Par Galerie de Frise
Jean-Jacques CHAMPIN (Sceaux, 1796 - Paris, 1860)
et Jean-Baptiste THOMAS (Paris, 1791 - Paris, 1833)
William Wallace remerciant le ciel d’avoir pu échapper à Edouard Ier, d'après Les Chefs Ecossais de Jane Porter
Aquarelle
H. 74,5 ; L. 61 cm
Signée en bas à et datée 1820
Exposition : Salon de 1822 sous le numéro 209 : « Wallace, aquarelle. Il sort d’un souterrain communiquant au cimetière de l’abbaye de Fincklay, et s’échappe aux poursuites d’Edouard Ier, roi d’Angleterre. Sujet tiré des Chefs Ecossais. Les figures de ces deux tableaux * sont de M. Thomas. »
* L’autre tableau est le numéro 208 : « La Mort de Malvina, aquarelle. Elle expire dans les bras d’Ossian aveugle. »
Né à Sceaux, Jean-Jacques Champin était le fils d’un ancien écuyer-fourrier du logis du Roi qui devint maire de Sceaux et prénomma son fils Jean-Jacques en hommage à Rousseau. Champin restera fidèle à sa ville natale où il sera un familier de ...
... Napoléon Mortier, duc de Trévise, propriétaire du domaine de Sceaux. Sa première lithographie aura pour titre L’église de Sceaux et l’entrée du parc de Trévise, et il dessinera de nombreuses vues de Sceaux et de l’Ile-de-France. Élève de Felice Storelli et de Jacques Auguste Régnier, un élève de Bertin, Champin s'est principalement consacré au paysage, qu’il a le plus souvent traité à l’aquarelle ou dans cette technique dont il fut un pionnier dès son apparition en France : la lithographie. Encouragé par Régnier, il a participé à divers ouvrages permettant de découvrir des sites de France ou d’Italie. Son recueil des Habitations des personnages les plus célèbres de la France depuis 1790 jusqu’à nos jours a été préfacé par Charles Nodier. Champin avait fréquenté dans les années 1820 le Salon tenu par ce dernier à la Bibliothèque de l’Arsenal, ce qui lui permit de côtoyer tout le cénacle romantique.
Or, bien qu’elle s’inscrive dans la suite du courant « troubadour » né au tout début du siècle, c’est déjà un souffle romantique qui anime la grande aquarelle que nous présentons. Le sujet est tiré d’un épisode de la vie de William Wallace (1272-1305), héros de l’indépendance écossaise qui mena son peuple contre la domination des Anglais sous le règne d’Edouard Ier et connut une fin cruelle. Mais dans notre image, Wallace a réussi à s’échapper grâce à un souterrain, et l’artiste le représente à genoux, les bras levés vers le Ciel, comme pour lui rendre grâces de son salut. Le personnage, toutefois, est minuscule, de même que le petit moine qui disparaît sous un porche. (Pour réaliser ces figures, Champin a d’ailleurs eu recours à un spécialiste, le prix de Rome Jean-Baptiste Thomas ; ce genre de collaboration était fréquent entre peintres.) C’est que le véritable sujet du tableau est cette impressionnante abbaye gothique, dessinée avec une précision d’architecte, dont les tours sont vues en contre-plongée. Curieusement, l'édifice se trouve en partie ruiné, alors qu’on pourrait le supposer récemment construit… Laissé à l’abandon, envahi par la végétation, - avec ce grand buisson de roses trémières et ces herbes folles à l’assaut d’un gisant -, le cimetière adjacent est éclairé par l’étrange lumière orangée qui précède un orage. Des oiseaux affolés tentent de fuir la menaçante masse noire des nuages. A peine esquissés, des sapins paraissent à travers l’ogive d’un portail, détail qui évoque des visions contemporaines de Gaspar David Friedrich. Le goût naissant des artistes pour les monuments médiévaux, châteaux-forts, églises et cloîtres jusqu’alors dédaignés, prend ici une dimension fantastique qui transcende l’intérêt archéologique. La date précoce de l’œuvre (1820), la taille inaccoutumée de la feuille, l’importance que lui a accordée l’auteur en l’exposant deux ans plus tard au Salon, le choix d’une architecture gothique et d'un cimetière comme théâtre de l’action, justifiaient que nous retenions cette œuvre au milieu d’autres illustrations d’un romantisme noir.
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