Par Antiquités Philippe Glédel
Mobilier XVIIIe parisien et régional, dont meubles de port.
Exceptionnelle armoire rennaise de mariage Régence en merisier,
à corniche double cintre, attribuée à Julien Dondel, vers 1770.
Travail du Pays de Rennes de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Cette armoire appartient à l'âge d'or du mobilier du Pays de Rennes, courte période florissante de transition entre meubles Louis XIV et meubles Louis XV qui va de la fin du XVIIIe siècle jusqu'aux toutes premières années du XIXe siècle, et durant laquelle les hiératiques armoires à triple panneaux et pieds droits de type Louis XIV verront leurs montants s'arrondir et leurs pieds se galber tandis que les premières armoires à double panneaux (encore entièrement sculptés) ornés de moulures Louis XV feront leur apparition, toutes parées d'une luxuriante ornementation propre aux répertoire à la Bérain.
Le travail de Julien Dondel est reconnaissable car il s'est montré novateur en introduisant le style Régence dans le pays de Rennes, style qui n'a que très peu été ...
... assimilé dans nos provinces. Cette armoire est en effet animée par un riche répertoire ornemental issu de la Régence et pour mieux l'assouplir l'artisan s'est débarrassé de la rigidité des traditionnels cadres moulurés (quadrilobes des panneaux centraux des armoires rennaises XVIIIe et bordures de pourtour des autres panneaux) ainsi que des habituelles réserves (zones découpées et laissées planes sur les panneaux inférieurs et supérieurs).
On dira en effet que le style Régence a soumis l'architecture à la sculpture, mais sans la négliger pour autant.
La corniche à double cintre est moulurée et sculptée d'une large bande de feuilles d'acanthe imbriquées délimitée par un rang de dents de loup et de créneaux. Elle est surmontée d’un fronton très découpé à décor d’une large coquille d'où s’échappent deux feuilles d'acanthe nervurées. L'étirement de cette coquille et sa bordure bien ourlée sont des éléments caractéristiques de la coquille en palmette de la Régence.
La traverse haute, qui adopte le mouvement cintré des portes, est agrémentée d’un médaillon central mouluré d’un baguette demi-ronde et sculptée d’un large fleuron tandis que deux réserves, semblablement moulurées, sont sculptées du même décor de coquille en palmette d'où s'étirent des tiges florales à feuilles nervurées ponctuées de fines campanes. Ce décor se poursuit en miroir à chacune des extrémités de la traverse sans être interrompu par le cadre classique et l'arasement traverse-montant est purement ignoré pour un bandeau continu avec une coquille de liaison en agrafe qui permet au décor de reprendre en chutes libres sur les montants. Cette façon est l'apanage des sculpteurs les plus habiles et les plus audacieux, de ceux qui n'hésitent pas à passer outre l'académisme pour aller de l'avant. Remarquons à ce titre d'une part la feuille godronnée qui vient couronner la coquille placée au sommet du montant, en surplomb même de la baguette de la réserve, et d'autre part le cartouche (très rare, y compris chez J. Dondel) qui s'inscrit dans la moulure concave à l'amortissement de la porte. On voit que les notions de la sculpture Régence, à la fois puissance et souplesse, mais aussi assujettissement de l'architecture, sont ici parfaitement assimilées.
Sur les portes, les trois panneaux, mis en relief par une plate bande et par des traverses soulignées de puissantes moulures saillantes et à larges gorges concaves, sont sculptés dans une ordonnance équilibrée assouplie par une légère asymétrie.
- Sur ce panneau supérieur, à peine contenu par un jeu de bandes se déploie sur toute la surface disponible et sans effet de masse un large décor de coquille godronné, feuilles godronnées, motifs en ailes de chauve-souris, le tout agrémenté de tiges florales.
- Le panneau central est également très richement sculpté, dans une nette asymétrie, de larges collerettes et ailes de chauve-souris godronnées, festonnées et agrémentées de volutes, tiges florales, feuilles d'acanthe et feuilles de palmier, tous ornements propres au style Régence.
- Le panneau inférieur où se déploient avec souplesse de larges feuilles d'acanthe crispées sommée d'une coquille inversée étirée en éventail, le tout contenu par un jeu de bandes et de cartouches.
Le coup de ciseau est habile, le tracé plein de souplesse et de maîtrise, l'outil affûté entrant dans le tendre bois de fil n'a pas laissé de traces et le poli est superbe, la sculpture est bien fouillée et parfaitement dégagée.
En partie basse, une collerette festonnée court tout le long des traverses, agrémentée aux accolades des moulures de volutes sommées de coquilles godronnées, d'un petit fleuron au centre, d'une petite feuille formant palmette en côtés
Les côtés en merisier sont compartimentés en cinq panneaux moulurés décreusés de plates bandes et traverses moulurées de quart-de-rond. Les épais montants à coins arrondis sont sculptés des ravissantes tiges de feuillages et fleurettes ponctuées de campanes, en rappel des motifs de la traverse supérieure, et sont ponctués de pieds à volutes.
État :
Bel état d'origine de l’ensemble, quelques petites restaurations d'usage.
Ce meuble a été l'objet d'une restauration complète et approfondie, et sa patine profonde d'origine, ravivée par un polissage et une mise en cire méticuleuse, est absolument superbe.
Petite dimension à signaler, d'à peine plus de 2,25 mètre de haut, soit très en deçà des mesures habituelles des armoires de Rennes.
Assemblage du bâti à tenons, mortaises et chevilles, fonçures (dos - plancher - plafond) en bois de merisier et châtaignier.
Pour les garnitures, quatre gonds épais en fer, deux entrées de serrure
en fer ouvragé et une grosse serrure en fer, avec sa clé, le tout
d’origine et en parfait état.
Intérieur avec dos, plancher et plafond d'origine. Une étagère en chêne à bordure moulurée munie de deux tiroirs rapportée. Les coulisseaux ont été conservés et l'agencement pourra aisément se faire soit en rapportant deux étagères similaires en chêne de part et d'autre (pour une lingère) ou bien encore en positionnant l'étagère sans ses tiroirs au rang supérieur (pour une penderie).
Julien Dondel est un artisan qui figure parmi les plus célèbres du pays de Rennes (trois armoires de sa main figurent dans les collections des musées de Rennes), son atelier était situé à Saint-Sulpice-la-Forêt, une commune située au nord de la capitale bretonne.
Nous voyons en lui un artisan novateur, notamment car il s'est affranchi en plein XVIIIe siècle des quadrilobes et des réserves non sculptées pour mieux couvrir toute la surface des panneaux de ses armoires. On remarque aussi qu'alors que ses concurrents restent encore attachés à une parfaite symétrie, Dondel adopte déjà l'asymétrie dans ses décors. Le caractère délié de sa sculpture sans contraintes des cadres est en parfaite adéquation avec les canons du style Régence.
Il compte parmi les artisans rennais les plus prolifiques (et nous avons compilé sur notre site personnel toutes les armoires signées ou attribuables à J. Dondel).
Conditions générales de livraison :
Pour tout objet ou meuble à partir de 5.000 euros, nous livrons nous-mêmes gratuitement partout en France (et parfois même au delà), il y a possibilité d'obtenir cette même prestation pour des pièces de moindre valeur suivant la destination et le délai.