Gaetano GANDOLFI (1734 - 1802), Scène inspirée du « Livre des Lamentations »

... manière générique et assez peu convaincante comme Scène de sorcellerie, nous semble plutôt devoir correspondre une référence littéraire précise. L’absence d’attributs généralement associés à la magie ou à la sorcellerie tels que des dessins tracés sur le sol, des serpents, des chauves-souris, des serpents, de la fumée, etc. semble bien devoir nous écarter de cette hypothèse. Lors de son acquisition, le dessin était vaguement mis en relation avec un quelconque épisode de l’Enfer de Dante que nous ne sommes jamais parvenus à identifier.

En revanche, la Bible, et plus particulièrement l’Ancien Testament offre plusieurs descriptions de femmes amenées à dévorer leur progéniture en raison de la grande famine d’une cité assiégée, infligée comme châtiment au peuple juif :
Deutéronome, 28-53 : « Et le siège sera si terrible et ton ennemi te causera une telle détresse que tu mangeras tes propres enfants, la chair des fils et des filles, que Jéhovah ton Dieu t’aura donné ».

Livre des rois 6 :29 : « Nous avons donc fait cuire mon fils et nous l’avons mangé, le lendemain je lui ai dit : « Donne ton fils pour que nous le mangions ». Mais elle a caché son fils ».
Jérémie 19 :9 : « Et je leur ferai manger la chair de leurs fils et de leurs filles. Oui chacun mangera la chair de son semblable. Car la ville sera assiégée et le désespoir les saisira ».
Lamentations 2 :20 : « Vois ô Jéhovah, et regarde le peuple que tu as traité si durement. Faut-il que les femmes continuent à manger leurs propres petits, des enfants nés en plaine santé ? »
Lamentations 4 :10 : « Les femmes compatissantes ont fait cuire sœurs enfants de leurs propres mains. Ils sont devenus leur nourriture de deuil ».
Lévitique 26 :29 : « Ainsi il faudra que vous mangiez la chair de vos fils, et vous mangerez la chair de vos filles ».
Deutéronome 28 :54-57 : « Même l’homme le plus délicat et le plus sensible parmi vous n’aura aucune pitié pour son frère, sa femme bien-aimée ou les fils qui lui resteront, et il ne partagera pas avec eux la chair de ses fils qu’il mangera, car il n’aura rien d’autre, tant le siège sera terrible… Et la femme délicate et sensible parmi vous, si délicate qu’elle n’aurait jamais songé à poser par terre la plante de son pied, n’aura aucune pitié pour son mari bien aimé, son fils ou sa fille, ni même pour le placenta qui sort d’entre ses jambes ou pour les fils qu’elle a mis au monde, car elle les mangera en secret, tant le siège sera terrible et tant la détresse que ton ennemi causera dans tes villes sera grande »

Ainsi Gaetano nous surprend-il par cette insolite illustration d’un épisode biblique jusqu’alors à notre connaissance jamais représenté dans l’art et à fortiori encore moins au cours de la période néo-classique, généralement plus orientée vers des sujets de l’antiquité classique ou du Nouveau Testament.