateurs d'antiquités actifs à Rome.
Ils sont appelés par le roi de Naples Charles III en 1759 pour travailler sur les bronzes et les mosaïques excavés à Ercolano dans la Résidence Royale de Portici.
Grâce aux recherches menées par Massimo Tettamanti en 2021, nous connaissons les détails de l'activité de Valenziani à Naples.
Tommaso Valenziani a commencé la collection de pierres volcaniques du Vésuve probablement à la fin des années 1750 toujours conçue dans l'esprit des « cabinets naturalia », répondant à l'intérêt scientifique de la volcanologie, de la minéralogie et de la géologie de l'époque et des souvenirs de Naples, ville incontournable du Grand Tour.
William Hamilton, ambassadeur à Naples pour le roi George III, fait un hommage aux Valenziani dans son recueil d’observations sur le Vésuve « Campi Flegrei » écrit en 1776, (planche XXXXIX).
Tettamanti attribue aux Valenziani la collection des pierres de lave du Musée d’Histoire de Florence et identifiées dans le catalogue du musée, publié en 1790, avec une couverture en cuir vert portant les armoiries d'or des Bourbons et illustrées de détrempes avec l'éruption du Vésuve.
Ce catalogue était probablement un cadeau de la reine de Naples « Maria Carolina » pour son frère Pietro Leopoldo de Lorena, grand-duc de Florence.
Si Tommaso a limité son activité à la collecte de pierres volcaniques, son fils Mattia qui a beaucoup travaillé sur les restaurations des « Opus Sectile » antiques, ouvrira un atelier à Largo di Castello, en face du Teatro Reale di San Carlo à Naples où il produira des plateaux de table en « pietra dura ».
Retrouver le mobilier ou les objets d''art similaires à « Plateau en pietra dura, Mattia Valenziani, Naples vers 1780-1790 » présenté par Franck Baptiste Paris, antiquaire à Paris dans la catégorie Table & Guéridon Louis XVI, Mobilier.