Par Galerie Léage
Ce coffret ouvrant par un couvercle présente sur celui-ci un décor de paysage dans un encadrement constitué de trois frises alternant des rectangles de bois clairs et sombres soulignés de filets. Un village, associant une église surmontée de trois croix et un ensemble de bâtiments parmi lesquels on distingue au centre une tour basse et large au centre de la composition et une plus haute pourvue de crénelage forme l’arrière-plan d’une scène au bord d’une rivière. Au premier plan, tournés vers cette étendue d’eau bordée d’arbustes, trois cavaliers s’approchent pour faire boire leur monture tandis qu’une embarcation semble quitter le rivage, un personnage debout hissant les voiles tandis qu’un autre est assis à l’arrière. Un groupe de canard nageant sur la rivière guide notre œil vers le rivage constituant le second plan où l’on distingue une silhouette d’homme accompagné d’un chien. Plusieurs arbres viennent ponctuer l’arrière-plan de ce ...
... paysage.
Chaque angle du couvercle est orné d’une rosace en marqueterie que l’on retrouve sur chaque face du coffret.
Sur le devant, une marqueterie « à la Reine » constituée de fleurons encadré d’un treillage de losange répond au décor des côtés agrémenté d’un vase néoclassique orné de guirlandes. L’arrière du coffret est marqueté de fleurs et de feuilles, le dessous d’un losange et d’une feuille au centre de celui-ci. La face droite, amovible, permet de découvrir un tiroir secret.
La marqueterie de paysage
La marqueterie trouve son origine dans l’Antiquité égyptienne, époque où certains artisans pratiquaient déjà l’incrustation en plaçant des morceaux d’os, d’ivoire, de pâte de verre et de pierre dans le bois mais c’est surtout durant le XIVème siècle en Italie que les objets en bois nus et le mobilier reçurent un décor de minuscules tesselles polygonales de bois, d’os ou de nacre appliquées nommé « marqueterie à la chartreuse » (tarsia alla certosina). Parallèlement, apparut en Toscane, et plus précisément à Sienne, ce que l’on désignera plus tard sous le nom de « marqueterie picturale » (tarsi pittorica) cherchant à imiter la peinture en jouant avec différentes couleurs de bois et en exécutant des décorations ornementales et figuratives d’après un carton. Dès l’époque, le paysage est présent comme sur les stalles du Duomo de Sienne, réalisées entre 1503 et 1505 par Fra Giovanni Verona où les paysages antiquisants sont omniprésents.
A la fin du XVIème siècle, on commença également à coller sur un bâti en bois ordinaire, chêne ou sapin, de minces feuilles de bois d’ébène donnant ainsi naissance à l’ébénisterie (mobilier recevant un placage), se distinguant ainsi de la menuiserie (où le bois est massif). Le paysage est là encore présent, formant le cadre à des scènes bibliques ou mythologiques comme sur les vantaux du cabinet du musée du Louvre (inv. MR R 62 et OA 6629).
Jouant avec la sévérité de ce bois, les ébénistes imaginèrent, afin d’égayer leur aspect, de lui adjoindre d’autres matériaux comme le cuivre, le bronze, l’argent, l’or, l’ivoire, les mosaïques de pierres, dures, camées et diverses pierres rapportées. Sous le règne de Louis XIV, les ébénistes perfectionnent leur art. La marqueterie à motifs floraux, sur fond d’écaille, décore nombre de meubles de luxe, et la marqueterie de fleurs nait vers le milieu du XVIIe siècle. Deux techniques sont alors couramment pratiquées : marqueterie de fleurs et marqueterie Boulle, ébéniste ayant excellé dans la technique de la marqueterie associant écaille, laiton et ébènes au point de lui laisser son nom alors qu’il n’en fut pas l’inventeur et n’en eut pas l’exclusivité.
La première moitié du XVIIIe siècle voit s’épanouir placages de frisage et marqueterie de jeux de fond. Le paysage est alors moins présent laissant place aux motifs floraux et géométriques comme ici à l’arrière et sur les différentes faces de ce coffret qui associe composition de fleurs au naturel et vocabulaire néoclassique, en particulier les vases des panneaux des côtés. Il réapparaitra à la fin de la période rocaille et sous Louis XVI dans les ateliers d’ébénistes comme Pierre Roussel, Charles Topino ou Nicolas Petit.
Si ce coffre n’est pas estampillé, son couvercle est caractéristique de ce que proposèrent ces ébénistes qui déclinèrent alors les paysages selon plusieurs grands thèmes comme les scènes chinoises, celles inspirées de l’Antiquité, les pastorales, les scènes cynégétiques ou les scènes villageoise. Ce panneau mêle ici scène champêtre au bord d’une rivière et description d’un village à l’arrière-plan. Révélateur du goût de la clientèle pour le pittoresque, il témoigne déjà d’un préromantisme balbutiant. S’appuyant sur des sources gravées, ces ébénistes imaginent alors de véritables tableaux jouant des couleurs des différentes essences de bois, certains pouvant être par ailleurs colorés, ombrés en étant brulé légèrement puis gravés pour en souligner les détails. Il est cependant souvent difficile de retrouver la source sur laquelle s’appuyait ces derniers, on peut par exemple citer les noms de Boucher ou Pillement.
La présence de vases néoclassiques sur les côtés de ce coffret permet de confirmer sa datation durant l’époque Louis XVI.
Bibliographie
Sylvain Barbier Sainte Marie, Charles Topino, Les éditions de l’Amateur, Paris, 2005
Claude Bouzin, Meuble et artisanat, du XIIème au XVIIIème siècle, Editions de l’Amateur, Paris, 2003
Anne Droguet, Nicolas Petit, Les éditions de l’Amateur, Paris, 2001