Par Stéphane Renard Fine Art
Cette paire de tableaux largement référencée constitue une des productions les plus réussies de Francesco Conti, un des meilleurs peintres du XVIIIème siècle florentin. Dans un chatoiement de couleurs typique des meilleures productions de l’artiste, il nous présente ici deux figures de la Bible que tout oppose : la vertueuse Judith, qui par son courage sauve son peuple en tranchant la tête de l’envahisseur Holopherne, et Salomé la dépravée qui sous l’emprise de sa mère devient responsable de la décapitation du prophète Jean-Baptiste.
Tout le talent de l’artiste est d’avoir réussi à traiter ces deux sujets macabres avec légèreté, en nous présentant deux personnages de femmes qui semblent virevolter avec allégresse au milieu des têtes coupées...
1. Francesco Conti, le « Tiepolo Florentin”
Francesco Conti est un peintre majeur de l’école florentine du 18ème siècle ; il peut même vraisemblablement être considéré avec Giovanni Domenico ...
... Ferretti (1692-1768), comme l’un des deux principaux peintres du deuxième quart du dix-huitième siècle florentin.
Né à Florence en 1682, Francesco Conti commence son apprentissage dans l’atelier de Simone Pignoni (1611 – 1698), un disciple de Francesco Furini ; il est également influencé par le vénitien Sebastiano Ricci. Protégé par le marquis Riccardi, il l’accompagne entre 1699 et 1705 à Rome où il fréquente l’atelier de Carlo Maratta. Il s’établit définitivement à Florence en 1705.
Peignant uniquement sur toile, la majeure partie de son œuvre est constituée de sujets religieux, tableaux d’autel ou œuvres de dévotion privée. Il est d’ailleurs probable que Conti était lui-même profondément pratiquant, comme le prouve son adhésion, dans la troisième décade du dix-huitième siècle, à la Compagnie des Disciples de Saint Jean Baptiste, et son entrée à la fin de sa vie dans la fraternité de la Vénérable Compagnie de la Très Sainte Trinité.
A Florence, Conti travaille pour les principaux mécènes du Grand-Duché, dont les derniers Médicis et confirme son rôle de peintre de référence sous la Régence de Lorraine, en tant que maître de l'École Publique de Dessin, étroitement liée à l’institut responsable de la fabrication des mosaïques de pierres semi-précieuses, alors situé dans le complexe des Offices.
Matteo Marangoni, un critique d’art du début du XXème siècle, vantait déjà son « pinceau plein d’élégance et d’esprit vraiment 18ème siècle » en soulignant que Conti était « vraisemblablement un des meilleurs coloristes » de l’école florentine de son temps. Ce sont ces deux caractéristiques qui amenèrent l’historien de l’art Paolo dal Poggetto à le surnommer le « Tiepolo Florentin ».
2. Judith et Salomé, deux histoires bibliques que tout oppose
Ces deux tableaux forment une paire présentant deux épisodes bibliques, qui ont en commun de figurer une « héroïne » portant la tête franchement tranché d’un homme. Alors que l’épisode de Salomé pourrait au premier abord sembler être un écho de l’histoire vétérotestamentaire de Judith, tout oppose ces deux personnages.
Judith, dont l’histoire est racontée dans le Livre de Judith, est une belle et jeune veuve de Béthulie qui, accompagnée de sa servante se rend dans le camp de l’envahisseur assyrien et gagne la confiance d’Holopherne, le général commandant l’armée ennemie. Invitée à un grand festin, elle profite de l’ivresse d’Holopherne pour lui trancher la tête. Judith est donc un modèle de femme forte, profondément croyante, qui par son action courageuse libère son peuple et le conduit à la victoire sur l’envahisseur.
Le personnage de Salomé s’oppose point par point à celui de Judith. Elle est la fille d’Hérodias qui a quitté son premier mari pour épouser Hérode Antipas, le frère de celui-ci. Salomé est une enfant qui vit dans une cour dépravée; elle obtient la décapitation d’un homme juste sous l’emprise de sa mère dont elle assouvit un caprice.
3. Description des œuvres
Judith est représentée à mi-corps, le visage fardé et le corps parée de ses plus beaux atours. Le chatoiement des couleurs évoque une triomphatrice lumineuse. Elle s’appuie de sa main droite sur le cimeterre dont elle vient de trancher la tête d’Holopherne, qu’elle brandit de sa main gauche, tenant la tête par les cheveux. Sa servante accroupie en bas à droite ouvre sa besace, afin d’y recueillir la tête tranchée.
Les plis anguleux des vêtements de la servante sont caractéristiques des œuvres de jeunesse de Francesco Conti comme son Ascension de la Vierge ou Le Christ dans le Jardin. Ils suggèrent une réalisation de ces tableaux probablement dans la deuxième décennie du dix-huitième siècle.
Salomé est également représentée comme une femme et non comme une jeune fille. Alors qu’elle avance pour apporter le plat contenant la tête du prophète à sa mère, elle se retourne vers le garde ayant décapité Saint-Jean Baptiste, comme le suggère l’épée tenue par celui-ci d’une main ferme. Le tourbillon d’étoffe de couleur rouge qui l’entoure, et qui pourrait avoir une connotation maléfique, accompagne son corps en mouvement.
Le triangle formé par les trois têtes (celle de Salomé qui semble se retourner vers le garde, son bras qui guide notre regard de celui-ci à la tête de Saint Jean-Baptiste, qui bien que les yeux clos semblent toutefois fixer Salomé) nous semble être particulièrement réussi et plein de maestria.
La présence de plumes dans la coiffure de ces deux femmes est également un détail particulièrement charmant : marques d’une coquetterie pleine de légèreté, ces plumes contrastent avec le caractère macabre des deux épisodes représentés et sont un des détails les plus représentatifs du traitement néo-maniériste qui nous est proposé ici.
Ces deux tableaux ont été identifiés comme deux œuvres importantes de Francesco Conti depuis les travaux de Sonia Meloni Trkulja qui sont à l’origine du regain d’intérêt porté depuis les années 80 à l’œuvre de Francesco Conti, comme en témoignent le grand nombre de publications dans lesquels ils apparaissent.
La qualité de ces deux toiles, leur singularité dans l’œuvre de l’artiste et la faible représentation de cet important artiste florentin dans les collections de la Galerie des Offices (dans lequel figurent uniquement son autoportrait et deux œuvres aux coloris plus sombres, une Crucifixion et un Chemin du Calvaire) avait amené la Galerie à envisager leur acquisition lors de la délivrance de la licence d’exportation de ces deux œuvres. Cette acquisition ne s’est finalement pas matérialisée, ce qui nous permet aujourd’hui de les présenter pour la première fois en dehors d’Italie.
Littérature :
S. Meloni Trkulja – Francesco Conti illustrato, Arte Cristiana, 707 (1985) pages 85-86
F. Berti – Francesco Conti – (2010) Edifir Edizioni Firenze pages 134- 135
Conditions générales de livraison :
Les prix indiqués sont les prix au départ de la galerie.
En fonction du prix de l'objet, de sa taille et de la localisation de l'acheteur nous sommes en mesure de proposer la meilleure solution de transport qui sera facturée séparément et effectuée sous la responsabilité de l'acheteur.