Par Galerie de Frise
L’IMITATEUR DE GIORGIONE
(France ou Italie, début du XVIIe siècle)
Etude d’homme en armure
Huile sur toile en deux pièces avec une couture vers le bas (réentoilée au XXe siècle)
H. 78 cm ; L. 45 cm
Œuvres en rapport :
- Giorgione, Retable de Castelfranco. Castelfranco Veneto, Duomo.
- Imitateur de Giorgione, Homme en armure. Huile sur panneau, 39,7 x 27 cm. London, National Gallery, NG 269 (Bequeasted by Samuel Rogers, 1855).
- Philippe de Champaigne, Portrait de Gaston de Foix. Huile sur toile, 216 x 140 cm. Versailles, Musée national du château.
Ce tableau énigmatique évoque de toute évidence le Portrait de Gaston de Foix, livré en 1635 par Philippe de Champaigne pour la galerie des Illustres du Palais-Cardinal, rue Saint-Honoré (résidence parisienne de Richelieu (devenue Palais-Royal). Si la posture, les armes et l’armure sont quasiment identiques, ainsi que le fond d’un noir d’encre et la disposition des pieds sur un sol brun clair, les ...
... visages diffèrent. Le Gaston de Foix de Champaigne, cheveux courts bouclés et mince collier de barbe, nous regarde avec franchise. Par contre, l’homme de notre tableau a les cheveux longs et lisses, le visage légèrement incliné, les yeux baissés dans une expression de recueillement quelque peu christique.
Cependant, notre homme en armure ne semble pas une variante a posteriori de la peinture de Champaigne. Pour composer son œuvre, Philippe de Champaigne s’est inspiré d’une petite huile sur panneau attribuée en son temps à Raphaël, conservée dans la collection du duc de Saint-Simon (Claude, père du mémorialiste). Cette œuvre était considérée à l’époque comme un portrait de Gaston de Foix, d’où la réutilisation quasi complète par Champaigne. Il lui a emprunté jusqu’au rideau de velours marron qui tombe sur la droite, modifiant principalement le visage.
Passée ensuite au célèbre Saint-Simon, puis après sa mort au collectionneur Vigné de Vigny, pour échouer dans la collection du prince de Conty, elle rejoint l’Angleterre en 1812 et après deux changements de propriétaires elle est léguée à la National Gallery en 1855. Cette huile sur panneau est revenue à une attribution plus modeste sous le nom « d’imitateur de Giorgione ». Le personnage en armure est en effet repris du Saint Georges (ou Saint Nicaise) qui figure sur la gauche de la Vierge à l’Enfant dans le retable de Castelfranco. Toutefois le saint guerrier de Giorgione est imberbe, muni d’un casque, et garde la tête haute et les yeux grands ouverts (notons que l’œuvre, abîmée en 1603, a été fortement restaurée en 1674 par Pietro Vecchia). La copie de la National Gallery apporte donc une modification notable au personnage de Giorgione qu’elle isole au demeurant sur la neutralité d’un fond noir.
Deux fois plus grande que la version de Londres, notre peinture lui est semblable à un détail près. L’index de la main gauche, posé sur la lance, se recourbe comme un crochet alors qu’il reste allongé sur notre tableau (position d’ailleurs conforme à la main telle que peinte par Giorgione). Cette dernière observation laisse supposer que notre toile, plus fidèle à l’original vénitien, pourrait être antérieure au panneau que Champaigne a pris pour modèle.
Il reste à ce stade plus de questions que de réponses. On peut imaginer que notre tableau et celui de Londres ont le même auteur. Mais quelle était son intention ? Pourquoi un visage recueilli aux yeux baissés a-t-il été substitué à celui du saint en armure de Giorgione ? Pourquoi le panneau de la National Gallery a-t-il été considéré comme un Raphaël dans la collection Saint-Simon ? Etait-ce là une contrefaçon délibérée ou une réinterprétation frauduleuse due à quelque marchand peu scrupuleux ?
Puisque Philippe de Champaigne a lui-même imité le tableau aujourd’hui à Londres, et comme notre toile semble précéder ce dernier, il a bien fallu que notre copiste passe auparavant par la Vénétie. Et cela avant les années 1630. Est-il hasardeux de remarquer que le choix d’un fond ténébriste évoque le monde de Caravage et de ses disciples italiens ou français ? Notre Homme en armure aurait-il été rapporté par un artiste présent dans la péninsule dans les années 1610 ou 1620 ?
Enfin, pour ajouter à la confusion, signalons qu’une naïve gravure anonyme du XVIIe siècle tirée de Champaigne, intitulée « Gasto de Foix » (sic), donne au chef de guerre une chevelure et une barbe qui se rapprochent plus de notre effigie que de la toile peinte pour la galerie des Illustres ! Le chemin reste obscur, qui conduit de Giorgione à Champaigne et de Venise à Paris…
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