Par Galerie Gilles Linossier
Nicolas André Monsiau (Paris 1754/1837)
Molière lisant sa comédie du Tartuffe chez Ninon de Lenclos
Huile sur toile signée et datée (1802) en bas à gauche
Dimensions
97 cm H x 147 cm L
Analyse du tableau conservé au musée bibliothèque de la Comédie Française, plus petit (97 cm H x 85 cm L) mais similaire en de nombreux points.
Inondé par un rai de lumière issu de la fenêtre, Molière déclame son texte, une main levée, l’autre brandissant Le Tartuffe qui vient d’essuyer de virulentes critiques en raison de sa dimension subversive, d’autant plus mal admise que le parti dévot pèse de tout son poids à la cour. Le dramaturge embrasse désormais la comédie de mœurs, fondée sur la vraisemblance des caractères, ici celui de l’hypocrisie pieuse. A deux reprises, en 1664 et en 1667, la pièce est interdite, malgré les modifications qui y sont apportées. Il faut attendre 1669 et le décès de la reine mère pour qu’elle soit autorisée. Cette ...
... lecture de la pièce interviendrait peu de temps après la première condamnation de Molière, dans le salon que tient Ninon de Lenclos au 36 rue des Tournelles à Paris. Or, l’intérêt du tableau ne se limite pas à Molière, élément certes prégnant dans ce parterre exclusivement masculin de savants, d’artistes et d’écrivains composé notamment de Pierre et Thomas Corneille, de Jean-Baptiste Lully, de Racine, Jean de la Lafontaine, Nicolas Boileau, Chapelle, Baron, le grand Condé , La Bruyère, Pierre Mignard, La Rochefoucault, mais aussi le Maréchal de Vivone, Philippe Quinault, Saint Evremont et François Girardon. L’enjeu de la toile réside également dans la présence centrale de Ninon de Lenclos, quelque peu alanguie, légèrement vêtue d’une robe anachronique pour le règne de Louis XIV et dont la clarté attire le regard du spectateur comme de l’assistance.
Nicolas-André Monsiau donne à voir l’auteur et une partie de son travail préparatoire, représenté ici par la lecture en public. Sa présence au premier plan, debout, et son nom dans le titre de la toile, témoignent du passage à la postérité de sa personne et de son Œuvre. En effet, le peintre opère un brouillage chronologique afin de transposer le sens du Tartuffe dans le contexte troublé de la Restauration. Tout au long de cette période, le public se voit offrir des représentations vaudevillesques de Molière. Cette « tartufferie » s’incarne à travers la mise en musique, sur des airs populaires, de certains monologues de la pièce, les multiples représentations théâtrales, illustrant la tendance à une instrumentalisation politique de la théâtralité. Le tableau de Nicolas-André Monsiau est en ce sens avant-gardiste, puisqu’il semble avoir été réalisé entre 1802 et 1810, sous l’Empire.
Myriam DENIEL TERNANT, « Molière », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14 Octobre 2016. URL : http://www.histoire-image.org/etudes/moliere