Nature morte avec ara, écureuil et épagneuls - Attribué à Reynaud Levieux (1613-1690)

... affronte courageusement deux petits épagneuls nains installés sur un luxueux coussin de velours rouge généreusement brodé de fils d’or et orné de pompons. Captivée par cette atmosphère tendue nous apercevons à peine un autre intrus : un écureuil qui grignote tranquillement une grappe de raisin.
A gauche au premier plan notre œil est attiré immédiatement par deux melons, dont un entrouvert et bien mur. Le rendu réaliste de sa peau à la texture bosselée réveille notre sens de toucher, il semble que cette surface rugueuse créée grâce a des généreux empattements puisse rompre la toile, tel un fruit prêt à éclater.
Un éclairage chaud épars créant un clair-obscur trahit l’influence italienne. C’est ainsi que les fruits et les animaux surgissent des ténèbres avec une force esthétique et un aspect tridimensionnel.
Notre œuvre est une variante de la composition perdue de Reynaud Levieux connue par des répliques et sa publication dans le catalogue de Jean Wytenhove Reynaud Levieux et la peinture classique en Provence (Aix-en-Provence, 1990, p. 58, repr.), notre tableau illustre à merveille la célébrité de cette composition en son temps.

Œuvres en rapport par Reynaud Levieux :
• Nature morte – fruits, perroquet, chiens et écureuil, Villa Vauban, Musée d'Art de la Ville de Luxembourg, huile sur toile, dim. inconnues.
• Perroquet affrontant deux épagneuls sur un coussin à passementerie, huile sur toile, 76,2 x 96 cm Christie’s Paris, 19/12/2007, lot 489
• Nature morte à l’épagneul, huile sur toile, 75 x 90 cm, Inv .: L.83.2, Musée des Beaux-Arts de Marseille

Reynaud Levieux, connu surtout pour sa production religieuse empreinte d'un austère classicisme hérité de Raphaël et le Corrège, ses peintres modèles, réalise pendant sa longue carrière de subtiles natures mortes destinés à une clientèle d’amateurs et à l’ornementation d’hôtels particuliers. Cet aspect de sa production est aujourd’hui moins connu, est un jalon essentiel pour mieux appréhender le talent qu’il déploie en ce genre. Comme en témoigne ses tableaux, le peintre est grandement influencé par le maître italien de la nature morte baroque Romaine Franceso Noletti ou Fieravino actif à Rome entre 1636 et 1654, période du premier séjour romain de Reynaud Levieux.
Cette période correspond à un tournant dans l’art de la nature morte italienne.
Les premières natures mortes italiennes, autour de 1600, sont minutieuses et précises, avec souvent des significations symboliques, liées à la religion, à la vanité des nourritures terrestres, à la fugacité de la vie. Quelques décennies plus tard, la nature morte italienne épouse le style baroque, qui lui convient à merveille : elle recherche toujours l’illusion, le rendu fidèle des matières, mais dans l’abondance, l’amoncellement et le luxe. Devenue objet de décoration, elle gagne en virtuosité et en facilité ce qu’elle perd en spiritualité.

Reynaud LEVIEUX (Nîmes, 1613 – Rome, 1690)

Fils d'un peintre-verrier, protestant d'Uzès, fixé vers 1612 à Nîmes, Reynaud Levieux naît le 6 janvier 1613.
Après une première formation dans l'atelier de son père, dont il gardera toujours le goût pour une peinture lisse, contrastée et d'une technique impeccable, il part pour Rome en 1635.
Il fait partie d'une équipe de six peintres avec Pierre Mignard, Jean le Maire, Charles Errard, Jean Nocret et Nicolas Chaperon.
Sous la direction de Nicolas Poussin, il copie Raphaël - deux peintres qui au demeurant le marqueront profondément.
Ses toiles de cette période ne sont pas toutes connues et on commence à en découvrir, parfois cachées sous des noms illustres, comme Thésée découvrant les armes de son père qui était attribué à Laurent de La Hyre.
Il regagne Nîmes en 1645 et puis s’installe à Montpellier en 1649, il participe à la décoration de l'hôtel d'Autheville, exécute des cartons de tapisserie sur le thème de la Vie de Moïse.
Établi ensuite en Avignon, il peint en 1651 une Sainte Famille pour les Chartreux (collégiale de Villeneuve-lès-Avignon) ; il peint la Purification de la Vierge (1654) pour Notre-Dame-des-Doms. Il entre en 1659 dans la confrérie des Pénitents noirs, pour laquelle il peint une Déposition de Saint Jean-Baptiste (musée de Nîmes).
Il peint de nombreux tableaux pour les hôtels particuliers et notamment ses fameuses natures mortes où l’on retrouve ses animaux fétiches, épagneuls et perroquets, parfois écureuils. Il en existe plusieurs versions plus ou moins détaillées avec ajout de fruits ou de fleurs et de différents formats.
En 1669, Reynaud Levieux repart pour Rome où il résidera le restant de sa vie durant trente ans pendant il continue de peindre et envoyer ses peintures en Provence. Reynaud Levieux meurt le 18 mars 1699 et sera enseveli le lendemain dans l'église Sainte Marie-des-Anges (Santa Maria degli Angeli) à Rome.

Bibliographie :
Henri Wytenhove, Reynaud Levieux, Aix en Provence, 1990, p. 58