Par Galerie Gabrielle Laroche
ORIGINE : ITALIE, VENISE
EPOQUE : XVIIe SIECLE
Hauteur : 53 cm
Largeur : 50 cm
Crochet de suspension en acier d’origine.
Du Moyen-Âge jusqu’au XXe siècle les rues d’Europe sont rythmées par les cris des boutiquiers ainsi que par leurs enseignes qui, jaillissant des façades, s’offrent aux regards des passants. Adoptant une grande variété de formes et tirant parti de la plasticité et solidité des matériaux – bois, métal – les enseignes évoquent généralement la nature ou le nom du commerce qu’elles indiquent, que ce soit littéralement ou humoristiquement. Ce système d’occupation visuelle de l’espace urbain par les boutiques permettait de marquer les badauds, de gagner une clientèle, d’affirmer sa réputation. La force de ces enseignes était telle qu’il arrive parfois qu’aujourd’hui des rues portent un nom faisant justement écho à une enseigne qui jadis y prenait place.
Notre paire d’enseignes représente un homme noir figuré ...
... à mi buste. Il rappelle évidemment l’intensification des rapports entre l’Europe et l’Afrique à partir du XVIe siècle. Le sujet de l’homme africain, déjà présent dans les productions artistiques du Moyen-Âge, jouit d’une nouvelle faveur dans les beaux-arts mais aussi la littérature (l’Othello de Shakepseare en 1604 par exemple). Cependant les personnes noires ne sont en Europe pas seulement visibles dans les arts, elle peuvent aussi être présentes dans les villes. Les serviteurs originaires d’Afrique notamment, sont pour les familles qui les emploient, une expression de leur puissance financière. L’homme africain devient rapidement une incarnation de tout un système économique florissant. Il évoque désormais toutes les marchandises et denrées venues de loin – Afrique, Asie, Amérique – rares et couteuses.
A mesure que la colonisation progresse et que l’esclavage croît, le mode de représentation des personnes noires se fait plus exagéré, les visages aux traits grotesques illustrent alors les théories raciales et rascistes qui s’affirment ; c’est le cas de notre paire de bustes aux lèvres exagérées. Le vêtement de matelot renvoie quant à lui à la nature maritime des échanges commerciaux entre les deux continents. Sans nul doute nos enseignes ornaient la devanture d’une boutique spécialisée dans la distribution de produits de luxe étrangers – café, chocolat, étoffes – parfaitement incarnés par ces ambassadeurs venus d’ailleurs.
Outre leurs qualités plastiques remarquable et leur vive polychromie ces deux bustes mauresques sont aussi un témoignage précieux d’une époque particulièrement friande d’évocations du lointain.