Par Galerie Pellat de Villedon
Mobilier, objets d'art et tableaux
Exceptionnel bureau plat en amarante reposant sur quatre pieds cambrés et ouvrant en ceinture par trois tiroirs fermant à clé. Le bureau est surmonté d’un dessus gainé de cuir. Le bâti du bureau est en sapin et les tiroirs sont en noyer et en chêne. Le bureau est garni de bronzes dorés (par la technique « vernis couleur or ») et ciselés.
Attribué à Antoine-Robert Gaudreaus
Estampillé deux fois NB (probablement pour Nicolas Berthelmy)
Epoque Louis XV, vers 1745)
Restaurations d’usage, cuir moderne, sabots postérieurs
H. 78 x L. 163 x P. 78 cm
Nous avons qualifié le bureau de notre étude « d’exceptionnel », mais quelles en sont les raisons ? Outre sa qualité de réalisation et son esthétisme évidents, la personne qui l’a réalisé et l’historique du bureau sont des éléments déterminants dans la valeur et l’intérêt de l’oeuvre de notre étude. En effet, comment ne pas apprécier ce bureau sans en connaitre son jumeau ? Ainsi, un ...
... bureau plat très proche a été livré en 1745 à Fontainebleau pour le Dauphin, plus précisément pour son cabinet de travail. Aujourd’hui conservé au château de Versailles (dépôt du Mobilier National), il fait partie alors d’une livraison de 18 autres meubles par le célèbre ébéniste Antoine Robert Gaudreaus. Ce dernier était ébéniste du Garde Meuble de la Couronne et a donc travaillé pour les plus grands commanditaires de son époque : le roi, la reine, la Dauphine, Mesdames, madame de Pompadour, etc. Par ailleurs, il n’a jamais estampillé, pour plusieurs raisons que nous développerons par la suite. De cette manière, l’attribution certaine de notre bureau d’un ébéniste de son niveau à qui nous connaissons peu d’oeuvres certifiées de sa main est plus qu’appréciable. Pour comprendre notre bureau, il faut donc étudier le bureau du Dauphin.
La comparaison avec le bureau du Dauphin :
Le bureau exposé au Château de Versailles comporte quelques similitudes et différences techniques. Le bâti est en sapin également comme beaucoup de bâtis de cette époque. En revanche, si la marqueterie de notre bureau est en amarante, celui du Dauphin est en bois de violette. Cependant tous deux proposent une marqueterie dite en pointe de diamant très chère à Gaudreaus.
En ce qui concerne les bronzes, ce modèle de bureau a été agrémenté de riches compositions en bronze doré particulièrement originaux et importants. Que ce soit la lingotière, les autres poignées latérales, les deux impressionnantes appliques au dragon des côtés, les quatre crosses en agrafe, les deux meubles s’inscrivent dans le même décor. A l’inverse, les quatre cartouches des angles du plateau, les quatre chutes, les deux entrées de serrures centrales, les autre sabots sont différents. Il est interessant de s’attarder principalement sur les bronzes des côtés à décor de dragon. Ils sont extravagants dans leur thème et rajoute du caractère au meuble. Ils ont déjà été utilisé par Gaudreaus sur le tablier d’une commode conservée au musée de l’Ermitage à Saint-Petersbourg (ancienne collection Chouvalov). Quant aux agrafes, Daniel Alcouffe les considère comme « archaïque » par rapport à la datation générale du bureau : il les compare alors à celles du bureau de Gaspard Moïse de Fontanieu, livré en 1731 par Gaudreaus à Versailles (aujourd’hui conservé au Mobilier National).
Enfin, les dimensions et la forme générale sont quelque peu différentes (le bureau de Fontainebleau : H. 79 x L. 145 x P. 77 cm). Le nôtre est donc plus ample et possède le tracé du galbe différent. Un détail intéressant vient s’ajouter à la liste des éléments pouvant confirmer l’attribution à Antoine Robert Gaudreaus visible sur les deux bureaux. Il s'agit d’un décrochement en pointe sous la ligne inférieure de la ceinture. C’est une observation faite également sur le secrétaire en pente de Marie Leczinska à Marly, sur la commode de la salle à manger de Mesdames à Versailles (ce décrochement est vu dès 1733 dans son oeuvre).
Le bureau du Dauphin et les documents relatifs à sa livraison nous donnent des informations précieuses pour la datation de notre bureau. Si le bureau du Dauphin a été livré au Garde Meuble le 19 août 1745 (avec 18 autres meubles, après le mariage de ce dernier), notre bureau ne peut qu’appartenir à ces années-ci. De plus, nous savons que Gaudreaus a livré au moins 108 meubles en 1745 (des feuilles manques dans le Journal). Par ailleurs, les bronzes du bureau du Dauphin sont poinçonnés du C couronnés alors en vigueur entre mars 1745 et janvier 1749. Gaudreaus décède en 1746, ce qui laisse peu de place à une datation élargie et fait de notre meuble un des derniers ouvrages de l'artiste.
Nous sommes très fiers de présenter ce bureau qui a eu la chance d'être reproduit dans deux livres pour l'étude du bureau du Mobilier National : « Antoine Robert Gaudreaus, ébéniste sous Louis XV », (Daniel Alcouffe, Elisabeth Grall, Jean Perfettini, Editions Faton, 2021, dossier pages 294 à 299) et « Le château de Versailles raconte le Mobilier National » (Jean-Jacques Gautier, Bertrand Rondot, publié à l’occasion de l’exposition organisée au château de Versailles, 2011, dossier pages 61 à 64).