Par Poncelin de Raucourt Fine Arts
Carle Van Loo (Nice 1705 – Paris 1765)
Persée et Andromède
Huile sur toile. H. 081; L. 065.
Aux côtés de François Boucher (1703-1770) et Charles-Joseph Natoire (1700-1777), Carle Vanloo (Nice 1705 – Paris 1765) est reconnu de nos jours comme l’un des trois principaux peintres d’histoire français de la génération dite « de 1700 ».
La production de Carle Vanloo est bien documentée entre le moment de sa réception à l’Académie royale de peinture et sculpture en 1734 (Apollon écorchant Marsyas, Paris, Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts) et sa consécration au titre de directeur de l’institution en 1765. Celle-ci a donc toujours été classée sans peine sous le nom de Carle Vanloo.
Plus complexes s’avèrent les toutes premières années au cours desquelles l’artiste commence à peindre et tel est précisément l’époque à laquelle se rattache notre tableau (fig. 2). Du fait même que Carle Vanloo fut élève à Turin puis à Rome de son ...
... frère Jean-Baptiste (1684-1745), de quelque vingt années son aîné, il était prévisible que de multiples liens soient perceptibles entre leurs productions respectives. C’est entre le retour de Carle Vanloo à Paris en 1723 et son nouveau départ en Italie en 1727 (à la suite de l’obtention du « Grand Prix » de l’Académie royale) qu’on s’en aperçoit le plus. L’histoire de la commande de la grande Présentation au Temple destinée à l’église Saint-Martin-des-Champs à Paris en 1725 le montre parfaitement. Signée et datée Carle Vanloo, la toile est aujourd’hui conservée à la Primatiale Saint-Jean de Lyon, mais l’esquisse préparatoire conservée au Musée des Beaux-arts de Lyon revient en fait à Jean-Baptiste Vanloo (et non à Carle Vanloo comme l’avait pressenti de longue date Daniel Ternois).
Au-delà de ces rapports de collaboration, le style des deux frères présente à cette époque de fortes affinités. Un bon exemple est la Diane et Endymion annoncée sous le nom de Jean-Baptiste Vanloo (fig. 1) dans le commerce d’art parisien il y a plusieurs années (vente Paris, Hôtel Drouot, Me Couturier Nicolay, 10 décembre 1999. Huile sur toile. H. 081; L. 073). Le morceau de réception de ce dernier de même sujet et qui montre Endymion selon une pose similaire était trompeur. Il s’agissait en réalité d’une œuvre de jeunesse de Carle Vanloo probablement peinte vers 1726 : la simplification formelle et certains procédés tel le phénomène d’illumination de la tête de Diane au niveau du front sont typiques de Carle Vanloo à cette époque de sa vie.
Carle Vanloo est connu pour avoir illustré le sujet de Persée et Andromède vers 1737 ; il s’agit du fameux tableau conservé au Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg (huile sur toile. H. 072; L. 091; ?? 1230). Or notre tableau apparaît comme sa première vision du sujet et plus précisément vers 1726, soit exactement au moment de la Diane et Endymion tout juste évoquée. On constate en premier lieu la même forme de sobriété de lecture : au tout premier plan apparaît Andromède attachée aux rochers, la silhouette aérienne de Persée surgissant pour tuer le monstre marin. Au loin, le roi Céphée, père d’Andromède, et les Éthiopiens sont témoins au miracle survenu. Le détail que nous avons relevé au sujet de Diane s’observe à nouveau : le front d’Andromède et la partie haute de sa tête sont si illuminés qu’ils en deviennent presque flous optiquement parlant. Typiques de l’écriture de Carle Vanloo toujours à cette époque sont les visages qui se dérobent au regard. Datant de 1727, Énée fuyant Troie (Louvre) l’illustre parfaitement, le visage du héros troyen étant à peine visible. On en dirait de même ici, le visage de Persée disparaissant pratiquement derrière son casque. La manière de traiter les draperies est encore un élément distinctif du style de Carle Vanloo vers le milieu des années 1720. Celle qui sert de cache-sexe à Andromède forme un dessin simplifié étant presque en losange. Cette étrange manière de figurer les draperies s’observe dans d’autres tableaux de la même époque à commencer par ceux qui sont cités ci-après. En effet, il y a lieu de se demander si notre tableau ne se rattache pas à un cycle du même auteur ayant pour sujet Les Amours des dieux. Est-ce seulement une coïncidence si la Diane et Endymion de Carle Vanloo, qui illustre à nouveau les Métamorphoses d’Ovide, date de la même époque et offre pratiquement les mêmes dimensions que Persée et Andromède ? La même interrogation affecte Mars et Vénus, tableau de Carle Vanloo conservé au Fine Arts Museum de Houston (TX, U.S.A. ; huile sur toile. H. 081 ; L. 066 ; BF. 1978.24 ; fig. 3). Le musée date ce tableau des alentours de 1726 et les dimensions sont à nouveau semblables. Un quatrième tableau a toutes les chances de se rattacher à la même série : Éros et Psyché de Carle Vanloo (huile sur toile. H. 081 ; L. 065 ; fig. 4), aujourd’hui visible à la Galerie Marty de Cambiaire (Paris)
Carle Vanloo n’ignorait pas la fameuse série mythologique que son rival François Lemoyne (1688-1737) était en train de peindre pour son mécène François Berger (les toiles étant partagées entre le Musée des Beaux-arts de Tours, la Wallace Collection de Londres et d’autres musées). Lemoyne venait d’ailleurs tout juste de dépeindre Persée et Andromède (la toile de la Wallace Collection de Londres porte la date de 1723). Sans doute peint pour quelque particulier, le cycle mythologique de Carle Vanloo à son premier retour d’Italie mérite d’autant plus notre attention qu’il aurait été une « réponse » à celui de François Lemoyne. Il apparaît surtout comme la toute première tentative d’affirmation de Carle Vanloo sur la scène artistique parisienne en matière mythologique.
Fr. Marandet
Londres, le 8 juillet 2024.
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