Par Franck Baptiste Provence
Trés important portrait (170 cm) représentant Philippe D’Orléans (1674-1723) à mi-corps, en armure, brandissant son bâton de commandement d’une main tandis que l’autre repose sur son casque.
Le Régent du royaume de France pose ici en chef de guerre devant une scène de bataille se déroulant lors du siège de Fontarabie en 1719.*
Sa magnifique cuirasse rutilante est constellée de fleurs de Lys, tout comme son bâton de commandement.
Elle est barrée du cordon bleu du St Esprit et de l’écharpe blanche du commandement militaire.
Cette dernière en soie blanche ourlée d’or est nouée autour de sa taille et retombe en larges pans.
Le Régent porte aussi un jabot en dentelle autour du cou et il est coiffé d’une large perruque bouclée et poudrée dont une des nattes retombe sur son plastron.
Son visage et son regard serein semble nous indiquer l’issue victorieuse de la bataille.
Huile sur toile.
Bel état de conservation, rentoilage et petites ...
... restaurations d’usage.
Cadre en bois et stuc doré du milieu du 19 ème siècle.
Ecole française , trés certainement atelier de Jean Ranc, vers 1719-1720.
Dimensions :
Cadre : Hauteur : 170 cm ; Largeur : 136 cm
Toile : Hauteur : 140 cm ; 112 cm
Notre avis :
La posture de notre tableau avec un militaire posant devant une scène de bataille et tenant un bâton de commandement d’une main tandis que l’autre main repose sur son casque est une invention de Hyacinthe Rigaud.
En effet elle semble trouver sa source dans un portrait du grand Dauphin réalisé en 1697 par le maitre catalan, avec la participation de son élève Joseph Parrocel pour la scène de bataille.
En raison de son iconographie « en chef de guerre oeuvrant pour le royaume » cette posture à succès sera ensuite utilisée à de nombreuses reprises par l’atelier de Rigaud, notamment pour les portrait des Ducs d’Evreux et de Chaulnes, de Vauban …
Le régent semble avoir préféré Jean Baptiste Santerre pour réaliser son portrait officiel dont de multitudes reprises d’atelier nous sont parvenues.
Sur notre oeuvre Philippe D’Orleans est représenté plus âgé et plus enrobé que sur son portrait officiel, notamment en raison de la vie dissolue qu’il mène en Versailles, entre fêtes et orgies.
Surtout il est représenté durant une bataille, ce qui nous oriente vers le siège de Fontarabie, seule grande action militaire menée par la France durant cette période de paix et de prospérité que fût la Régence.
Jean Baptiste Santerre étant décédé deux avant ce siège, c’est Jean Ranc qui fût enrôlé pour oeuvrer à la propagande militaire de la France.
Ce fait est confirmé par une précieuse gravure de 1719 par Nicolas Edelinck avec la mention « I.Ranc pin » qui représente un portrait équestre du Régent devant ses troupes, dont l’original est non localisée à ce jour.
L’iconographie utilisée par Jean Ranc sur ce portrait est identique à celle de notre tableau, même double menton, même natte qui retombe sur le cordon, même noeud pour le jabot …. même date de 1719 qui correspond au siège de la ville de Fontarabie.
Il est donc évident que notre composition est une création du peintre Montpelliérain.
Ce fait est renforcée par la typologie de la posture militaire que Jean Ranc connaissait parfaitement puisqu’il était apprenti dans l’atelier de Rigaud lors de sa mise au point.
Il est donc clairement établit que notre artiste a réalisé deux oeuvres représentant le Régent lors de sa campagne militaire contre l’Espagne mais il est assez curieux que de nombreuses copies ne nous soient pas parvenues.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce fait, comme le départ de Jean Ranc pour l’Espagne dés 1722 ou encore la mort prématurée du Régent en 1723.
Mais il est possible que ce soit tout simplement la réconciliation définitive avec la couronne espagnole en 1720 qui ait stoppé pour cause diplomatique cette production symbolisant la mésentente entre les deux royaumes.
Il est d’ailleurs fort possible que cette ultime production française de Jean Ranc influença grandement Philippe V qui voulait un peintre du calibre de Rigaud pour la couronne d’Espagne.
Le grand format de notre tableau, sa finesse et son caractère inédit en font une oeuvre particulièrement rare et précieuse.
*Siège de Fontarabie
Le 9 janvier 1719, la France déclare la guerre à l'Espagne. Le conflit est la conséquence de la rivalité personnelle entre le roi Philippe V d'Espagne, petit-fils de Louis XIV, et le Régent de France Philippe d'Orléans. Le prétexte en est fourni par les prétentions du roi d'Espagne sur le trône de France et un projet d'attentat contre la personne du Régent.
Une armée française franchit la Bidassoa au printemps sous le commandement du maréchal Jacques de Berwick, fils naturel du roi Jacques II Stuart. Elle met le siège devant Fontarabie, en face d'Hendaye, et emporte la ville le 17 juin. À l'automne, les Anglais débarquent en Galice cependant que les Provinces-Unies déclarent à leur tour la guerre à l'Espagne.
Philippe V se résout à négocier. Les alliés exigent au préalable l'éviction de son Premier ministre, le cardinal Alberoni. C'est chose faite le 9 décembre 1719. Philippe V le congédie et il doit s'enfuir en Italie. La paix est signée à La Haye le 20 février 1720. Le roi d'Espagne renonce formellement à la couronne de France...
Jean Ranc (Montpellier 1674 - Madrid 1735), est un peintre qui fût reçu académicien en 1703.
Brillant élève de Hyacinthe Rigaud et portraitiste du Régent et de l’élite parisienne durant près de 26 ans, il sera envoyé à la cour d’Espagne pour devenir le peintre officiel de la famille royale.
Durant plus d’une décennie il fera le plaisir du neveu de Louis XIV, devenu roi d’Espagne sous le nom de Philippe V.