Par Franck Baptiste Paris
Rare paire de tasses en porcelaine pâte dure de la manufacture de Meissen.
Modèle de forme polylobée avec un trés fin décor polychrome sur fond blanc.
Notre décor dit « Holzschnittblumen », est inspiré des gravures botaniques et entomologiques ; il comprend des rinceaux de fleurs (iris, roses..) et de nombreux insectes volants et rampants tel que des coccinelles, des doryphores, escargots, coléoptères , fourmis…
Marque bleue aux épées au revers d’une tasse.
Manufacture de Meissen vers 1735-1740 ; le décor attribuable au peintre Johann Gottfried Klinger actif à la manufacture entre 1726 et 1746.
La bordure du haut cerclée d’argent en Allemagne vers 1740.
L’ensemble monté sur un socle rocaille en bronze en Italie vers 1750-1760.
Bel état de conservation, un fêle sur une des tasses (au niveau de l’escargots).
Provenance :
Collection privée Rome.
Hauteur : 10,5 cm ; Diamètre : 10,5 cm
Notre avis :
La forme trés ...
... baroque de nos tasses nous permet de situer la production dans les années 1735-1740 soit deux décennies après la fondation de la manufacture de Meissen et la découverte du secret de fabrication de la porcelaine.
La datation est confirmée par le décor « Holzschnittblumen » de nos pièces qui s’inspire des gravures botaniques et entomologiques.
C’est le peintre naturaliste Johan Gottfried Klinger (1711-1781) qui sera chargé par la manufacture de transposer ces insectes et ces plantes sur la porcelaine.
Pour se faire il recopiera les plus belles gravures issues de recueils, comme le célèbre « Phytanthoza Iconographia » du grand botaniste Johan Wilhem Weinmann (1683-1741) qui sera un des ouvrages les plus utilisés.
Ce décor particulièrement raffiné fût rarement produit en raison de son coût exhorbitant ; un des plus bel exemple est le service aux armes des Ferrero qui fût offert par Auguste III au marquis d’Ormea, Carlo Francesco Vicenzo Ferrero (1680-1745), pour fêter sa nomination comme ambassadeur de Dresde dans les années 1740.
Il est d’ailleurs fort possible que nos deux tasses proviennent à l’origine de cet immense service.
Plusieurs éléments nous orientent vers cette possibilité, comme la forme polylobée, la nature et la finesse du décor.
Le fait aussi que la monture en bronze soit italienne, pays dans lequel nous avons trouvé ces deux tasses, or nous savons qu’une partie du service est retournée dans la patrie natale des Ferrero puisque trois assiettes sont conservées au Chateau Sforzesco à Milan et une autre au musée civique de Turin.
Il nous parait donc fort probable que ce cadeau diplomatique retourna à la famille de Savoie à la mort du marquis en 1745.
Si notre hypothèse était confirmé nos tasses feraient donc partie du service livré au Marquis d’Ormea quelques années avant sa mort en 1745, elles auraient reçu une monture en argent ou en vermeil dans un atelier d’Augsbourg afin d’être utilisées comme tasse couverte comme c’est souvent le cas dans les pays de l’empire germanique puis elles auraient rejoint l’Italie avant d’être montées sur bronze à la manière d’un objet d’art afin d’orner un cabinet de curiosité; le pays ne connaissant pas encore le secret de fabrication de ces précieuses porcelaines.
Enfin aucune pièce de forme de ce service n’est connue à ce jour alors qu’elles étaient obligatoirement livrées dans ces grands services qui comprenaient des centaines de pièces ; ce fait indique probablement qu’elles n’étaient pas armoriées contrairement aux assiettes et aux plats.
L’extrême rareté des pièces de cette forme et avec ce décor nous poussent à penser qu’elles découlent toutes de ce fameux service.