Le Dernier Jour de Corinthe - Tony ROBERT-FLEURY (1837 - 1911)

... ville, après avoir subi un horrible pillage, était détruite au son de la trompette. Le feu ayant été mis aux édifices, tout l’espace compris entre les murs s’embrasa." (Tite-Live. Livre II, chap. 15)

Le peintre Tony Robert-Fleury illustre le désarroi des femmes de cette ancienne cité qui fut la plus prospère de Grèce. Terrifiées par leur sort imminent, elles se réfugient aux pieds de la statue d’Athéna. En contraste frappant, le général Lucius Mummius et son armée affichent une allure triomphante et glorieuse, dominant la ville en flammes.

Cette étude préliminaire du “Dernier jour de Corinthe” annonce le projet ambitieux de l’artiste dont l’œuvre définitive est exposée au musée d'Orsay (format de 400 x 600 cm). Le cachet "Ottoz Frères" au dos de la toile compris entre 1859 et 1866, ainsi que l’information nous indiquant que l’artiste met trois ans pour réaliser le grand tableau du salon 1870, nous amène à dater notre œuvre aux alentours de 1866.

Cette étude est une clef pour comprendre le cheminement de l’artiste vers l’achèvement de sa toile finale. Elle révèle l'introspection de Tony Robert-Fleury face à son travail et présente de nombreux repentirs. Le tripode, initialement prévu en arrière-plan, occupe désormais une position centrale. La statue d’Athéna a également été relevée et mise en avant.

Par rapport à la version finale, le général romain se fond davantage dans la foule et le casque appartenant à son armée, disposé au sol, disparaît. Ces changements accentuent l'image d'une victoire totale des Romains sur les grecs. Les femmes, d'abord vêtues de blanc dans l’étude, arborent ensuite des tenues plus colorées et sont plus dénudées dans la version finale augmentant ainsi le tragique de la scène. Le tripode de célébration religieuse cède la place à une armure romaine se référant à une célébration guerrière. La statue d’Athéna change de position et de symbolique : debout avec son bouclier, symbole guerrier et de défense, dans l'étude, elle est assise avec sa lance dans la version finale, symbole de sagesse et de combat offensif. Dans les deux versions, la déesse porte l’égide, peau de mouton assurant la protection de la souveraineté, en fort contraste avec la réalité historique. La dense fumée noire provient du temple dans l’étude, mais émane de la ville dans la version finale, laissant entrevoir l'actuel site du Temple d’Apollon.

Cette œuvre préparatoire tient une place prépondérante dans de l’atelier l’artiste et montre ainsi l’importance qu’il lui accorde (voir photo prise entre 1885 et 1890). Elle figure aux côtés du portrait de son maître Paul Delaroche vingt ans après l’exposition de la version finale.