Par Galerie Lamy Chabolle
Mobilier et objet d'art des XVIIIe, XIXe et XXe siècle
Manière de Nicolas Pineau.
Bronze doré au mercure.
France.
ca. 1745.
h. 47 cm ; l. 32 cm.
Une exceptionnelle série de quatre appliques Louis XV en bronze doré au mercure.
François Boucher a signé en 1739 un célèbre tableau intitulé Le Déjeuner. L’une des raisons pour lesquelles ce tableau est devenu célèbre est le mobilier qui y est peint. Une console, une pendule, un miroir, pleins de courbes, de conques, de quasi arabesques. De nombreux spécialistes de l’histoire du mobilier, comme Pierre Verlet ou Mario Praz, aiment se référer à ce tableau pour montrer à leurs lecteurs à quoi devait ressembler un intérieur français à la mode dans les années 1730.
Le miroir est flanqué de deux appliques, ou bras de lumière, placées de part et d’autre du miroir pour que, le soir, lorsque les bougies sont allumées, leurs flammes se reflètent dans la glace et que la pièce soit éclairée par des bougies deux fois plus nombreuses.
Peu de paires ...
... d’appliques rocaille, même dans les collections publiques, remontent, il est vrai, jusqu’aux années 1730 ; mais les objets de ce type incarnent néanmoins le style du règne de Louis XV.
Notre série d’appliques date, selon toute vraisemblance, du début des années 1750, voire du début des années 1740. Dans l’ouvrage des deux spécialistes Hans Ottomeyer et Peter Pröschel, qui fait autorité en matière de mobilier français en bronze doré, une paire d’appliques rocaille, dite d’après Nicolas Pineau, est estimée avoir été fabriquée vers 1745. Ce qui leur a permis d’arriver à cette conclusion, c’est leur forme « caractéristique » puisque « à ove percé à jour ». Notre propre série présente le même motif, avec des oves percés à travers le bronze doré.
Chacune de nos appliques porte le numéro « 9728 ». Le catalogue de l’exposition consacrée aux arts décoratifs français au Rijksmuseum d’Amsterdam, Paris 1650-1900. Decorative Arts in the Rijksmuseum examine les numéros figurant au dos d’appliques du même type : « Le chiffre « 14 » a très certainement été apposé sur les appliques au cours du 19e siècle. Il s’agit d’un type de chiffre que l’on retrouve sur de nombreux objets d’art en bronze doré provenant de palais royaux français, mais dont la signification ici est inconnue. »
Il n’est pas certain que cela signifie que ces appliques, celles du Rijksmuseum comme les nôtres, ont été estampillées lorsqu’elles sont entrées dans un palais royal français à n’importe quel moment du XIX? siècle ; mais cela indique très certainement une ascendance ancienne et commune. Cette ascendance est d’ailleurs prouvée par les taches roses de mercure visibles sur certaines courbes : la cire brûlée, nettoyée de temps en temps, use, au fil des siècles, le bronze doré, révélant quelques traces de sa dorure au mercure, même si ces traces sont peu visibles à l’œil nu.
À propos des appliques du Rijkmuseum, il est intéressant de noter les similitudes entre nos quatre appliques et d’autres paires d’appliques célèbres exposées dans les plus grandes collections européennes et américaines. Plus encore que celles du Rijksmuseum, du Louvre, de la Wallace Collection et du Getty Museum, une paire d’appliques conservée au Palazzo del Quirinale à Rome présente une ressemblance frappante avec les nôtres.
De nombreuses paires d’appliques de ce type ont été vendues, à des prix remarquables, dans les grandes maisons de vente aux enchères. Une paire a été vendue chez Christie’s en décembre 1993 pour 1 332 000 francs, une autre chez la même maison de vente pour $255 500 en mai 1998. Plus récemment, deux ont été vendues dans la même maison pour 55 000£ en juillet 2014 et $90 000 en novembre 2018. On tend à les attribuer à Jacques Caffiéri, peut-être le plus grand bronzier de l’époque. Cette attribution est faite en dépit de l’absence de tout cachet de Caffiéri, et repose principalement sur l’appréciation de leur style et de leur dorure. Nos propres appliques ont autant de chances d’être réalisées par Caffiéri que celles mentionnées ci-dessus. Elles présentent des caractéristiques dans leur dorure et leur design qui mériteraient certainement une attribution aussi prestigieuse. Cependant, en l’absence de marque de fabrique, nous n'osons pas les attribuer à Caffiéri et préférons les rapprocher des dessins de Nicolas Pineau.
Sources
Pierre Verlet, Le Style Louis XV, Paris, 1942.
Hans Ottomeyer, Peter Pröschel et al., Vergoldete Bronzen. Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Munich, 1986.
Pierre Verlet, Les Bronzes dorés français du XVIII? siècle, Cahors, 1987.
Mario Praz, La Filosofia dell’arredamento, trad. Weaver, Milan, 1994.
Alvar Gonzaleès-Palacios, Il Patrimonio del Quirinale. Gli Arredi Francesi, Milan, 1995.
Reinier Baarsen, Paris 1650-1900. Decorative Arts in the Rijksmuseum, Londres, 2013.
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