Par Galerie Latham
Maurice Barraud (1889-1954) est un peintre, illustrateur et graveur suisse, parmi les importants artistes genevois du XXème siècle. D’abord dessinateur en publicité, il se forme ensuite à l’École des Beaux-Arts de Genève (où il suit notamment les cours de modelage du sculpteur James Vibert). Puis il se consacre pleinement à la peinture à partir de 1913. L’année suivante, à la suite de sa première exposition à la Galerie Max Moos de Genève, une galerie de référence pour l’art moderne en Suisse. Il fonde avec son frère François Barraud, Hans Berger, Emile Bressler et Gustave Buchet le groupe du « Falot », (l’un des tous premiers manifestes de peinture moderne en Suisse Romande). De 1917 à 1919, il participe à l'illustration et à la mise en page de la revue d'art et de littérature l’Éventail. Il expose en 1923 au Salon d’Automne à Paris, puis visite l’Espagne, l’Algérie et l’Italie. À partir de 1929, il obtient de nombreuses commandes ...
... murales, publiques ou privées, notamment pour la gare de Lucerne, de Bienne, pour le Palais des Nations à Genève, le musée des cartes fédérales de Schwytz et l’Université de Fribourg.Il illustre plusieurs ouvrages, notammentFrancis cargo et Jean Giraudoux.
La reconnaissance de Maurice Barraud en tant que peintre a été considérable en Suisse, à partir des années 20. Sa peinture est très inspirée par la peinture française de son époque, avec l’ascendant particulier de Matisse et de Bonnard. La femme représente son sujet de prédilection, et sa culture le verse vers les atmosphères ensoleillées et les mythes méditerranéens (corps opulents, profils grecs, lignes concises, teintes claires et douces, thèmes séduisants. Il a également beaucoup dessiné et gravé. On connaît peu la part d’oeuvres sculptées de cet artiste, bien que Le musée d’Art et d’histoire de Genève conserve notamment plusieurs plâtre et au moins un bronze. Ce musée conserve de très nombreuses oeuvres de cet artiste prolifique (peintures , arts graphiques, ainsi qu’un legs de nombreuses estampes japonaises), et lui a passé également une commande monumentale en 1950, avec trois grandes décorations murales pour un palier du musée, sur le thème des Muses du Parnasse de la mythologie grecque.
Ce bronze que je vous présente aujourd’hui à la vente - bien antérieur puisqu‘on peut le dater des années 20 - est une oeuvre d’autant plus rare et intéressante qu’elle reflète une influence certaine du retour au classicisme et à la mythologie qui a inspiré toute une part de la sculpture française durant la période Art-Déco. Plusieurs plâtre de Barraud non publiés, provenant du legs de l’artiste au MAH en 1955, attestant de son incursion ponctuelle dans le domaine de la sculpture. Il est notable également que l’artiste collectionnait certaines figures féminines italienne en terre cuite de l’époque Hellénistique (une figurine d’Aphrodite conservée au MAH sous le N° d’inventaire 020612), dont les canons de beauté (petits seins très ronds, silhouette ondoyante) sont proches de cette grande « Pasiphaé » en bronze au corps délié, dont les extrémités sont expressivement alanguies, étirées. Cette stylisation du corps fait penser à certaine sculptures des premières années du sculpteur français Hubert Yencesse. « Celle qui brille pour tous » (telle est la signification grecque du nom de Pasiphaé) était la fille d’Hélios et de Persé, qui épousa le Roi de Crête Minos, donnant naissance à plusieurs enfants, dont la funeste Phèdre. Mais elle est surtout fameuse pour être tombé follement amoureuse d’un taureau blanc envoyé par Poséïdon pour se venger de Minos. Un accouplement adultère et zoophile qui allait donner naissance au célèbre Minotaure, à la tête de taureau et au corps d’un homme. C’est pourquoi Pasiphaé est représentée ici allongée, boudeuse, tenant des cornes de bovidés, comme s’il s’agissait d’une lyre, n’ayant pas conscience encore de la fatalité de cette relation avec l’animal. La patine de ce bronze à la stylisation très plaisante est particulièrement soignée, issue d’une fonte à cire perdue (donc en très petit nombre d’exemplaires possibles) réalisée dans la meilleure fonderie suisse de cette époque, la Fonderie Pastori à Carouge, dans le canton de Genève. Comme l’a bien décrit le critique d’art François Fosca, dans son article nécrologique paru dans La Tribune de Genève du 15 Novembre 1954, le monde que créait Barraud était un monde de « voluptés calmes » et de « minutes heureuses »; Ce bronze d’esprit méditerranéen, aujourd’hui retrouvé, en constitue l’heureux et rare témoignage sculpté.
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