Robert Levrac-Tournières - Portrait du gouverneur du Canada, Charles de la Boische

... à la mode entre 1690 et 1730, le jeune peintre caennais apporte une touche hollandaise dans ses portraits. Un petit côté glacé, précis, inspiré par les peintres Godfried Schalken et Gerard Dou qu’il a longuement étudiés. C’est ce changement dans l’art du portrait qui est apprécié de toute une génération de français souhaitant faire réaliser des portraits.

Deux types d’œuvres sont majoritairement connus. Ceux en taille réelle réalisé soit à mi-cuisse, mi-corps, buste ou simplement coupé aux épaules, et les petits formats avoisinant les 45 à 50 cm de haut où les sujets sont généralement représentés à mi-corps ou en pied et ne prenant qu’un petit espace de la composition. Quelques portraits de groupes sont connus, principalement des familles. Ses œuvres d’histoire semblent avoir toutes disparu.

De manière régulière, se retrouvent dans le corpus du peintre, plusieurs portrait des mêmes personnes en déclinaison de formats. C’est exactement le cas de notre portrait cadré à l’épaule, dont au moins deux autres versions existent, à mi-corps et à mi-cuisse. Notre tableau étant une redécouverte, il se peut que d’autres versions existent, en buste ou en petit format.

Le marquis de Beauharnais (ou Beauharnais) porte ici son cordon rouge de commandeur de l’ordre de Saint-Louis sur une armure d’apparat. Né en 1676, Charles de Beauharnais fait partie de fratrie de treize enfants. L’un de ses frères sera le grand-père d’Alexandre qui épousera Joséphine, future impératrice des français. Marin dès le début de sa carrière, il entre comme aspirant à quatorze ans et terminera lieutenant-général des armées navales du roi, le plus haut grade. En 1726 il est nommé gouverneur du Canada, poste qu’il quittera en 1747 à soixante-dix-sept ans.

Notre tableau comme ses autres versions ont été peintes au retour de Montréal en 1748, date à laquelle Levrac-Tournières expose au Salon l’œuvre conservée au musée de Grenoble. C’est cette même année que le peintre lâche ses pinceaux et regagne Caen où il vivra ses derniers jours en 1752. Charles de Beauharnais le précède dans la tombe en 1749. A-t-il eu le temps d’admirer toutes les versions de son vibrant portrait exécutés par le peintre ?

A soixante-dix-huit ans, notre homme est représenté encore frais, le visage lumineux et rosé, relevé par le rouge du cordon. La perruque détachée à merveille du fond gris brossé, comporte la touche caractéristique de Levrac-Tournières, très mousseuse et non pas sculptée comme chez d’autres peintres de l’époque. Il est précis dans les détails et travaille en glacis dans les chairs pour leur donner plus de profondeur et de transparence.