Etude pour le Printemps (préparatoire pour Les Quatre Saisons) par R-M Castaing

... et c’est d’ailleurs le portraitiste attitré de la bonne société paloise, particulièrement cosmopolite en cette fin de siècle où de nombreux étrangers séjournent l’hiver à Pau, profitant du temps clément pour y mener une vie de plein air rythmée par les chasses, les concours hippiques et les parties de golf.

Admis en avril 1920 à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, René-Marie Castaing entre dans l’atelier de Paul-Albert Laurens (1870-1934). Il reçoit en 1924 le Premier Grand Prix de Rome de Peinture qui lui vaudra de séjourner à la Villa Médicis pendant plus de trois ans, avant de revenir s’installer à Pau en 1928 où il résidera jusqu’à sa mort.

L’œuvre de Castaing est marquée par la tradition académique dans laquelle le dessin tient une part aussi importante que la peinture. Ses dessins, bien que constituant souvent des esquisses participant à la mise en place de grandes compositions peintes, sont généralement des œuvres à part entière dans lesquelles l’artiste exprime pleinement la vivacité de son talent.

Fervent chrétien, la peinture religieuse tient une part essentielle dans son œuvre, comme en témoignent les décorations réalisées pour les églises de Bizanos, de Borce, de Bidache ou de Salies-de-Béarn. Le peintre réalise également quelques décors profanes, comme celui de la salle à manger de la Villa Saint-Basil’s à Pau en 1935 ou la Scène de chasse au temps des Albret commandée en 1940 par la Préfecture de Pau. Le décor réalisé en 1942-1943 pour le château de Diusse, au nord-est de Pau (décor sur lequel nous reviendrons) constitue son dernier décor d’envergure puisque le peintre décède peu après son achèvement, le 8 décembre 1943.

2. Description du pastel

Notre pastel représente un thème éminemment profane : le printemps, prêt à renaître dans la chaleur revenue des beaux jours, est incarné par Flore, accroupie sur le sol et un genou à terre. Elle dévoile sa poitrine généreuse en enlevant sa chemise, les bras levés au-dessus des épaules pour se dévêtir.

Connaissant la formation classique reçue par Castaing aux Beaux-Arts et l’influence de la statuaire antique sur son œuvre, on peut être tenté de rapprocher la position de notre Printemps de celle de la Vénus de Vienne, une sculpture du 2ème siècle avant JC conservée au Musée du Louvre (septième photo de la galerie), qui est dans une position proche, avec tout de fois le genou droit posé à terre (et non le gauche comme dans notre dessin). On peut également rapprocher notre dessin de la Flore de Carpeaux (huitième photo de la galerie), un artiste dont s’est beaucoup inspiré Castaing, en particulier pour une autre toile de Diusse représentant La Danse.

Le choix de cette position (par ailleurs probablement fort inconfortable pour le modèle !) permet à l’artiste de réaliser un tour de force technique dans la représentation en raccourci de la jambe pliée, figurée de trois-quarts dans un espace pictural réduit.

3. La décoration du château de Diusse

Le château de Diusse, situé près de Garlin dans le nord-est des Pyrénées-Atlantiques, fut bâti au XVIIème siècle. Au début des années 40, il appartenait à un industriel Monsieur Elie Sansoube qui charge René-Marie Castaing d’effectuer une série de toiles destinées au décor intérieur de cette demeure.
Réalisée entre 1941 et 1943, cette série comprenait plusieurs allégories exécutées dans des camaïeux de sanguine : La Chasse, La Pêche, La Danse et enfin Les Quatre Saisons, évoquées dans un style rappelant celui de Rubens, mais aussi des illustrations de deux Contes de Perrault, Cendrillon et La Belle au bois dormant traitées à la manière de Boucher.

La toile des Quatre Saisons (dernière photo de la galerie) est la plus importante de la série. Mesurant près de 6 mètres de long sur 2 mètres de hauteur, elle présente une longue frise de voluptueuses figures féminines, entourées d’amours aux attitudes parfois cocasses. On reconnaît à gauche Flore en train de se dévêtir, allégorie du Printemps, puis Cérès endormie dans les foins (qui symbolise l’Eté). A droite deux jeunes femmes également nues cueillent les fruits de l’Automne tandis que l’Hiver est figuré sur la droite par une femme blottie dans un ample manteau.

Ce décor resté en place jusqu’en 2004 a malheureusement été dispersé lors de la vente de la propriété et vendu aux enchères le 3 juin 2004.

4. Encadrement

La composition originale était nettement plus large mais le papier, typique des papiers de mauvaise qualité qui étaient les seuls disponibles pendant les années de guerre, est très piqué sur les côtés. Le dessin a depuis longtemps été présenté avec une vue réduite, aujourd’hui légèrement insolée, que nous avons préféré respecter nous contentant de rafraîchir la marie-louise.

Le dessin est présenté dans un cadre des années 40 en bois argenté, de style Art Déco (son cadre d’origine).

Bibliographie
Annie Roux-Dessarps – René Marie Castaing Œuvres décoratives – Cairn Pau 2006