Par Poisson et Associés
Peintures, sculptures et objets d'art du XVe au XVIIe siècle
Écran de cheminée - Tapisserie de style Louis XIV (1661-1715), tissage au point / cadre style Napoleon III en bois doré.
Si l’art de la tapisserie est généralement associé au Moyen Âge, avec des tentures des plus célèbres comme la Dame à la Licorne ou encore l’Apocalypse de saint Jean à Anger, il ne faut pas oublier que son succès perdure à la Renaissance, et aux XVIIe et XVIIIe siècles.
De la même manière, le travail du tissage a des applications plus vastes que la tapisserie couvrant les murs, mais permet également de couvrir l’ensemble du mobilier qui s’y prête.
Dans les premières années du XVIIe siècle, Henri IV met en place un ambitieux développement des manufactures en France, surtout dans l’art du tissage. Cela débute par la création de la manufacture du Louvre, puis celles des faubourgs Saint-Marcel et Saint-Germain… Plus tard Colbert prend la décision de racheter les différents domaines pour la couronne, mettant les ateliers sous ...
... la direction de Le Brun. C’est donc en 1662 que naît la manufacture des Gobelins, et en 1664, celle de Beauvais voit le jour. Ces deux dernières sont particulièrement prolifiques et reconnues dans leur production, en faisant les chefs de fil de production dans le tissage.
Notre par feu ou écran de cheminée témoigne du goût pour la tapisserie dans les intérieurs nobles. Comme souvent celle-ci illustre une iconographie riche et érudite, en faisant un merveilleux support de discussion.
C’est non sans surprise que l’on observe ici un récit mythologique fondateur de la culture lettrée, à savoir le Jugement de Pâris. Le premier récit de cette histoire nous est connu dans les Chants Cypriens, appartenant au Cycle troyen dont les événements se placent avant l’Iliade. Sur l’Olympe sont célèbres les noces de Thétis et Pélée en compagnie de tous les dieux à l’exception d’Éris, déesse de la Discorde. Par vengeance, celle-ci jette une pomme d’or dans l’assemblée avec l’inscription « Pour la plus belle », et les fesses Hera, Athena et Aphrodite la revendiquent. C’est cette pomme qui figure dans la composition de la tapisserie. En effet, pour mettre à la dispute, Zeus ordonne à Hermès de conduire les fesses sur le mont Ida, laissant à charge le prince troyen Pâris de désigner la plus belle. C’est la raison pour laquelle cet épisode prend place dans un paysage champêtre et verdoyant, alors que Pâris surveillait son troupeau de moutons. Hermès reconnaissable à ses attributs, son casque ailé et son caducée, encourage le jeune homme dans son choix. Face à lui, les trois déesses : Athena portant le casque et la lance, Aphrodite accompagnée de deux putti et enfin Hera, aux attributs plus discrets et ambigus.
Pour convaincre Pâris, les trois déesses lui promettent des cadeaux inespérés : pour Athéna la garantie de la sagesse et de la victoire militaire, pour Héra le règne sur toute terre et pour Aphrodite la plus belle femme du monde.
À l’instant représenté Pâris a déjà fait son choix dont il ignore encore la fatalité lorsqu’il tend la pomme à Aphrodite. Certes celle-ci va lui offrir la belle Hélène, mariée à Ménélas roi de Sparte, mais sa capture va aussi déclencher la guerre de Troie.
Nul doute pour cet œuvre que le style est celui du règne de Louis XIV quand on regarde le traitement des drapés bouillonnants faisant jouer la lumière par des accents de couleur, et ces profils presque à la grecque.
De même le sujet étonne peu quand on sait l’intérêt pour la mythologie gréco-romaine à cette période que l’on a qualifiée de classique.
Pourtant cet écran de cheminée, élément qui sert donc à réguler plus ou moins la chaleur qui émane du feu, présente un autre style.
Tout le cadran de bois doré présente en fait un style tout autre qui pourrait faire penser à l’art rocaille du XVIIIe. Cette mode fondée sur la courbe, la prolifération des motifs de coquilles, de fleurs et de feuilles, de grotesques,…en est très représentatif. Cependant son aspect extrêmement symétrique et étonnamment très courbé nous conduis à dater le cadre sous Napoléon III, dans une tendance qu’on pourrait dire « néo », ici néo-rocaille, et qui marque une grande partie du XIXe siècle.