Cabinet en bois noirci orné de peintures sur Paésine, Augsbourg XVIIe siècle

... compartiment central amovible. Cet artifice témoigne plutôt de la prouesse et de l’ingéniosité de l’ébéniste que d’un véritable besoin de sécuriser les objets y contenus.
Les tiroirs sont ornés de plaques de pierre Paésine de forme elliptique insérées dans des encadrements en bois noirci. Les portes accueillent en leurs centres les plaques de Paésine au centre d’un cartouche sculpté aux mascarons agrémenté de rubans.
Les plaques de Paésine sont rehaussées de peintures à l’huiles principalement des petites figures qui se fond sur un fond naturel des strates.
Le thème adopté pour les grandes plaques illustre des vertus chrétiennes. La fonction des sujets est de refléter et interpréter le monde en lien avec la recherche philosophique du propriètaire du « kunstkammer ».
Les trois vertus choisis par le commanditaire sont la Foi et l’Esperance pour les grandes portes et la Force pour la petite porte.
La foi est représentée par une femme tenant la croix, symbole du christianisme, et le livre des Evangiles.
L’Esperance est figurée par une femme se tenant debout à cote d’une ancre. L’ancre symbolise la stabilité et l'assurance ; cette vertu permet à l'homme qui vacille, d'échapper aux remous de l'existence.
La force est représentée par un soldat portant la colonne brisée. La colonne, symbole de la force d’âme, est brisée par allusion à l’exploit de Samson, héros biblique, qui incarne dans sa lutte contre les Philistins, un exemple de la force non seulement physique mais aussi morale.
Les tiroirs reçoivent un décor de figures dans les paysages.
Le contraste est saisissant entre la sobriété du bois noirci et les couleurs claires naturelles de la pierre Paésine. Les plaques peintes de miniatures insérées dans le bois sombre étant particulièrement bien mises en valeurs tel un tableau avec son cadre. Les formations naturelles de la pietra paesina imitant des paysages et des arbres constituent un fond parfait pour y peindre quelques petites figures.

La peinture sur pierre

La peinture sur pierre est une technique qui apparaît en Italie autour de 1530. Le support promets une tenue exemplaire dans le temps, contrairement aux supports traditionnelles comme la toile ou bois considéré fragiles.
Dans un deuxième temps, à partir des années 1580-1590, les artistes varient leurs productions en employant des Supports comme le jaspe, l'améthyste, l'agate, ou l'albâtre. La diversité et la richesse des matériaux répondent alors à deux attentes : elle correspond au goût pour la préciosité et s'inscrit dans une connivence entre art et nature. Florence et Rome deviennent des centres de production importants et de nombreuses familles dont les Médicis et les Barberini jouent un rôle primordial dans cet essor.

La pierre Paésine

La paésine est une variété de calcaire que l’on trouve dans le nord de l’Italie autour de Florence et dans les Apennins, et qui est particulièrement représentative des pierres à image. Cette roche est aussi appelée marbre ou calcaire ruiniforme, pierre paysage, pierre figurée ou marbre florentin. Coupées et polies, les plaques successives présentent des dessins différents sur chaque tranche. Les verts, bleus ou gris suggèrent le ciel et la mer; les veines brunes des maisons, des châteaux, tours, donjons, des villages en ruine ou des rivages, falaises et grottes.
L’usage de ce calcaire comme pierre d’ornementation remonte à l’Antiquité mais c’est au XVIe siècle que les paésines sont utilisées pour la décoration de meubles et de cabinets. En effet, les « pietra paesina » suscitent l’admiration des amateurs de cabinets de curiosités naturelles à la Renaissance. Les Médicis en décoraient leurs cabinets italiens, en faisaient des inclusions dans les marqueteries de pierres dures. Les paésines étaient parfois peintes, leur décor fantastique servant de fond à ces tableaux de pierre aux XVIIème et XVIIIème siècles, très prisés des collectionneurs.

Cabinets d'Augsbourg

Il existe un corpus restreint d’une dizaine de cabinets dont les tiroirs ou les portes sont incrustés de pierres dures peintes, généralement les agates et le jaspe. Ils ont été fabriqués à Augsbourg, et pour la plupart ont été commandés dans les années 1630 par Philippe Heinhofer (1578–1647) (marchand d’art) destinés aux princes européens.
Ses cabinets à l’exemple de celui des collections de l’Université d’Uppsala, de Rijksmuseum ou les Offices de Florence tellement exubérants et très onéreux ont mené à la ruine Philippe Heinhofer, mais ont dû inspirer les ébénistes et artistes d’Augsbourg pour fabriquer des modèles certes moins impressionnants mais plus accessibles aux collectionneurs.