Par Baptiste Jamez Fine Art
Mobilier, objets d'art et tableaux du XVIIIe siècle - Orfèvrerie
Rare paire de flambeaux d’époque Empire en argent massif 1er titre. Chaque flambeau est orné de trois figures engainées d’égyptiennes portant le Némès, soutenant la douille à la forme d’un vase antique orné d’une frise de palmettes sur le fond et d’une frise de fleurettes délicatement ciselée sur les bobèches. Le fût de section hexagonale est finement gravé d’une chute de fleurons et de roses. Se rétrécissant vers la base, il repose sur une petite terrasse à moulure de godrons par trois pattes de lions griffues. Le pied circulaire à gorge et à terrasse unies est orné d’une frise de palmettes.
Gravés du monogramme MFT en lettres anglaises sur la base. Les bobèches marquées du même monogramme.
Poinçons – sur les flambeaux ainsi que les bobèches – :
• 1er coq Paris 1798-1809,
• Moyenne garantie Paris,
• Poinçon de l'Association des orfèvres.
• Maître-orfèvre : JGAB, un casque au milieu de drapeaux (Gabriel-Jacques-André ...
... BOMPART).
Cette paire est à rapprocher de flambeaux en argent doré provenant des collections impériales des tsars de Russie par l’orfèvre Pierre PARAUD conservés au musée du Louvre (inv. OA9875) ainsi que d’une paire vendue par la veuve de Pierre PARAUD, Marguerite HOGUET, vers 1813. De même pour une paire de flambeaux présentés dans le cadre du Musée centennal à l’Exposition Universelle de 1900 à Paris provenant de la collection ARTUS.
Le célèbre maître-fondeur Claude GALLE produira de nombreuses variantes similaires à ce modèle, en bronze ciselé et doré, dont il livre un exemplaire en 1804 au palais de Fontainebleau et dont un modèle est inventorié en 1813 dans la bibliothèque de l’Impératrice au Palais de l’Élysée, la circulation des motifs s'expliquant par la diffusion de recueils de dessins à l’usage des orfèvres, notamment par l’architecte Charles PERCIER, l’Empereur NAPOLÉON faisant de la nécessité d’instaurer un style impérial un objectif politique.
Ces flambeaux sont un rare et intéressant témoignage de l’orfèvrerie de table aux débuts du Ier Empire, de ce que l’on appellera le "style Retour d’Égypte".
L'Égypte exerce une fascination depuis des siècles, et notamment en France depuis le XVIIIe siècle avec la diffusion d’ouvrages de voyageurs comportant des illustrations précises. Des objets s’inspirant de l’art égyptien sont apparus en France et en Europe, constituant le courant de ce qui sera appelé l"’égyptomanie". La reine MARIE-ANTOINETTE, ainsi que le comte d'ARTOIS, entre autres, montrera un goût marqué pour ces décors dont elle contribuera à lancer et développer la mode.
Lorsque le général BONAPARTE s’embarque pour la campagne militaire d’Égypte avec cette conscience, il demande à ce qu’un nombre important de savants accompagne l’armée. Très tôt, il est décidé que le produit de leurs recherches et relevés doit être publié, et en 1802 le consul ordonne la publication de la Description de l’Égypte, qui deviendra l’ouvrage le plus monumental jamais publié.
Instrumentalisée par l’État afin de faire oublier l’échec militaire cuisant de cette campagne, une véritable mode officielle sera organisée en France, gagnant toute l’Europe jusqu’à la Russie.
Le style Retour d’Égypte à proprement parler s’étendra sur une assez courte période, faisant place au style Empire politique, mais fit preuve d’une remarquable inventivité et d’une grande finesse d’exécution, préambule au style officiel qui dominera ensuite la période.
L’une des caractéristiques du courant sera la production d’objets de grande qualité. Services de table à l’égyptienne par la Manufacture de SÈVRES, objets d’orfèvrerie par AUGUSTE, mobilier, flambeaux, chenets ou encriers par les plus illustres ébénistes et bronziers du temps, constituent de précieux témoignages dans la veine desquels s’inscrivent notre paire de flambeaux.
La raffinement de ces objets correspond sans doute à ce que l’on a relevé comme un renouveau après l’obscurité de la Révolution et du Directoire, renouveau d’autant plus développé qu’il sera voulu par un consul devenu empereur désireux d’asseoir rapidement son régime dans la continuité des plus grandes périodes historiques du royaume.
Il est à ce titre intéressant de mentionner cet extrait d’un texte d’Henri BOUILHET (1830-1910), membre fondateur et président de l’Union Centrale des Arts décoratifs :
"On doit le reconnaître, à ce moment de l’Empire, les mœurs avaient reconquis l’allure et le ton de bonne compagnie de l’ancien régime, et des maisons s’étaient formées qui auraient pu, sans aucunement en souffrir, supporter la comparaison des mieux réputées du temps de Louis XVI. La table surtout avait perdu dans ces milieux « de sa pléthore démocratique et de ses splendeurs de parvenu ». On s’habituait à l’idée que le goût vient de la mesure, et qu’il y a de la grâce à substituer la qualité à la quantité. Grâce à des éducateurs, tels que Talleyrand, Mme de Montesson et quelques autres personnages distingués, on comprenait qu’un couvert, pour être au point, ne doit pas s’embarrasser des accumulation bâtardes qu’on avait vues s’étaler sous le Directoire, et des sottes argenteries qu’on avait si fort admirées à l’origine. Le type confortable d’une salle à manger d’alors n’est ni pompéienne, ni étrusque absolument, mais ornée de stucs de tons reposés et limpides, sans trop de meubles, ni de matériel. La table est ronde, supportée par des chimères ou des sphinx, couverte d’une nappe de Saxe, passée au cylindre, brodée au chiffre du maître. Au centre est la jardinière d’argent (…) puis voici les flambeaux, dont les branches se terminent souvent par des têtes égyptiennes, et dont les pieds s’appuient sur des griffes de lion".
Les témoignages d’orfèvrerie de cette courte période stylistique sont cependant rares, principalement concernant les flambeaux d’argent. Si de nombreux modèles de flambeaux en laiton, laiton doré et bronze doré de style Retour d’Égypte sont connus, peu de flambeaux d’argent massif existent. Cela fait de cette paire un témoignage d’autant plus précieux.
GABRIEL-JACQUES-ANDRÉ BOMPART
Jacques-Gabriel BOMPART est un orfèvre peu connu. Nous savons qu’il a fait insculper son poinçon à Paris en 1803 et qu’il est établi à Paris au n° 20 de la place Dauphine .
Son style s'incarne en la période Empire, BOMPART développant une maîtrise absolue et remarquable du vocabulaire iconographique de cette période. Ainsi notamment d’un remarquable sucrier au papillon provenant de la donation HUGOT ou d’un exceptionnel confiturier en vermeil, conservés au MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS de Paris (inv. 29291 et inv. 45814).
EXPOSITIONS :
• PARIS, MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS, 40 ans de la Fondation Hugot du Collège de France, Hommage à Hélène et Jean-Pierre Hugot donateurs du Musée des Arts Décoratifs
• PARIS, MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS, Ils donnent : 10 ans de donations, 20 mars 1979 – 13 juillet 1979
• PARIS, MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS, A quoi ça sert ? Se reposer, se nourrir – Se nourrir : les services, Galerie d'études, 15 septembre 2006 - janvier 2008