Par Franck Baptiste Paris
Rare sculpture en bronze représentant l’enlèvement de Dejanire par le centaure Nessus.
Le sujet de notre bronze est inspiré du livre N°IX des Métamorphoses d'Ovide, au moment ou pour franchir un fleuve, Hercule confie Déjanire au centaure Nessus qui, séduit par la beauté de la jeune femme, en profite pour l’enlever.
La scène et prise sur le vif et représente le rapt, avec le centaure cabré qui arrache Déjanire du sol .
Il porte littéralement le corps de Dejanire sous son bras droit.
Trés surprise et déséquilibrée, elle agite les bras en l’air et regarde le sol terrifiée alors que le moitié de son corps pend dans le vide.
Patine médaille légèrement mordorée, belle qualité de fonte et de ciselure.
Socle rectangulaire en bois noirci.
Ecole française vers 1840-1850.
Dimensions :
Bronze : Hauteur : 41 cm ; Largeur : 37 cm
Socle : Largeur : 39,5 cm ; Profondeur : 20,5 cm
Hauteur : Totale : 57 cm
Notre bronze est une variante ...
... crée par Antonio Susini (appelé type B par les spécialistes de l’artiste) d’un bronze de Jean de Bologne.
Sur ce modèle Dejanire n’est plus assise sur le dos du centaure mais portée par lui sur le coté.
Un exemplaire original attribué à Susini est conservé au musée du Louvre (N°inv OA 9520)
Il porte le numéro 175 de l’inventaire des bronzes de la couronne et provient d’un don fait par André le Nôtre au roi Louis XIV.
C’est probablement cet exemplaire qui servit de maitre modèle aux fontes françaises du 17 et 18 ème siècle.
Le musée conserve d’ailleurs une des ces fontes réalisée en France au 17 ème siècle sous le numéro d’inventaire : OA 3891.
Une version de ce modèle de type B était présente dans la collection du cardinal de Richelieu lors de son décès en 1643 et une autre dans la collection du sculpteur François Girardon en 1710.
Bibliographie :
-Les bronzes de la couronne, catalogue de l’exposition du Musée du Louvre Paris, du 12 avril au 12 juillet 1999.
- Charles Avery and Anthony Radcliff, "Giambologna 1529-1608: Sculptor to the Medici"
Notre avis :
Jean Bologne a conçu son prototype du Centaure Nessus enlevant Déjanire vers 1576, ce qui est attesté par un bronze aujourd’hui conservé à la galerie Colonna à Rome.
C’est son oeuvre phare et nous pouvons même affirmer sans crainte que c’est un des chefs d’oeuvre de la sculpture européenne de la renaissance.
La contorsion, la tragédie, la peur, la puissance mais aussi la délicatesse caractérisent parfaitement ce bronze qui a marqué toute une génération d’artiste.
On retrouve des inspirations de cette oeuvre au fil des siècles; notamment dans les sculptures de nombreux artistes, comme par exemple dans le rapt de Prospérine du Bernin.
Le modèle sera apprécié dans l’Europe entière grâce à sa diffusion par le biais de «petits bronzes» dont Antonio Susini, élève et gendre de Jean de Bologne, s’était fait une spécialité.
Il va d’ailleurs lui même réinterpréter l’oeuvre en proposant une variante (type B) ou Déjanire n’est plus assise sur le centaure mais portée dans ses bras.
Cette composition correspond au modèle que nous présentons et connue elle aussi un grand succès à tel point que Jean de Bologne lui même en acheta un exemplaire.
Le sujet dut beaucoup plaire au roi Louis XIV, puisqu’en 1693 il possédait déja deux enlèvements.
Le Grand Dauphin ou encore le Nôtre détenaient eux aussi des bronzes similaires à la même période.
Au tournant du siècle les collections royales compteront pas moins de sept exemplaires, plusieurs versions originales de Jean de Bologne, mais aussi les versions de Susini ou encore celle de Pietro Tacca.
Quelques ateliers français réaliseront de trés belles fontes de ces modèles tout au long du 17 et 18 ème siècle afin de satisfaire une élite financière désireuse de copier le roi.
Après la révolution cette mode pour la sculpture de la renaissance réapparaîtra sous le règne de Louis-Philippe qui transforme le chateau de versailles en musée et expose les plus belles sculptures issues des collections royales.
Les membres de la noblesse sont alors nostalgiques de la gloire de l’ancien régime et ils ne vont pas hésiter à faire rééditer les pièces du passé.
Cette production précoce, qui sera ensuite industrialisée sous Napoléon 3, est encore réalisée par des artisans formés selon les méthodes ancestrales de la corporation des fondeurs ciseleurs ; c’est à dire avec un apprentissage et une accession à la maitrise, ce qui leur permet d’obtenir des bronzes de grandes qualités.
Notre sculpture est un trés bel exemple de cette production française du milieu 19 ème siècle.
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