Par Richard Redding Antiques
Pendules et objets d'art d'exception XVIIe-XIXe siècle
Cette magnifique sculpture en granit noir est une découverte passionnante car des recherches récentes ont révélé qu'elle est identique à un torse en terre cuite de taille normale, également daté MCMXL, intitulé Torse, Terre Cuite, que le célèbre sculpteur français Louis-Aimé Lejeune a exposé au Salon de Paris en 1941, n° 702. Dans son compte rendu du Salon de cette année-là, un critique d'art de "l'Architecture Française : Architecture, Urbanisme, Décoration", 1941, p. 39, note "Un Torse en terre cuite de grande dimension de Louis-Aimé Lejeune est d'une objectivité impeccable" mais continue étonnamment à affirmer que "toute personnalité de l'artiste en est absente". Tous seraient d'accord avec cette objectivité impeccable, mais la plupart ne seraient pas d'accord avec les derniers mots, car le modelage de la terre cuite, comme ici, est un tour de force. Il est important de noter qu'en 1941, Lejeune a été élu membre de l'Académie des Beaux-Arts et qu'à ce ...
... moment-là, il était au sommet de sa carrière, ayant été nommé Chevalier de la Légion d'honneur en 1931. Il a également reçu le prix Bridan et le prix Chenavard.
Louis Aimé Lejeune est né le 22 janvier 1884 dans le village de Livet-sur-Authou dans le département de l'Eure en Normandie. Son père, menuisier et ébéniste, souhaite que son fils devienne un artisan qualifié et suive ses traces. C'est dans ce but que le jeune Lejeune commence à recevoir sa formation artisanale. À l'âge de quatorze ans, il est si prometteur qu'il est envoyé à l'École Bernard-Palissy à Paris. Il s'y familiarise avec les éléments d'architecture, la perspective, l'anatomie et d'autres sujets essentiels pour le futur sculpteur. Ses capacités sont telles que le gouvernement du département de l'Eure lui accorde une bourse qui lui permet de s'inscrire à l'École des Beaux-Arts de Paris. Il y étudie pendant neuf ans, d'abord auprès du sculpteur académique Gabriel-Jules Thomas (1824-1905), puis de Jean-Antoine Injalbert (1845-1933), dont le style Belle Epoque marquera l'aspirant sculpteur. Alors qu'il est encore étudiant, Lejeune exécute Figure modelée d'après nature (1908) et Le Défi (1909).
Lejeune a vingt-deux ans lorsqu'il envoie sa première œuvre au Salon de Paris. Il s'agit du Rêver de Berger, qui sera acquis par le Musée d'Evreux. Il remporte ensuite le très convoité Prix de Rome avec son bas-relief Oreste et Electre Endormis et devient, de 1911 à 1914, pensionnaire de la Villa Médicis à Rome. Au cours de l'année 1914, la musicienne et compositrice Lili Boulanger (1893-1918) vient séjourner à Rome, avec laquelle il correspondra encore en 1915. En août 1914, Lejeune est rappelé en France et, pendant les quatre années suivantes, il est plongé dans la Première Guerre mondiale. Au cours de ses années en Italie, il avait étudié les chefs-d'œuvre de la Renaissance et, à partir des ruines de Paestum et de Syracuse, il avait développé une admiration pour l'art grec. Après sa libération de l'armée, il se rendit en Grèce, où il visita les vestiges classiques d'Athènes, de Delphes, de Corinthe, de Mycènes et de l'Olympe. Il acquiert la conviction que, plus que toute autre nation, les Grecs ont compris que le véritable caractère de la grande sculpture est architectural. Au Salon de 1920, Lejeune exposa Éphèbe, pour lequel il reçut une médaille d'or et qui était une œuvre reflétant sa compréhension de l'art grec. Peu après, il devient membre du jury du Salon des Artistes Français et professeur à l'École des Beaux-Arts.
Après la Première Guerre mondiale, Lejeune est chargé de créer un certain nombre de monuments aux morts, notamment à Beaumont-le-Roger (1921), Bernay (1921), Villers-Farlay (1921) et Serquigny. En plus de ces commandes, il réalise un certain nombre de portraits-sculptures, dont une commande pour un buste d'Horace Huntington. En 1926, il se rend en Californie pour achever ce buste et attire l'attention d'un certain nombre de collectionneurs américains. Parmi eux, la mécène et héritière californienne Anita Baldwin, qui lui commande les sculptures Je n'Oublierai pas (1930) et une fontaine en bronze à l'entrée de son vaste manoir Anoakia à Arcadia.
Nommé professeur à l'École des Beaux-Arts, Lejeune consacre une grande partie de son énergie à l'enseignement de la sculpture, comptant parmi ses élèves l'orfèvre et sculpteur Jean Puiforcat (1897-1945). En 1924, Lejeune et un groupe de collègues artistes ont créé une société visant à offrir aux artistes des logements abordables à Paris. Elle allait devenir la Cité Montmartre aux Artistes, où les peintres et les sculpteurs pourraient profiter d'une vie communautaire avec un espace d'exposition, des salles de conférence, une bibliothèque et agir comme une coopérative. Le projet est soutenu par Jean Varenne, conseiller municipal des Grandes-Carrières dans le 18e arrondissement de Paris au nord de Montmartre. L'architecte impliqué dans le projet est un ami de Lejeune, l'architecte Adolphe Thiers (1878-1957). La construction de la Cité Montmartre aux Artistes a commencé en 1929 et s'est achevée en 1936. Auparavant, en 1927, Thiers avait construit pour Lejeune une maison parisienne de style Art déco au croisement de l'avenue Junot et de la rue Simon-Dereure sur la butte Montmartre, où le sculpteur a continué à vivre jusqu'à sa mort le 7 avril 1969.
En novembre 1941, Louis-Aimé Lejeune et un groupe d'artistes acceptent de participer à un voyage dit d'étude en Allemagne pour visiter les hauts lieux de la culture allemande ainsi que des ateliers d'artistes. Le voyage est organisé par Arno Breker et Otto Abetz, l'ambassadeur d'Allemagne en France. Parmi les peintres et sculpteurs participant à ce voyage figurent Kees van Dongen, André Derain, Maurice de Vlaminck, Paul Belmondo, Henri Bouchard, Charles Despiau, André Dunoyer de Segonzac, Othon Friesz, Paul Landowski, Raymond Legueult et Roland Oudot. L'entreprise est présentée au groupe comme un moyen de promouvoir la libération des artistes français encore prisonniers, mais il est estimé qu'en fait, elle a été largement exploitée par la propagande du Troisième Reich.
L'œuvre de Louis-Aimé Lejeune est prisée par de nombreuses collections privées et publiques, dont des musées américains comme le Metropolitan Museum de New York : Éphèbe, (1927), le Brooklyn Museum : Sainte Thérèse et au Dartmouth College, Hanover. D'autres collections publiques possèdent ses sculptures, notamment le Musée d'art moderne de Paris : Cupidon (vers 1933), le Musée Cognacq-Jay, Paris, le Musée National d'Art Moderne, Paris : Portrait de Sir Joseph Duveen (1925). D'autres de ses sculptures à Paris se trouvent au Petit Palais, sur la terrasse inférieure du Palais de Chaillot et à la Cité de la Musique, ainsi qu'au Musée Cantonal des Beaux-Arts de Lausanne : Femme à l'Enfant, (1924).