L'arbre aux oiseaux par Albert Flamen (1620-1674)

... informations dont nous disposons suggèrent qu’il a été actif comme artiste dans le deuxième tiers du XVIIème siècle et qu’il résidait entre 1636 et 1650 dans la paroisse de Saint-Sulpice à Paris. Fidèle à la tradition flamande, c’est un dessinateur et un graveur qui privilégie la représentation de paysages, d’oiseaux et de poissons dans des œuvres de petit format méticuleusement exécutées.

Alors que l’œuvre gravée de Flamen est très importante (625 pièces connues), grâce en particulier à son travail d’illustrateur de livres d’emblèmes (qui représentent 40% de ses œuvres gravées), ses dessins sont assez rares sur le marché. Un des livres les plus étonnant qu’il ait illustré est l’Orphée eucharistique du Révérend Père Augustin Chesneau. Dans une fantaisie toute baroque, les images les plus inattendues, souvent animalières, deviennent par la grâce d’explications complexes et savantes des emblèmes eucharistiques ! Les deux estampes reproduites dans la galerie « la Cigogne adultère, qui se sert de l’eau d’une fontaine pour cacher son infâme commerce » ou encore « l’Apode des Indes qui fait ses œufs, les couve et les fait éclore dans le dos de son mâle » nous donnent une idée de l’étendue de son imagination …

2. Un paysage onirique, à la limite du fantastique

Le dessin que nous présentons, finement éxécuté à la plume avec une modulation dans les arrière-plans est assez typique d’une partie de la production de l’artiste, comme en témoigne ce Paysage des collections du British Museum (quatrième photo de la galerie).

Notre dessin nous a toutefois surtout séduit par son caractère onirique, à la limite du fantastique. L’espace de la feuille est dominé par la représentation tentaculaire d’un arbre de taille immense aux nombreuses ramifications dont la masse surplombe un pêcheur installé paisiblement au bord de l’eau.
Avec un peu d’imagination, cet arbre pourrait même évoquer une sorte de dragon menaçant dont le corps serait constitué du tronc ventru de l’arbre, les pattes des racines, la queue de la branche basse, et les ailes des deux branches situées à mi -hauteur du tronc !

Enfin, même s’il est à peu près certain que Caspar David Friedrich n’a jamais vu notre dessin, il nous semble également intéressant de le rapprocher de l’une des compositions les plus célèbres de ce dernier, L’arbre aux corbeaux (dernière photo de la galerie) réalisée en 1822 et conservée au Musée du Louvre.

3. Provenance et encadrement

Notre dessin a appartenu à deux amateurs de dessins bien connus. Le premier, Paul Frantz Marcou (dont la marque un grand M, avec, à l'intérieur, à gauche un petit P, à droite un F, tous deux ornés, figure en bas à droite de notre dessin) était un Inspecteur général des Monuments Historiques né à Paris en 1860. Il forma lui-même sa collection, qu’il commença très jeune, vers 1880 en achetant des dessins uniquement pour son plaisir et sans prédilection particulière de période et d’époque, même si celle-ci rassemblait surtout des feuilles de l’école italienne des XVII et XVIIIème siècle.

Ce dessin passa ensuite de la collection personnelle du marchand et expert Paul Touzet (1898 – 1981). Celui-ci ouvre dans l’entre-deux-guerres sa première galerie rue de l’Université. Il s’installe ensuite rue des Beaux-Arts où il présente surtout des tableaux hollandais et flamands. L’expertise en vente publique devient son activité principale dans les années 60 et il officie comme un des experts de tableaux les plus réputés dans les ventes parisiennes jusqu’à sa disparition en 1981.

C’est vraisemblablement à lui que l’on doit le très bel encadrement dans lequel nous présentons ce dessin : un cadre du XIXème siècle dans le style hollandais en bois noirci et écaille sur paillon d’or.