Par Galerie Gabrielle Laroche
Origine : France, Picardie
Epoque : Fin du XVe siècle, vers 1480-1500
Ensemble composé de deux stalles isolées et d’une stalle à deux places dont les appuie-mains et les miséricordes sont sculptés de personnages et de scènes de l’époque gothique de grande qualité.
État de conservation : consolidations, restaurations d’usage et d’entretien
STALLE 1
Hauteur : 106 cm
Largeur : 87 cm
Profondeur : 62 cm
Sur la miséricorde de la première stalle un grylle dévore un coq.
Une dévote (femme qui fait preuve de dévotion) et un moine en ronde-bosse forment les deux appuie-mains.
STALLE 2
Hauteur : 107.5 cm
Largeur : 87 cm
Profondeur : 61 cm
La miséricorde représente un huchier surveillé par son maître d’œuvre avec en guise d’appuie-mains un personnage civil et un personnage encapuchonné un livre à la main.
STALLE À DEUX PLACES
Hauteur : 107 cm
Longueur : 151.5 cm
Profondeur : 63 cm
À gauche, un paysan est accompagné de cochons ...
... sauvages sous un chêne. À droite un coiffeur réalise la tonsure d’un moine.
Deux fous et une femme portant un rat sur le dos font office d’appuie-mains.
Les stalles désignent les rangées de sièges délimitant l’espace capitulaire où prennent position chanoines et prêtres lors de la célébration des offices chantés. Permettant entre autres à la personne de combattre le froid en le maintenant isolé des parois en pierre de l’église, leur importance dans la vie de la communauté religieuse, au-delà de la dimension pratique, atteint le symbolique.
Car c’est par l’attribution d’une stalle que le religieux intégrait officiellement une communauté, comme en fait foi la sémantique ‘installer’ (mettre dans sa stalle) renvoyant à la mise en possession d’une charge ecclésiastique.
La stalle apparaît dans le mobilier religieux dès les premiers siècles de l’Église, mais c’est plus tardivement qu’apparaît la miséricorde ainsi qu’en témoigne sa plus ancienne occurrence connue dans les Constitutiones, règles du monastère de Hirsau (Allemagne) datées du XIe siècle.
Cette console fixée sous l’abattant permettait, une fois celui-ci relevé, de se reposer tout en restant debout. Un ajout de confort établi au prix de longs et de nombreux débats en raison d’une frange de l’Église hostile à cette ‘coutume dépravée des clercs que de s’asseoir pendant les offices’ (Petrus Damianus 1007-1072).
En raison de sa position et fonction, la miséricorde ne permettait pas le développement d’une iconographie religieuse sans que son usage soit perçu comme sacrilège. C’est pourquoi l’imagier favorisa largement les motifs profanes tels que les animaux, l’illustration de dictons ou encore la représentation de scènes de la vie quotidienne. Les motifs liés aux Écritures ne représentent pas plus de 4% des miséricordes en France.
Les miséricordes relèvent de sources modestes tels que les incunables populaires et la vie séculière. Les proverbes et expressions constituaient aussi un sujet de choix pour les artisans qui y trouvaient une source prétexte aux figurations les plus licencieuses et humoristiques.
Cela semble être le cas pour notre première miséricorde qui probablement renvoyait à un dicton alors aisément identifiable, mais aujourd’hui oublié. On y voit un coq, yeux et bec ouverts, en train de se faire engloutir par un grylle. Ce monstre d’origine antique se caractérise par une absence de tronc, la tête prenant place directement sur la paire de pattes. Il connaît un retour de faveur pendant la période gothique où il gagne une place prépondérante dans les drôleries marginales des manuscrits.
Mais ce sont des scènes de la vie quotidienne qui occupent sur notre ensemble de stalles, la majorité des miséricordes. Trois reliefs représentent des personnages occupés à pratiquer leur métier, rendant compte d’un phénomène iconographique qui n’a pratiquement pas d’équivalent dans la sphère religieuse. La diversité et le réalisme de leurs représentations conduisent à penser qu’il s’agissait d’occupations exercées par les paroissiens fréquentant l’église.
Sur notre ensemble de stalles, l’imagier a représenté un huchier assis devant une souche d’arbre dont il équarrit le bois tandis que derrière lui se tient le maître d’ouvrage, bourse à la ceinture, prompt à le corriger et à l’aiguiller. Sur la gauche un ensemble de planches fait montre du travail accompli par l’ouvrier.
Sur la scène suivante, un porcher s’apprête à nourrir des cochons sauvages en frappant de son bâton les branches d’un chêne garni de glands. L’homme est représenté de profil, le bras figé dans son action témoignant de la capacité narrative de l’imagier.
Enfin, un coiffeur s’applique à la tonsure d’un moine installé sur le siège à plis de serviette d’époque gothique, un linge noué autour du cou. Une serviette suspendue à gauche de la scène trahit le goût de l’imagier pour l’anecdote.
Les miséricordes ne sont pas les seuls détails éclairant la vie quotidienne de la congrégation, les appuie-mains révèlent aussi une certaine facette de la société. Si les figures de dévotes aux bras croisés ou de moines méditant sur leur lecture caricaturent aimablement le clergé, les deux fous assis à califourchon sur les arrêtes font écho à un autre type de comédie.
Reconnaissable par leurs vêtements à grelots les fous étaient rémunérés pour leurs prestations pendant lesquelles ils divertissaient, mais aussi conseillaient et mettaient en garde. Du XIIIe siècle jusqu’à la Renaissance ce rôle ambivalent a été incarné par les membres même du clergé. Ces ‘fêtes des fous’, festum stultorium, voyaient les sous-diacres jouer dans l’enceinte des stalles des scènes satiriques et provocantes en mimant par exemple le service divin ou des élections d’évêques. Cette étrange coutume où l’on s’autorisait tous les excès sous couvert de folie, fut fréquemment pointée du doigt par les autorités désapprobatrices ; encore en 1435 le concile de Bâle réitère son interdiction.
Un dernier élément insiste sur la dimension caustique des personnages, il s’agit du rat représenté sur le dos de la femme. Depuis le haut Moyen-Age les animaux sont devenus des outils idéologiques au service de l’Église, ils servent d’illustrations morales. Ainsi le rat et la souris sont traditionnellement identifiés à des créatures du diable, assimilés à l’hérésie. Le choix de le représenter sur le dos d’une femme se passe de commentaires.
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