Par Franck Baptiste Paris
Important coffret rectangulaire (51 cm de large) en bois de Ste Lucie* finement sculpté.
Il ouvre par un couvercle qui repose sur quatre traverses reliées entre elles par le fond.
L’ensemble des faces est entièrement gravé et sculpté d’un fin décor à la Bérain de rinceaux d’acanthes sur lesquels sont perchés des volatiles.
La totalité du décor est constellé de fleurs de tournesols, roses, pâquerettes… sculptées en fort relief et finement gravées dans le fond.
Les bordures sont délimitées par un double encadrements à frises d’acanthes sculptées et gravées qui est repris en partie centrale du couvercle par le quadrilobe qui encadre une importante scène sculptée en élégie.
Cette dernière représente un trophée militaire composé de drapeaux, tambours, piques, lances, canons, boulets, barils de poudre, sabres, faisceaux de licteurs, boucliers… et deux captifs enchainés dos à dos.
Le tout est surmonté des grandes armes de la principauté de ...
... Salm-Kyrbourg : (Écartelé: Aux I et IV d'or au lion de gueules couronné d'azur; aux II et III de sable au léopard lionné d'argent, lampassé de gueules. Sur le tout l'écusson parti: A de gueules à trois lions d'or; B coupé de gueules semé de croisettes recroisettées au pied fiché d'argent à deux saumons adossés du même, et d'azur à la fasce d'argent)
Bon état de conservation, petits manques et traces d’insectes xylophages, légère déformation dans le fond.
Travail attribuable à César Bagard, Nancy vers 1680.
Dimensions :
Largeur : 51 cm ; Hauteur : 10 cm ; Profondeur : 38 cm
Provenance : Famille des Comtes de Ganay
Notre avis :
Comme l’indique les grandes armes de la principauté de Salm-Kyrbourg notre coffret est une commande princière probablement réalisé par César Bagard* à la fin du 17 ème siècle.
Il est difficile d’établir clairement le contexte de fabrication et le commanditaire qui pourrait être Charles Théodore de Salm (1645-1710), mais le trophée représenté et les deux captifs nous renvoient précisément à la fin d’une guerre qui est probablement celle de Hollande, qui se termine en 1678.
Nos deux captifs sont clairement inspirés du monument des quatre nations vaincues de Martin Desjardins*, érigé place de la victoire pour commémorer la victoire de Louis XIV et le paix de Nimègue.
Comme sur la base de cet ensemble qui est désormais exposé au musée du Louvre, on peut voir le Saint Empire sous les traits d’un vieillard barbu résigné et l’Espagne symbolisée par un jeune homme au cours musclé et au regard revanchard.
La guerre de Hollande correspond parfaitement à l’apogée de la carrière de César Bargard qui vient d’être nommé sculpteur du duc de Lorraine.
La taille or norme, la minutie et la profusion de la sculpture, le décor civil, avec la représentation de personnages qui sont particulièrement rares dans l’œuvre de Bagard, et enfin la présence d’une armoirie princière font incontestablement de notre coffret un chef d’oeuvre de la sculpture Lorraine de l’époque Louis XIV.
*Le Bois de Sainte-Lucie, ou Cerisier de Sainte-Lucie ou Faux merisier (Prunus mahaleb) est un arbuste de la famille des Rosaceae et du genre Prunus.
Il est assez commun dans toute l'Europe occidentale, autour de la Méditerranée au Maroc et au Moyen-Orient et en Asie centrale.
Il pousse dans les fourrés arbustifs, les bois clairs ou les garrigues, de préférence sur des sols calcaires.
Parmi ses noms vulgaires, on rencontre également quénot, canot, canonier, boutiga, Moussis (en Saintonge), amarel et prunier odorant.
Le nom de « Bois de Sainte-Lucie » trouve son origine en Lorraine, au couvent de Minimes de Sainte-Lucie-du-Mont, situé sur les hauteurs de Sampigny dans la Meuse, où s'est développé au XVIIème siècle, un artisanat d'objets religieux fabriqués dans le bois de cette essence que l'on trouve abondamment à proximité du couvent.
*César Bagard, dit le Grand César, baptisé le 27 avril 1620 à Nancy, bien que d'autres documents aient, par le passé, mentionné la date de 1639, et mort dans la même ville le 10 mars 1707, est un sculpteur actif en Lorraine au XVIIème siècle.
Il est le fils du sculpteur lorrain Nicolas Bagard et fait son apprentissage chez le peintre Jean Gérard en 1633.
Il a ensuite été l'élève du sculpteur Nicolas Jacquin (?1625-?1695), qui l'a probablement emmené à Paris vers 1659. Les premiers travaux de Bagard semblent avoir été entrepris en collaboration avec le peintre Claude Deruet, qu'il assiste pour les décorations du palais ducal de Nancy et pour les décorations éphémères des entrées solennelles dans la ville dans les années 1655 à 1658. Ses seules œuvres enregistrées datant de son séjour à Paris sont des statues éphémères d'Hercule et de Minerve destinées à décorer la Porte Saint-Antoine lors des célébrations du mariage de Louis XIV en 1660.
Le document (1669) confirmant la nomination de Bagard comme Sculpteur Ordinaire du duc Charles IV de Lorraine.
Son oeuvre abondante se constitue essentiellement de petites pièces (coffrets, rares à tabac, flambeaux, cadres…) finement sculptées dans du bois de Ste Lucie.
*Les quatre nations vaincues par Martin Van Bogaert, dit Martin Desjardins.
Le monument conçu par Desjardins représentait le Roi-Soleil en pied vêtu de son manteau de sacre, couronné par la Victoire. La statue flanquée de quatre figures d’hommes enchainés reposait sur un piédestal orné de bas-reliefs, le tout mesurait plus de 12 mètres de haut.
Si la statue royale a été détruite par les révolutionnaire en 1792, les quatre grands captifs qui l’entouraient nous sont parvenus intacts, ils occupent aujourd’hui une place d’honneur dans la cour Puget du musée du Louvre.
Ces captifs symbolisent les quatre nations vaincues lors du traité de Nimègue. Chacun représente un âge de l’homme et un sentiment distinct face à la captivité. L’Espagne est un jeune homme imberbe aux cheveux longs. Le corps nu et redressé, le visage et le regard levés vers le ciel indiquent l’espoir. L’Empire est un vieillard barbu. La tête baissée, son corps ploie sous un abattement résigné. La Hollande est un homme encore jeune à la barbe courte. Le corps nu prêt à bondir et le visage farouche, il figure la rébellion. Le Brandebourg est un homme mûr dont le visage contracté exprime la douleur.
Retrouver le mobilier ou les objets d''art similaires à « Coffret aux armes de Salm-Kyrbourg, attribué à César Bagard à Nancy » présenté par Franck Baptiste Paris, antiquaire à Paris dans la catégorie Cabinet & Coffre Louis XIV, Mobilier.