Par Galerie Nicolas Lenté
Mobilier, Tableaux et Objets d'Art de la Haute Epoque au XVIIIe
Cette rare paire de porte-torchères que nous proposons constitue un somptueux témoignage de la virtuosité des sculpteurs combiné à l’art de la reparure et de la dorure sur bois sous le règne de Louis XIV.
Exécutée vers 1670, elle s’inscrit tant par son extrême qualité d’exécution que par leur force expressive dans la production d’exception du siècle Louis XIV.
Les deux torchères figurent deux jeunes enfants potelés et dénudés, se tenant debout sur une base tripode et soutenant des plateaux qui servent à poser des girandoles.
Ces pièces de mobilier conçues afin de mettre en avant le personnage principal sont avant tout de véritables sculptures en ronde bosse à part entière.
Les deux puttis, dont les têtes tournées sont positionnées pour se regarder, affichent un admirable déhanchement du corps. Ils retiennent d’un bras la corbeille posée sur leur tête, tandis que de l’autre main ils tiennent des couronnes de lauriers. Un voile ondoyant couvre ...
... leur nudité. Ces étoffes froissées sont attachées par des rubans autour de leur corps charnus en passant par les épaules et entre-jambes et tombant à l’arrière, suivant un mouvement de torsion et accentuant cette posture en contrapposto.
Les visages aux fronts bombés, joues gonflées et bouches entrouvertes ont chacun leurs expressivités propres. Leurs cheveux aux larges mèches bouclées s’envolent au vent.
Les bases tripodes sont constituées d’enroulements en console renversées, ornées de feuilles d’acanthe et réunies autour d’un cul de lampe central à décor végétal terminé par une pomme de pin.
Tandis que le travail du sculpteur dégage une grande force plastique, l’extrême finesse de nos pièces réside dans le travail de reparure et de dorure. Ce soin admirablement apporté à chaque partie de la sculpture rehausse la magnificence de l’ensemble.
En creusant dans la couche épaisse de l’apprêt, le repareur tel un ciseleur redessine des mèches des cheveux, les sourcils et les pupilles des yeux de nos figures.
Travaillant sur le panier d’où échappent les feuilles d’acanthe et le dessous du plateau, il crée toutes les nervures de feuillages et retravaille les surfaces laissées lisses par le sculpteur en concevant des fonds quadrillés.
Enfin sur les bases tripodes, il effectue un travail remarquable en rehaussant tous les enroulements feuillagés, mais aussi en créant des motifs striés suivant la forme des consoles ainsi qu’un treillis autour du fut central.
Le grand soin apporté à l’exécution, associé à une conception noble et harmonieuse permettent à notre paire de porte-torcheres d’incarner a la perfection l’art et le gout français du « Siècle Louis XIV ».
Travail parisien, attribué au sculpteur Matthieu Lespagnandelle (1619-1689).
Vers 1670.
Bois de chêne doré.
Hauteur : 120 cm, diamètre du plateau : 40 cm
Très bel état de conservation.
Œuvres similaires dans les musées :
Une paire de porte-torchères au Knole House au Royaume Unie, 1671, cadeau de Louis XIV, sculpteur : Matthieu Lespagnandelle
Un putto, element de porte-torchere, Musée des Arts Decoratifs, Paris, provenance inconnu, sculpteur : Matthieu Lespagnandelle
Gueridon aux puttis, Musée du Louvre, pour Château de Versailles, 1669, sculpteur : Philippe Caffieri.
Contexte historique :
La conception de notre paire de porte-torcheres, trouve sa source d’inspiration dans les guéridons du mobilier d’argent du Louis XIV et les dessins de Charles le Brun.
Dans le cadre d’ameublement du château de Versailles, Louis XIV se tourne vers les plus grands artisans de son temps, et évidemment au directeur de la Manufacture des Gobelins, Charles Le Brun, qui imagine le mobilier d’argent. Cette série de meubles comporte des consoles, des miroirs, des portes-girandoles ainsi que le fameux trône d’argent.
La création de ses meubles précieux crée des désirs semblables chez les nobles, qui se tournent vers le bois doré afin de tenter d’imiter l’ameublement du grand roi.
Les portes torchères, destinées à recevoir des girandoles sur leur plateau deviennent ainsi une pièce de mobilier incontournable pour les grands du royaume.
Afin de rendre les meubles en bois doré aussi somptueux que le mobilier d’argent, le travail réside non seulement en sculpture, mais également en dorure et en reparure.
Les repareurs, tels les orfèvres, gravent et dessinent dans l’épaisse couche d’apprêt afin d’imiter la gravure et ciselure sur métal.
Evidemment même le roi ne peut se meubler intégralement en argent. Pour tous les décors du château de Versailles, il fait appel à des sculpteurs sur bois, dont le plus fameux et à l’origine de toute une dynastie est Philippe Caffieri. Ce sculpteur collabore avec Mathieu Lespagnandelle pour de différents travaux, comme des aménagements intérieurs (escaliers, croisés, encadrements des plafonds) ou réalisation du mobilier comportant des miroirs et des scabellons. Cette collaboration est d’ailleurs réitérée sur plusieurs chantiers royaux, au Louvre, Tuileries, Trianon et St Germain.
Mathieu Lespagnandelle, nommé sculpteur ordinaire des bâtiments du Roi, durant sa carrière travaille également sur la décoration du château de Vaux Le Vicomte, employé par Nicolas Fouquet.
C’est probablement sur ce chantier qu’il s’inspire des œuvres d'éminents sculpteurs baroques comme Michel Anguier ou le flamand Philippe de Buysters. Son incroyable série d’enfants porte-corbeilles est d’ailleurs frappant de similitude avec les figures de nos porte-torchères.
L’extrême raffinement de nos pièces, le reflet direct de leur commanditaire, nous conduit évidemment vers une commande d’origine princière. En absence de sources écrites détaillées, il est difficile de suggérer le commanditaire potentiel, dont le gout, l’ambition et surtout les moyens pouvaient suffire à l’exécution de telles pièces qui nécessitaient l’intervention de plusieurs artisans d’exception.