Par Stéphane Renard Fine Art
255 x 196 mm
Cette spectaculaire sanguine nous présente une femme âgée, les yeux exorbités, la main tendue vers le ciel. Le caractère inquiétant du personnage qui semble proche de la démence, l’allongement du bras aux relents maniériste nous plongent dans le milieu artistique florentin de la première moitié du XVIIème siècle. La proximité de ce dessin avec certains personnages de la fresque du Palais Pitti représentant Les muses, les poètes et les philosophes chassés du Parnasse, ultime chef-d’œuvre de Giovanni da San Giovanni, nous amène à proposer une attribution à cet artiste et une datation vers 1635-1636.
1. Giovanni da San Giovanni, le peintre de la contradiction
Nous reprenons ici le titre de la monographie qu’avait consacré à l’artiste Anna Banti en 1977 et qui reste le livre de référence sur cet artiste. Fils d’un notaire, Giovanni Mannozzi, dit Giovanni da San Giovanni, abandonne ses études pour se rendre à seize ans à Florence ...
... où il rentre vers 1609 dans l’atelier de Matteo Rosselli (1578 – 1650) et s’inscrit en 1612 à l’Académie des Arts du Dessin. Vers 1615 il réalise ses premières œuvres connues, principalement des fresques pour les tabernacles de la ville. Il devient célèbre à Florence par son originalité, alliant une application obsessionnelle à l’étude du dessin et à la lecture de poésie et de l’histoire à une apparence débraillée. Entre 1619 et 1620 il réalise la décoration de la façade du palais Antella sur la Piazza Santa Croce, décoration qui subsiste en partie encore aujourd’hui.
La mort de Cosimo II en 1621 met un terme aux chantiers florentins et Giovanni di San Giovanni part pour Rome chercher d’autres commanditaires avec le peintre Francesco Furini. Il se lie en particulier avec le cardinal Guido Bentivoglio pour qui il décore plusieurs pièces de son palais, ce qui l’amène à quitter Rome en 1628 pour réaliser la décoration du palais de cette famille à Gualtieri en Emilie Romagne.
Après quelques années passées sur des chantiers dans la campagne toscane, il revient vers 1633 dans l’orbite des Médicis en réalisant pour Christine de Lorraine un plafond pour sa villa La Quiete. C’est en 1635 qu’il reçoit sa dernière commande officielle : Ferdinand II de Médicis lui confie à l’occasion de son mariage avec Vittoria della Rovere la décoration d’une grande salle connue également sous le nom de Salone degli Argenti, dans l’appartement d’été situé au rez-de chaussée du Palais Pitti.
Giovanni da San Giovanni et ses assistants (parmi lesquels le jeune et prometteur Volterrano) décorent le plafond et le vaste mur situé face aux fenêtres de fresques célébrant la gloire de la famille Médicis. Giovanni da San Giovanni préfère cependant accepter un autre chantier chez Lorenzo Pucci avant d’avoir terminé la décoration de cette salle ; il est alors licencié par le Grand-Duc et privé de ses revenus. Très affecté par sa disgrâce il décède le 9 décembre 1636, âgé de quarante-quatre ans, d’une gangrène du genou mal soignée.
2. Description de la sanguine
L’interprétation de notre dessin est malaisée : une femme âgée, le cheveu en bataille et le regard désespéré, le dos légèrement voûté tient de sa main droite un feuillet alors que son bras gauche s’élève dans les airs, comme pour prendre le Ciel à partie. L’ensemble est traité avec une grande élégance et le côté magistral de ce mouvement un peu dérisoire est encore renforcé par l’allongement du bras par rapport au reste du corps.
La présence d’un feuillet dans sa main droite pourrait rattacher cette représentation à celle de Morta (Atropos en grec), une des trois Parques qui est parfois représentée lisant le livre de la vie, ou coupant le fil de la vie.
3. Œuvres en rapport
Nous n’avons pas retrouvé d’œuvre directement en relation avec ce dessin mais le personnage nous semble assez proche de la harpie échevelée représentée derrière la poétesse Sapho, qui s’enfuit un violon à la main, dans la fresque représentant Les muses, les poètes et les philosophes chassés du Parnasse se réfugient en Toscane exécutée entre 1635 et 1636 par Giovanni de San Giovanni sur le mur est du Salone degli Argenti du Palais Pitti à Florence (septième photo de la galerie). On remarquera en particulier la disproportion de la longueur du bras de la harpie.
Les trois Parques sont également représentées dans le plafond de cette même salle (huitième photo de la galerie) et la terrible Morta nous apparaît cette fois, les bras écartés et le visage terrifiant, coupant un rameau de chêne, sous la protection de Junon et de Vénus, et accomplissant ainsi l’union entre la famille Médicis et celle des della Rovere (dont le nom signifie chêne en italien).
4. Provenance
Ce dessin provient de la collection du Docteur Gaud un médecin né le 18 juillet 1940 à Saint-Tropez qui dispersa l’essentiel de sa collection dans une vente chez Sotheby’s à Monaco le 20 juin 1987, puis quelques autres dessins à la vente Piasa du 26 mars 2010 (vente dans laquelle figurait ce dessin). Il s’intéressait tout particulièrement aux dessins italiens de la Renaissance à l’âge baroque, privilégiant des pièces singulières d’artistes peu connus.
Ce dessin est vendu encadré dans une baguette en bois doré d'époque Louis XV.
Principales références bibliographiques :
Anna Banti – Giovanni da San Giovanni pittore della contraddizione – Sansoni Firenze 1977
Silvia Benassai – Mara Visonà Quiete invenzione e inquietudine – Centro Di Firenze 2011
Conditions générales de livraison :
Les prix indiqués sont les prix au départ de la galerie.
En fonction du prix de l'objet, de sa taille et de la localisation de l'acheteur nous sommes en mesure de proposer la meilleure solution de transport qui sera facturée séparément et effectuée sous la responsabilité de l'acheteur.